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Interview de Viktor Orbán dans l’émission « Bonjour la Hongrie ! » sur Radio Kossuth

Zsolt Törőcsik : Depuis que les États-Unis ont présenté leur plan de paix en 28 points pour régler la guerre russo-ukrainienne, l’activité diplomatique s’est nettement accélérée. Ce document a été modifié à plusieurs reprises ces dernières semaines, et il semble que, lentement certes, mais les positions se rapprochent. Pour savoir comment le Premier ministre Viktor Orbán perçoit la situation et l’attitude européenne, je le rejoins immédiatement. Bonjour !

Bonjour !

Les acteurs directement concernés commentent assez peu ce plan de paix, alors que les Européens, eux, en parlent beaucoup. Dans quelle mesure voyez-vous la situation évoluer de manière encourageante ?

Il ne faut pas s’en étonner : ceux qui ont de la force agissent, ceux qui n’en ont pas parlent. Voilà pourquoi Russes et Américains, qui sont puissants, négocient et cherchent un accord, tandis que les Européens, faibles et, de surcroît, exclus du processus, restent en marge d’une question essentielle pour l’avenir du continent et se contentent de commenter. C’est la réalité d’aujourd’hui.

Mais à quel point ces déclarations sont-elles dangereuses ? Nous avons entendu, par exemple, le président du comité militaire de l’OTAN évoquer la possibilité de frappes préventives contre la Russie. Manfred Weber a déclaré qu’il fallait transformer l’Union européenne en une « OTAN européenne », et le président Poutine a réagi en affirmant qu’il n’y aurait plus de partenaire de négociation si l’Europe déclenchait une guerre contre la Russie, une menace qui semblait particulièrement sévère.

Il est indéniable que nous traversons un moment dangereux. Ces quatre dernières années ont été marquées par cette incertitude permanente : il y a eu des phases où nous étions proches d’une extension de la guerre à toute l’Europe, et d’autres où ce risque s’atténuait. Nous vivons aujourd’hui un moment décisif, et les prochains jours détermineront si la guerre se rapproche du continent, si elle s’étend dans notre direction, ou si au contraire la flamme du conflit commence enfin à baisser. En effet, deux dynamiques sont à l’œuvre. D’une part, une série ininterrompue de négociations américano-russes. Si elles aboutissent, l’intensité de la guerre diminuera à coup sûr, et nous pourrons souffler un peu ici, en Hongrie. Nous ne serons pas tirés d’affaire pour autant, mais nous pourrions entrer dans une période moins tendue et moins risquée. D’autre part, si la volonté des Européens l’emporte, eux qui affirment qu’il faut poursuivre la guerre, non chercher la paix, et que la solution doit venir du champ de bataille, alors le conflit pourrait se rapprocher de nous, et la menace de guerre augmenter encore. Les prochains jours décideront de l’orientation des événements. Un autre élément, moins visible pour l’opinion : selon les informations de ce matin, une réunion importante se tient aujourd’hui en Belgique. Le chancelier allemand y participe, peut-être aussi la présidente de la Commission, afin de convaincre les Belges de confisquer les avoirs russes gelés sur leur territoire, de les intégrer dans les fonds européens et, grâce à divers montages juridiques, de financer avec cet argent la poursuite de la guerre en Ukraine, pour maintenir l’effort militaire sur le front. Si un accord est trouvé et que les Européens réussissent leurs tractations internes, alors d’importantes sommes d’argent afflueront vers l’Ukraine dans les prochains mois. La Hongrie devra alors faire en sorte de rester à l’écart de ce mécanisme : nous ne voulons ni envoyer d’argent là-bas, ni nous laisser entraîner dans ce conflit. En revanche, si les Belges, chez qui ces fonds sont physiquement localisés, résistent, les dirigeants européens devront reconnaître qu’il n’y a tout simplement pas d’argent pour soutenir la guerre ukrainienne. La solution ne pourra donc pas être cherchée sur la ligne de front : cela coûterait énormément d’argent et de vies humaines. Il faudra alors soutenir les efforts américains pour négocier avec les Russes. Voilà où nous en sommes : dans une situation suspendue, qui durera encore trois ou quatre jours. Mais d’ici là, tout pourrait se clarifier, et nous saurons si les mois à venir seront marqués par l’extension et l’aggravation de la guerre, ou si les chances de paix commenceront à augmenter.

