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Interview de Viktor Orbán dans l’émission « Bonjour la Hongrie ! » sur Radio Kossuth

Zsolt Törőcsik : Mardi marquait le dixième anniversaire des émeutes de Röszke. À cette occasion, le Premier ministre Viktor Orbán a rappelé que Bruxelles exerce depuis dix ans une pression sur le gouvernement hongrois à propos de la question migratoire. Mais la Hongrie, a-t-il souligné, ne fera pas de compromis, à l’avenir non plus, sur cette question. C’est aussi sur ce point que je souhaite interroger le Premier ministre Viktor Orbán. Bonjour à vous !

Bonjour !

Permettez-moi de revenir un peu en arrière. Deux semaines avant les émeutes de Röszke, Angela Merkel avait prononcé cette phrase restée célèbre : « Wir schaffen das » – « Nous y arriverons ». Peu après, dans les gares allemandes et d’Europe occidentale, les migrants ont été accueillis à bras ouverts, tandis que la Hongrie se retrouvait désignée comme le mouton noir. Dix ans plus tard, comment la situation a-t-elle évolué, du point de vue social et politique ?

À l’époque où les Allemands affirmaient pouvoir relever le défi, l’Allemagne était encore un autre pays. On pouvait croire qu’ils y parviendraient. Mais depuis, il est devenu évident qu’ils ont de plus en plus de mal à résoudre quoi que ce soit. Leur industrie automobile s’est effondrée, la Chine les surpasse dans ce domaine, l’endettement s’aggrave, ils contractent des emprunts massifs, et hier encore, ils ont adopté un budget affichant un déficit record. L’Allemagne dont parlait alors la chancelière Merkel – qui, soit dit en passant, viendra bientôt en Hongrie pour présenter son livre, dont je soutiendrai le lancement – c’était pour nous aussi, Hongrois, le symbole d’un mécanisme bien huilé, d’une organisation rigoureuse. Nous pensions réellement que les Allemands pouvaient s’en sortir. Mais cela ne nous concernait pas : ce qui m’importait, ce n’était pas de savoir si les Allemands allaient réussir, mais si les Hongrois pouvaient résoudre leurs propres problèmes. Et là-dessus, j’étais sûr d’une chose : quoi qu’en disent les Allemands, nous ne pourrions pas nous en sortir de cette façon. Bien sûr, nous parlons de Röszke – à juste titre. Car c’est là qu’il est apparu que ces migrants n’étaient pas des réfugiés. On a découvert qu’ils avaient des téléphones portables, qu’ils pouvaient mener des actions coordonnées, que leurs déplacements avaient davantage un caractère militaire qu’un profil de réfugiés en fuite. On a vu qu’ils possédaient des cartes bancaires, qu’ils étaient acheminés par des réseaux de passeurs organisés, et qu’en arrière-plan se trouvait le maillage des ONG financées par George Soros. Oui, Röszke a été une expérience décisive. Mais mes impressions les plus fortes ne viennent pas de là : elles me viennent des visites que j’ai faites dans certains camps de migrants. Car, même si la Hongrie a réussi à se protéger de la vague migratoire, au début, certains migrants étaient encore présents sur notre territoire. Il y avait un camp à Debrecen, un autre à Bicske, près de Felcsút. J’y allais presque quotidiennement. J’ai vu de mes yeux l’impact que cela avait sur la vie de ces villes, grandes ou petites. Lorsque nous avons fermé le camp de Debrecen, si je puis m’exprimer sans fausse modestie : lorsque j’ai pris cette décision – les habitants m’auraient porté en triomphe sur la grande rue, tellement ils étaient soulagés. À Bicske aussi, tout le monde nous serrait la main, reconnaissant de voir disparaître les scènes qui se déroulaient jusque dans les parcs et dans les rues. J’étais donc convaincu, dès le départ, que, peu importe ce que disaient les Allemands, cette situation n’était pas bonne pour nous, Hongrois. Il s’est ensuite avéré que l’Allemagne avait également changé, que cela ne leur convenait pas non plus et qu’ils ne pouvaient pas résoudre ce problème, malgré les promesses de la chancelière.

