Márk Móna : Nous sommes à Copenhague, en ce premier soir du sommet de l’Union européenne, où j’ai eu la chance de réaliser un entretien exclusif avec le Premier ministre de la Hongrie, Viktor Orbán. Monsieur le Premier ministre, en arrivant devant nous, les journalistes, pour votre déclaration à la presse, vous avez indiqué que vous vous prépariez à un à un « combat en cage ». Mais, à vous voir, j’ai l’impression que vous vous en êtes tiré avec quelques égratignures seulement.
Oui, moi je m’en suis sorti, pour les autres je ne saurais le dire, mais le choc a été rude. C’était un sommet européen particulièrement intense : la question de l’énergie était à l’ordre du jour, il fallait clarifier notre stratégie dans la guerre russo-ukrainienne, et débattre de l’avenir des avoirs russes gelés, ce qui a suscité d’énormes controverses. Chacun de ces sujets aurait suffi à remplir une journée de débats, alors que nous avons dû en affronter trois à la fois.
Beaucoup aimeraient en savoir davantage sur votre rencontre avec Angela Merkel. De quoi avez-vous parlé ? Comment avez-vous accueilli l’ancienne chancelière ? Quels ont été les principaux thèmes ? Pouvez-vous en partager quelques-uns avec le public ?
Les Hongrois sont un peuple courtois, et notre culture politique veut que lorsqu’une personne a été chancelière, elle reste toujours, à nos yeux, « la chancelière ». Ainsi Angela Merkel, quels que furent nos différends par le passé, restera pour les Hongrois la chancelière d’Allemagne aussi longtemps qu’elle vivra. Il en a été de même avec Helmut Kohl. Nous avons parlé de beaucoup de choses. Nous nous souvenons tous deux des débats du passé, chacun étant convaincu d’avoir eu raison sur tous les points, mais nous nous le sommes dit avec élégance, surtout à propos de la question migratoire. Nous avons aussi discuté de la compétitivité de l’économie européenne ; elle partage les mêmes inquiétudes que moi. Si nous ne prenons pas rapidement un virage décisif en matière de compétitivité et si nous ne faisons pas baisser de manière radicale le prix de l’énergie partout en Europe, prix que la Commission maintient artificiellement élevé en ce moment, l’économie européenne finira à genoux. Elle ne s’exprime pas dans des termes aussi tranchants que nous, Hongrois, mais le cœur de son message était le même : la situation est grave et il faut agir d’urgence.
À propos de compétitivité : lorsque la Hongrie assurait la présidence tournante de l’UE, un Pacte de Budapest pour la compétitivité avait été adopté. Aujourd’hui, c’est le Danemark qui préside le Conseil de l’UE. En a-t-on parlé au sommet ? Ce pacte est-il revenu sur la table ? Où en est-on aujourd’hui ?
Je m’étais préparé à ce que les Allemands le remettent sur le tapis. Il existe un paquet de mesures qu’on appelle le « paquet de simplification ». Il vise à supprimer plusieurs centaines de réglementations. Tout le monde voit bien qu’une entreprise européenne dépense à peu près autant pour la recherche que pour se conformer aux prescriptions absurdes et bureaucratiques de la Commission. Et cela suscite une véritable révolte. Nous avons d’ailleurs déjà adopté un paquet supprimant des centaines de ces dispositions. Il est aujourd’hui devant le Parlement européen, mais celui-ci refuse de l’examiner. Plusieurs de mes collègues, plusieurs Premiers ministres, considèrent cela comme du sabotage. Donc, oui, la question de la compétitivité est bel et bien sur la table.
Je reste un journaliste avant tout spécialisé dans la politique intérieure, et la politique étrangère m’est parfois un peu étrangère… Je voudrais donc revenir en Hongrie avec ma dernière question. Ces derniers jours, sur la page d’Ákos Hadházy est apparue une information selon laquelle votre oreille serait « spéciale » et contiendrait un dispositif destiné à vous diriger et à vous donner des instructions. Que pensez-vous de cette histoire, que l’opposition a largement relayée pendant quelques jours ?
Je dois répondre dans le même style ?
Oui !
Il n’y a rien.
Et quelle a été votre réaction à cette rumeur ?
Que c’est de la folie. Tout le monde sait que Hadházy est fou. J’ai déjà dit que le divertissement et la politique finissent par se confondre. C’est pourquoi, aujourd’hui, la politique voit émerger des personnes qui sont effectivement dérangées, mais qui attirent l’attention comme des artistes du spectacle. Hadházy appartient à cette catégorie : il ne relève pas du monde politique, mais de celui du spectacle ; c’est un illuminé qui se fait passer pour un homme politique.
Encore une dernière question sur la politique intérieure : la nouvelle consultation nationale a été lancée. Qu’en attendez-vous ?
Chaque consultation nationale est importante. Nous la menons toujours sur des sujets majeurs, et une fois et demie à deux millions de personnes y répondent à chaque fois. Si l’on y réfléchit, c’est un formidable exercice démocratique. Pour moi, c’est toujours un grand soutien. Dans les batailles de Bruxelles, les consultations nationales me donnent de la force. Ce n’est jamais facile, mais c’est beaucoup plus simple quand on a derrière soi tout un pays, ou du moins une large partie de celui-ci, sur des dossiers européens difficiles. La consultation actuelle, par exemple, aborde des questions liées à la fiscalité et à la compétitivité. Les réponses facilitent le travail du gouvernement, et, en même temps, elle introduit dans le débat public des sujets qui, autrement, ne recevraient pas l’attention qu’ils méritent, alors qu’ils sont essentiels. J’espère donc que cette consultation sera elle aussi un succès.
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