Il est intéressant de noter que, sur ce sujet, le Premier ministre belge s’est exprimé de manière très directe et très franche : il se demande, qui peut sérieusement croire que la Russie va perdre en Ukraine ? Pour lui, c’est une fable, une pure illusion. Est-ce le signe d’un changement ? Car Bruxelles affirme que le soutien à l’Ukraine vise simplement à lui permettre de négocier en position de force, et non à préparer une guerre.

Oui, les Belges se trouvent ici dans une position particulière, compte tenu que les avoirs russes gelés sont chez eux. La Belgique est très forte dans ce secteur d’activité, c’est une industrie à part entière, qui consiste à gérer les réserves de change de divers pays. Nous aussi, d’ailleurs, disposons de réserves de change, et leur gestion est un travail complexe, qui exige une expertise financière : décider du montant, de la devise, de l’endroit où les placer, etc. Aujourd’hui, l’une des principales monnaies de réserve dans le monde, après le dollar, est l’euro, la monnaie de l’Union européenne. De nombreux pays, pas seulement la Russie, des États riches aussi, placent une partie de leurs réserves à l’étranger, en euro, pour des raisons de sécurité. Les Russes faisaient la même chose avant la guerre. On parle d’environ 200 milliards d’euros, une somme colossale qu’ils pensaient en sécurité suffisante en Europe, libellée en euros. Ce sont des sociétés belges qui gèrent ces opérations. Elles s’étaient engagées à ce que les citoyens russes puissent récupérer cet argent, et à leur garantir l’accès aux fonds en cas de besoin. Or l’Union européenne a placé ces entreprises belges dans une situation impossible en gelant ces actifs. C’est d’ailleurs sans précédent : en droit international, on voit rarement une puissance, en l’occurrence l’UE, déclarer à quelqu’un : « Certes, c’est ton argent, mais tu n’y auras plus accès. » Il faut dire aussi qu’en Europe, on berce les opinions publiques d’illusions. En Europe de l’Ouest, où règne un monopole médiatique libéral et où 98 % de la presse est favorable à la guerre, on dit aux citoyens : « Cette guerre ne vous coûtera pas un centime. Toi, mon cher Franz, en banlieue de Munich, toi à Paris, toi dans les montagnes espagnoles, ne t’inquiète pas : tout sera financé grâce aux avoirs russes gelés, réservés et bientôt confisqués. » C’est pour cela que, dans certains pays, le sentiment antiguerre n’est pas très fort : les gens pensent qu’eux, ils habitent sur la côte atlantique, que la guerre est lointaine, qu’elle ne leur coûtera rien, puisque les dirigeants affirment que tout sera payé avec l’argent russe. Or voilà que l’on découvre que ce n’est pas si simple. Les Belges, par exemple, ne veulent pas assumer le risque qu’en posant la main sur cet argent, ils perdent ensuite devant des tribunaux internationaux, ce qui est très probable, et qu’ils doivent en assumer les conséquences. Le Premier ministre belge parle donc avec la même franchise que moi, ou que nous, Hongrois, parce que ce qui se joue ici est très sérieux. S’il accepte cela sans obtenir de garanties sur le fait que, en cas de condamnation devant des instances internationales, quelqu’un prenne en charge le remboursement aux Russes, la somme manquante et tout ce qui va avec, intérêts compris, alors il ne peut pas s’engager, car il mettrait la Belgique en péril financier. Voilà pourquoi, aujourd’hui, nous, en Europe centrale, défendons la paix pour des raisons de principe, tandis que les Belges souhaitent une désescalade pour des raisons financières.

Le soutien à l’Ukraine est d’autant plus délicat que le scandale de corruption ukrainien continue d’enfler. Après les toilettes en or, voilà qu’on parle maintenant d’une baignoire en or. Bruxelles reste pourtant optimiste : selon Kaja Kallas, ce scandale prouverait au contraire que les institutions anticorruptions ukrainiennes fonctionnent, et donc que tout va bien. Comment Bruxelles devrait-elle, selon vous, gérer cette affaire ?