Beaucoup de choses ont changé, ne serait-ce que dans l’attitude politique : en Europe occidentale de nombreux pays ont durci leur ligne, ils essaient du moins de gérer les expulsions de façon plus efficace. Pourtant, cette semaine vous avez eu un échange vif avec le Premier ministre suédois, à propos d’une évaluation de la situation migratoire en Suède, et il vous a accusé de mensonge. D’une part, comment expliquez-vous la raison de cette réaction si vive de sa part ? D’autre part, à quel point, dix ans après, la question migratoire aiguise-t-elle encore les tensions entre États membres ?

Là où l’on a laissé entrer les migrants, la sécurité publique s’est détériorée de façon drastique : les espaces publics sont devenus dangereux, certains quartiers sont devenus inhabitables, les habitants partent, et le nombre de bandes criminelles ainsi que leurs affrontements de rue, je ne dis pas que c’est devenu « normal », mais c’est devenu une partie intégrante, sans surprise, de la vie en Europe occidentale. Et le problème est encore plus grave, car cette erreur est irréparable. En politique, il y a deux sortes d’erreurs : celles qui sont corrigibles, et celles qui ne le sont pas. Celle-ci n’est pas corrigible. C’est comme le plan d’austérité Bokros. Cette mesure a réduit le système d’aides aux familles ; à cause de cela, beaucoup d’enfants n’ont pas vu le jour. Ces enfants ne naîtront jamais. Il existe donc des erreurs en politique, sur différents domaines, la paix, la guerre : ceux qui sont morts dans une guerre qui n’aurait pas dû être déclenchée ne naîtront pas une seconde fois. Il y a donc quelques domaines en politique, pas beaucoup, mais quelques-uns, où les erreurs commises sont irréparables. La migration en fait partie. Peut-être que l’image est un peu indigne au regard de la gravité du sujet, mais elle est juste : une fois le dentifrice sorti du tube, on ne peut pas le remettre dedans. Le monde occidental a changé une fois pour toutes, et ils ne savent plus quoi faire. Si vous voulez savoir quel point la situation sera pire dans l’avenir, il suffit de vous rendre dans les cours d’école. Donc, si vous souhaitez voir l’avenir de votre propre pays, rendez-vous dans une cour d’école pendant la récréation et observez. Si quelqu’un va dans une cour d’école à Vienne, Munich ou Paris, qu’il observe qui s’y trouve, comment les élèves se regroupent, ce qu’ils font, comment ils se comportent entre eux, il verra un avenir peu encourageant pour ces pays. Le Premier ministre suédois critique depuis longtemps la Hongrie. En général, les Suédois sont des gens sympathiques, on les aime bien, ABBA, Björn Borg, pour ne citer que ma génération : des héros, de jolies femmes, de la musique, mais en réalité la politique suédoise est extrêmement agressive et moralisatrice ; pas seulement à notre égard, ce qui mérite d’être noté, mais globalement dans le monde. Et les Hongrois supportent mal cela. On ne peut pas accepter, par exemple, que pendant qu’on utilise des filles mineures pour commettre des crimes violents, parfois meurtriers, pendant que la violence sévit dans les villes suédoises, pendant que l’année dernière on a relevé plus de 300 faits criminels impliquant des explosions, le même Premier ministre et le même gouvernement suédois donnent des leçons à la Hongrie sur l’État de droit, alors qu’ils ne sont pas capables d’assurer la sécurité de leurs propres citoyens. Je me souviens qu’il a lui-même déclaré que le gouvernement ne parvenait pas à maîtriser la vague de violence dans les villes suédoises. De quoi parlons-nous après cela ? Je veux dire que la migration est un sujet sensible parce qu’elle engage la responsabilité des politiciens. Ces migrants ne sont pas tombés du ciel, ils ne sont pas apparus comme ça : quelqu’un les a fait entrer. Et celui qui les a laissés entrer doit répondre des conséquences. Là-dessus, ils préfèrent ne pas être interrogés : il est plus simple d’attaquer la Hongrie. Le Premier ministre suédois devrait plutôt expliquer si, en laissant entrer ces migrants qui tuent des gens, violent des femmes et s’engagent dans des guerres de gangs, il n’a pas, lui aussi, une part de responsabilité ? Alors, de qui est-ce cette responsabilité ? Si de telles choses se passaient en Hongrie, à qui incomberait la responsabilité ? À celui qui les a laissés entrer ! Qui les a laissés entrer ? Le gouvernement ! Qui dirige le gouvernement ? Le Premier ministre ! Donc la question de la responsabilité personnelle se pose, et c’est pour cela qu’ils ne sont pas enchantés quand il faut parler de migration. Et pour éviter de parler de leur propre responsabilité, il est toujours plus facile d’attaquer la Hongrie.