Bruxelles est en difficulté, car sa propre maison brûle. Elle devrait éteindre l’incendie de la corruption en Ukraine alors que le feu fait rage chez elle. C’est une histoire riche en enseignements pour nous aussi. Le sujet est passé au second plan, mais il y a un an, on apprenait que le représentant belge à la Commission européenne, responsable de la justice, de la transparence et de l’État de droit, un certain Reynders, celui qui s’amusait à nous piétiner matin, midi et soir, avait été soudain interpellé par la police belge pour des soupçons de corruption et de blanchiment d’argent. C’était cet homme-là qui nous attaquait régulièrement, pour parler poliment. Et maintenant, on découvre que le numéro deux de l’Union européenne d’il y a cinq ans encore, le vice-président de la Commission chargé des affaires étrangères, représentant de l’Italie, est lui aussi impliqué dans une affaire obscure : perquisitions, police, arrestations… des événements suspects sont en cours. Alors que l’Union européenne est noyée dans la corruption, et pas seulement la Commission, dont je viens d’évoquer deux membres : le Parlement européen lui-même est éclaboussé par des scandales retentissants, voilà que ce Bruxelles, qui suffoque sous les affaires, devrait donner des leçons sur la corruption en Ukraine. Je ne peux que constater que c’est mission impossible : ce qui se passe en Ukraine se passe également à Bruxelles. Dans ce genre de situation, chacun couvre l’autre ; au mieux, c’est tout ce que l’on peut attendre. La Commission n’est vraiment pas dans une position facile.

L’autre manière dont Bruxelles souhaiterait soutenir l’Ukraine, c’est l’interdiction d’importer de l’énergie russe. Le Conseil et le Parlement se sont d’ailleurs accordés cette semaine pour interdire, à partir de 2027, l’achat de gaz acheminé par gazoduc vers les pays de l’Union. Dans ce contexte, que valent les résultats obtenus à Washington et à Moscou ?

Ce dont nous avons parlé jusqu’à présent relevait plutôt de la politique étrangère, ce qui nous concerne aussi, puisque nous sommes membres de l’Union, mais votre question touche de plein fouet l’économie hongroise. Et même plus que cela : c’est une question vitale, une question essentielle. Tout le monde en Hongrie sait désormais que si le gaz et le pétrole russes cessent d’arriver chez nous, les conséquences économiques seront dramatiques. Cela signifierait que les coûts énergétiques des ménages, d’après les estimations prudentes, seraient multipliés par trois, selon d’autres par trois et demi. Chacun peut calculer ce que représentent, sur un mois d’hiver, sa facture de gaz et d’électricité. Pour le pétrole, la situation est tout aussi claire : sans pétrole russe, le prix des carburants grimperait jusqu’au ciel. Maintenir ouvert l’axe d’approvisionnement par lequel nous recevons le pétrole et le gaz russes est une question de survie économique pour la Hongrie et pour les familles hongroises. Ce n’est pas un hasard si j’ai consacré autant d’énergie à écarter les dangers qui nous menaçaient. Nous en avons déjà neutralisé deux. Le premier venait des États-Unis : ils avaient imposé des sanctions sur les achats d’énergie russe, ce qui aurait rendu ceux-ci impossibles. Il a fallu obtenir que la Hongrie soit exemptée de ces sanctions. Au nom du pays tout entier, j’ai déjà exprimé à plusieurs reprises notre gratitude. Nous ne sommes pas un peuple particulièrement enclin à la gratitude, pour le dire entre nous, et nous ne sommes pas habitués à exprimer beaucoup d’émotion dans la politique internationale, mais la situation était différente. Il fallait remercier clairement le président des États-Unis. Évidemment, compte tenu de l’échelle de ses responsabilités, il ne se lève pas et ne se couche pas en pensant aux factures énergétiques des foyers hongrois. Mais il a fini par comprendre que ce qui peut être logique à l’échelle globale peut avoir, pour la Hongrie, des effets totalement déraisonnables, et que l’objectif des sanctions américaines n’était pas de détruire les Hongrois. Il l’a admis, et nous avons conclu un accord : tant qu’il sera président des États-Unis et qu’il y aura en Hongrie un gouvernement favorable à la paix, la Hongrie sera exemptée de ces sanctions. Le deuxième accord, il a fallu le conclure avec le président russe. La guerre en cours est telle qu’à présent les Ukrainiens portent des frappes sur le territoire russe, ciblant en particulier les infrastructures énergétiques : des stations de compression, des pipelines, et même, de plus en plus, des sites d’extraction. Naturellement, pour la Russie, la priorité absolue est son propre territoire. Nous avions donc besoin d’une garantie : quoi qu’il arrive au système énergétique russe, nous devons pouvoir recevoir les quantités de pétrole et de gaz prévues par les contrats que nous avons négociés et signés. Nous avons renforcé ces accords ; nous disposons désormais d’un contrat consolidé avec la Russie, garantissant que le pétrole, la nafta, comme ils disent, et le gaz arriveront en Hongrie conformément aux modalités convenues. Deux lourds cailloux sont ainsi tombés de notre poitrine. Mais il y en a un troisième : Bruxelles. Car indépendamment des États-Unis, l’Europe aussi veut imposer des sanctions, une interdiction totale du pétrole et du gaz russes, ce qui nous ramènerait exactement dans la situation dont nous venons de nous extraire grâce à l’accord avec le président américain. La différence, c’est que les sanctions américaines, elles, sont déjà en vigueur. Si cette négociation n’avait pas abouti, nous serions aujourd’hui dans une situation catastrophique en Hongrie, et plusieurs millions de familles seraient en grande difficulté. La décision européenne, elle, est encore en préparation : elle entrerait en vigueur en 2027. Nous avons donc gagné un peu de temps, et nous pouvons espérer que, si les pourparlers de paix aboutissent et qu’une paix durable se met en place, des décisions seront prises pour lever les sanctions. Dans ce cas, toute cette menace disparaîtrait au-dessus de la Hongrie. Autrement dit, pour l’approvisionnement énergétique et la stabilité financière de la Hongrie, la meilleure solution, c’est la paix, car la paix balaiera le régime des sanctions et nous permettra de revenir à une coopération normale. Notre objectif à Bruxelles, maintenant, est d’obtenir que cette décision ne soit pas adoptée, ou qu’elle n’entre en vigueur que le plus tard possible.

Aux attaques juridiques s’ajoutent aussi des attaques physiques : cette semaine encore, le pipeline pétrolier Droujba a été visé. Laquelle est la plus dangereuse : l’attaque juridique ou l’attaque physique ?

N’oublions pas que Bruxelles joue avec des cartes truquées. Interdire l’achat de gaz et de pétrole russes constitue, pour tout juriste ayant touché au droit international ou au droit commercial, une mesure de sanction. Or les sanctions, dans l’Union, ne peuvent être décidées que si tous les États membres les approuvent. Comme la Hongrie ne les approuvait pas, aucune décision ne pouvait nous être imposée. Au moment où ces sanctions ont été débattues, j’ai clairement indiqué que je ne les soutiendrais que si la Hongrie, ainsi que la Slovaquie, qui partage avec nous le même système de pipelines, était exemptée. Le ne dirai pas que cela s’est fait facilement, ni dans une atmosphère amicale, ni dans le cadre d’une conversation courtoise et policée : cela a été arraché dans la sueur, mais nous avons obtenu cette dérogation, je l’ai obtenue, je l’ai négociée. Je disposais d’ailleurs d’un levier : sans cette exemption, il n’y avait pas de sanctions du tout. Aujourd’hui, Bruxelles a imaginé une parade, d’où mon expression de « cartes truquées ». Ils prétendent que ce qu’ils proposent n’est pas une sanction, mais une décision de politique commerciale. Or, selon le droit européen, les décisions de politique commerciale ne nécessitent pas l’unanimité : elles peuvent être adoptées à la majorité. Autrement dit, ils veulent contourner le veto hongrois. C’est totalement illégal, une violation flagrante des règles en vigueur. Si l’on peut encore parler d’État de droit en Europe, alors c’en est la violation ouverte. Nous allons d’ailleurs porter plainte contre la Commission si elle adopte cette décision : nous voulons obtenir réparation par la voie juridique ; même si nous savons bien qu’un procès européen dure plus longtemps que huit guerres. Quoi qu’il en soit, nous devons signaler que l’Union européenne s’écarte de la voie du droit, qu’elle viole le droit, qu’elle abuse de son pouvoir, et qu’il faudra bien, tôt ou tard, en tirer les conséquences. Voilà où nous en sommes. Mais pardon, ce n’était pas là votre question : parlons maintenant du danger physique. Si j’ai détaillé le danger juridique avec autant de précision, c’est pour montrer qu’il ne s’agit pas d’un jeu simple à Bruxelles : il ne faut pas seulement du courage politique et, à l’échelle de l’histoire, nous n’en avons jamais manqué, et le gouvernement actuel non plus, mais aussi une expertise juridique solide et la force intellectuelle nécessaire pour mener un tel combat. C’est ce que fournit le ministère de M. János Bóka, qui, jusqu’ici, accomplit selon moi un excellent travail. Quant au danger physique : il découle du fait que les Ukrainiens ont reçu, et développé eux-mêmes des armes capables non seulement d’agir sur la ligne de front, mais aussi de frapper l’arrière-pays russe. Et comme les Russes, eux, frappent systématiquement toutes les infrastructures énergétiques ukrainiennes : postes de distribution, stations de compression, etc., paralysant presque totalement l’approvisionnement en énergie pour l’hiver, les Ukrainiens ripostent désormais sur le territoire russe. D’où l’importance de suivre les nouvelles concernant le type d’armes que les Occidentaux livrent à l’Ukraine. S’agit-il d’armes capables d’atteindre la Sibérie ou même Moscou, donc les territoires russes intérieurs ? Et provoquent-elles de réels dommages dans l’approvisionnement russe ? Les estimations varient, mais au minimum 10 % des capacités énergétiques russes ont été paralysées par ces frappes. C’est pourquoi la question se posait : dans ces conditions, la Russie respecterait-elle ses contrats de livraison ? Nous avons obtenu un accord selon lequel aucune situation militaire, même en territoire russe, ne pourra justifier une interruption des livraisons vers la Hongrie. Nous disposons donc d’une garantie vivante.