On constate d’ailleurs qu’il existe toujours un débat entre Budapest et Bruxelles sur cette question, il suffit de penser au pacte sur la migration. Comment ce débat, cette passe d’armes, se répercute-t-il dans la politique intérieure hongroise ? Parce que, d’après les déclarations, par exemple le plus grand parti d’opposition actuel, le Tisza, affirme qu’il maintiendrait lui aussi la clôture frontalière. Il semble donc y avoir une unité, sur ce point, au plan national.

Sur la question migratoire, je ne fais confiance à personne d’autre que nous-mêmes. Je me souviens bien comment c’était : à l’époque, le DK était le principal parti d’opposition. Ils disaient que ce problème n’existait pas, que c’était un faux problème, que le Premier ministre exagérait tout pour des motifs de politique intérieure, je m’en souviens très bien. Puis, après, ils ont promis qu’ils agiraient eux aussi. J’ai regardé comment ils votent à Bruxelles. Eh bien, exactement comme le Tisza ! Le Tisza a voté à Bruxelles, par exemple, pour le pacte migratoire catastrophique imaginé là-bas, un pacte qui serait catastrophique pour la Hongrie, et ils ont voté en faveur de son entrée en vigueur accélérée. Le Tisza a également voté à Bruxelles en faveur d’une aide financière directe et plus importante pour les migrants. Donc, il n’y a pas d’unité sur la migration. C’est une fable ! Les choses se présentent ainsi : s’il y a un gouvernement national qui n’a pas peur, au contraire, qui est courageux et tient tête à Bruxelles, alors il n’y a pas de migrants et il y a de la sécurité. Si, en revanche, il y a un gouvernement pro-Bruxelles en Hongrie, alors il y aura des migrants et il n’y aura plus de sécurité. C’est ainsi que je vois la situation. C’est pour cela que nous sommes sortis du Parti populaire européen : parce que nous n’arrivions pas à un accord avec eux sur la migration. Le Tisza, lui, y est allé, visiblement, ils se sont mis d’accord.

Puisque nous sommes sur les sujets litigieux : un débat fiscal s’est ravivé ces dernières semaines. Le président du parti Tisza parle de baisse d’impôts, tandis que plusieurs projets qui ont fuité prévoient d’augmenter l’impôt sur le revenu et même l’impôt des entreprises. Les économistes qui soutiennent le Tisza disent que l’impôt à plusieurs tranches, le système progressif, est par exemple plus juste que l’impôt à taux unique, et qu’en tout cas le budget a besoin de recettes supplémentaires. Comment voyez-vous cette question ? Tant sur le plan de la justice que sur l’usage que l’on ferait des recettes supplémentaires issues des hausses d’impôt ?