Puisque nous parlons d’économie : le programme économique du parti Tisza a fuité : un programme dont ils nient l’existence. Selon ce document, ils retireraient 3 700 milliards de forints aux entreprises et 1 300 milliards aux familles. Quels en seraient les effets ? Et pourquoi le Tisza voudrait-il augmenter les impôts alors que la situation budgétaire ne l’impose pas, en sachant que ce serait impopulaire ?

Voyez-vous, la gauche adore augmenter les impôts, indépendamment de la situation réelle du pays. Elle part de l’idée que l’argent est mieux entre les mains des responsables politiques que dans celles des entreprises ou des citoyens. Elle considère que l’économie fonctionne de manière injuste si l’allocation des ressources est décidée par les entrepreneurs et les employeurs selon les lois économiques. Selon elle, ces injustices doivent être corrigées en prélevant une part toujours plus grande de l’argent, à la fois sur les entreprises et sur les gens, pour le redistribuer ensuite selon un critère d’équité défini par les politiques, parce qu’ils savent mieux où l’argent doit aller que ceux qui le produisent. Voilà la différence radicale entre une vision de gauche et une vision de droite. Nous pensons que le travail et la performance sont essentiels : laissez les gens travailler, gagner leur vie, et décider eux-mêmes de l’usage de leur argent. C’est une vision de droite. La gauche, elle, veut décider elle-même. Quelles que soient les circonstances économiques ou l’état du budget, la gauche augmente toujours les impôts, intervient, réglemente. La droite, elle, ne veut prélever que ce qui est absolument nécessaire pour les dépenses communes, et laisser le plus d’argent possible dans les poches des citoyens. Nos seules interventions concernent les familles. Nous voulons en effet que le coût d’élever un enfant soit le plus faible possible et que les parents qui en élèvent ne vivent pas moins bien que ceux qui n’en ont pas. C’est pourquoi nous accordons des avantages fiscaux familiaux, nous avons instauré un système de crédits d’impôt pour les familles et nous soutenons les foyers avec enfants. Deux visions du monde s’affrontent donc ici. Quant au programme du Tisza : il aggrave encore la situation. C’est pour cela qu’il est effrayant à vous donner la chair de poule ou à vous faire arracher les cheveux, selon la solidité de votre système nerveux. Ils veulent même envoyer de l’argent à Bruxelles, car Bruxelles réclame des fonds aux États membres pour financer l’Ukraine. Et si elle ne peut pas saisir les avoirs russes, elle demandera encore davantage d’argent aux États membres pour continuer la guerre. Nous, à droite, n’envoyons pas d’argent à l’Ukraine, même si cela provoque un conflit avec Bruxelles. Nous l’assumerons. La gauche hongroise, sous la direction du Tisza, pense autrement : elle estime légitime toute demande financière de Bruxelles et soutient la poursuite de la guerre. Les partis comme le Tisza ou la DK sont des partis hongrois pro-ukrainiens : ils approuvent la poursuite de la guerre, donnent de l’argent à Bruxelles, qui l’envoie ensuite à l’Ukraine C’est aussi simple que ça. Mais pour cela, il faut prélever l’argent quelque part, là où il y en a : des familles et des entreprises. D’où leurs projets de ponction de plus de 1 000 milliards sur les familles et de plus de 3 000 ou 3 500 milliards sur les entreprises. C’est ce qui explique ce programme véritablement insensé qu’ils ont rendu public. Et il faut prendre cela très au sérieux, car c’est un programme signé. Je vois qu’un débat existe pour savoir s’il est authentique ou non. Mais ces documents portent bel et bien des signatures : j’ai vu moi-même les chapitres paraphés par la personne responsable de la politique économique du Tisza. Il n’y a donc plus matière à discussion : c’est un programme réel, une menace réelle. Et si les Hongrois décident de le choisir, ils doivent avoir conscience qu’il entraînera de graves conséquences financières pour leurs entreprises, leurs emplois et leur budget familial.

C’est particulièrement intéressant si l’on considère qu’un accord sur le salaire minimum a été conclu hier : il augmentera de 11 % l’année prochaine. Dans les circonstances actuelles, et si celles-ci changeaient, les entreprises pourront-elles assumer cette hausse ?

Si le programme du Tisza devait entrer en vigueur, que le Bon Dieu nous en garde, alors, bien sûr, on pourrait oublier toute augmentation du salaire minimum. Avec le programme économique qui vient de fuiter, il est impossible de mettre en œuvre une hausse de 11 %, ni même de 7 %. Pour cela, il faut une politique économique de droite. Les parties qui ont conclu l’accord, les syndicats d’un côté et les employeurs de l’autre, sont parties du principe que la politique économique actuelle serait maintenue. Si elle l’est, alors ils sont en mesure, puisque ce sont eux qui en ont décidé, le gouvernement n’ayant joué qu’un rôle de médiation, de réaliser cette augmentation du salaire minimum. Mais si la politique économique change, cet accord éclatera en un instant.

Parlons d’un autre sujet : aujourd’hui, cela fait exactement 21 ans que s’est tenu le référendum sur la double nationalité, qui a malheureusement laissé de profondes blessures dans la relation entre les Hongrois de l’intérieur et ceux d’au-delà des frontières. Vingt-et-un ans plus tard, ces blessures sont-elles guéries ?

Selon moi, oui. J’étais de ceux qui, le soir du scrutin, ont vécu ce résultat comme une victoire. Je crois même avoir été l’un des seuls, un sur cent, peut-être, car je ne pensais pas que les Hongrois soutiendraient à une majorité suffisante l’idée que les Hongrois d’au-delà des frontières puissent obtenir la double nationalité, et que nous formions une seule communauté non seulement spirituellement, culturellement et linguistiquement, mais aussi politiquement et juridiquement. La gauche a toujours agité, façonné ou enseigné une position opposée : selon une certaine culture politique en Hongrie, est hongrois celui qui vit en Hongrie. Telle est la position de la gauche. À droite, en revanche, on affirme que nous formons une grande nation que l’on a démembrée, injustement brisée, mais que les Hongrois passés au-delà des frontières demeurent des Hongrois ; autrement dit, les frontières de la nation et celles de l’État ne coïncident pas. Ce sont là deux philosophies entièrement différentes. Ce qui m’a réjoui ce 5 décembre, c’est qu’il y avait plus de « oui » que de « non ». Cela m’a réjoui parce que je savais que viendrait un jour où le Bon Dieu, et les électeurs hongrois, nous donneraient peut-être une majorité des deux tiers, indispensable pour modifier la loi et accorder la citoyenneté. Le fondement moral de cette décision future a été créé : une fois le « oui » majoritaire, un gouvernement pouvait se référer à ce référendum pour introduire la double nationalité. Et lorsque nous avons obtenu cette majorité des deux tiers en 2010, notre première décision a été d’introduire la double nationalité, précisément en référence à ce référendum douloureux pour beaucoup, mais où une majorité s’était tout de même prononcée. Le plus important, c’est qu’un changement s’est produit aussi à gauche. La culture politique selon laquelle « qui ne vit pas en Hongrie n’est pas hongrois » s’est flétrie. Elle existe encore, j’en vois bien les représentants, mais elle s’est affaiblie. L’autre vision, celle qui dit que le pays a des frontières, l’État a des frontières, mais la nation n’en a pas, et que tous les Hongrois du monde appartiennent à une même nation, s’est renforcée. Je pense donc qu’au plan juridique comme au plan culturel et philosophique, nous avons dépassé ce douloureux référendum du 5 décembre, et que nous travaillons aujourd’hui à plein régime à la construction de l’unité nationale hongroise.

J’ai interrogé le Premier ministre Viktor Orbán notamment sur la position de Bruxelles face à la guerre, sur les enjeux énergétiques et sur le paquet Tisza.

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