D’abord, je dirais que les Hongrois apprécient l’impôt à taux unique, et je sens qu’ils y sont attachés, parce que, si l’impôt est à taux unique, tu paies moins d’impôts que si le système est progressif. L’idée de l’impôt à taux unique est très simple : si tu gagnes dix fois plus, tu paies dix fois plus. Cela correspond à notre sens élémentaire de la justice. Je ne veux pas m’étendre longuement sur l’impôt progressif, ni rappeler que cette idée est née au XIXᵉ siècle et qu’elle a été popularisée ensuite. Je le mentionne surtout pour les auditeurs intéressés par l’histoire des idées : si l’on cherche l’origine de ce concept, il faut regarder du côté de Marx. Donc : si tu gagnes dix fois plus, paie dix fois plus, et il n’y a pas à en débattre. Finies les tranches, finies les changements de tranche, oublions tout cela. Tout impôt progressif est nécessairement bureaucratique, lourd, rempli de combines, sujet aux abus. Nous l’avons déjà testé. J’ai un peu l’impression que ce débat est une réplique tardive, parce que la Hongrie a déjà expérimenté les deux systèmes : la solution de gauche, celle que le Tisza représente aujourd’hui, et, disons, la solution civique et nationale, pro-marché et favorable aux entreprises, pro-famille, que nous défendons : impôt à taux unique et larges réductions fiscales destinées à soutenir les enfants. C’est là qu’il faut affecter les ressources. Je crois qu’il faut soutenir les familles. En vérité, la question n’est pas tant de savoir quel impôt est « meilleur », c’est une question de philosophie fiscale, mais c’est une question sérieuse parce que la majorité des électeurs du Tisza veut l’impôt progressif. Donc la situation n’est pas aussi simple que mon principe « gagne dix fois, paie dix fois » : il y a des gens qui sont en désaccord et qui disent « non, il faut que ceux qui gagnent beaucoup paient beaucoup plus ». Et parmi les partisans du Tisza, d’après les sondages que j’examine, plus de 50 % réclament cela. Que le président du parti ou le vice-président se soit laissé aller et que cela ait fuité ne m’étonne pas : leur propre électorat veut cela. Nos électeurs ne le veulent pas, et je pense que la majorité des centristes ne le veut pas non plus. Mais je comprends qu’un parti appelé « Tisza » et son dirigeant ne puissent guère défendre autre chose que ce que veut leur base, et la majorité de cette base veut bien cela. On voit d’ailleurs sur la vidéo connue qu’à un forum en province, ils font voter les partisans du Tisza sur le système fiscal qu’ils désirent : 90 % d’entre eux ont voté pour l’impôt progressif, le reste a été traité sur la vidéo comme insignifiant. Derrière tout cela il y a une question de confiance : ce n’est pas seulement une question de qui veut quoi, mais de ce que chacun reconnaît ouvertement. Et c’est déjà une question de confiance. Au Tisza, on a donné l’ordre de « ne pas dire à quoi nous pensons et ce que nous préparons, sinon nous perdrions les élections ». « Aujourd’hui, nous ne disons rien, mais après les élections, nous pourrons tout faire. » Ce n’est plus une question de politique fiscale. l s’agit de la manière dont nous considérons les citoyens : les traitons-nous comme l’objet du vote ou comme ses sujets ? Moi, je considère les électeurs comme les sujets de l’élection : l’élection les concerne eux, pas les responsables politiques. Or si elle les concerne, alors ils doivent savoir quelles seront les conséquences de leur décision. On ne peut pas le leur cacher. C’est comparable au discours d’Őszöd, mais Ferenc Gyurcsány avait plus de lucidité : lui, il a avoué après les élections qu’il avait trompé les citoyens ; les membres du Tisza, eux, avouent avant les élections qu’ils vont tromper les électeurs.

C’est d’ailleurs pour cette raison que le gouvernement motive la consultation nationale sur cette question : pour que les citoyens soient bien informés des projets fiscaux des partis. Mais pourquoi la consultation provoquerait-elle qu’on en parle plus sincèrement, plus ouvertement ?

Je pense que ce qui compte, c’est l’opinion, l’humeur, les attentes et les exigences des citoyens. Moi-même, je le ressens. Donc, si les citoyens tiennent vraiment à ce que je parle d’un sujet, alors, même si je ne veux pas en parler, je finirai par devoir dire quelque chose. En démocratie, le dirigeant est soumis à la pression de l’opinion publique. l ne doit pas toujours y céder, ce n’est pas parce qu’on consulte qu’on abandonne sa responsabilité de dirigeant ; on est élu pour assumer la responsabilité de ses décisions et, au pire, rendre compte tous les quatre ans. Mais il importe néanmoins de savoir ce que les gens jugent important. Il faut en dire un mot, prendre position ; je crois que la consultation nationale a toujours servi à faire émerger les grandes questions et à donner aux gens une réponse, qu’elle les rassure ou les inquiète, mais au moins qu’elle leur donne une réponse. À vrai dire, je ne sais même plus combien il y en a eu   nous avons lancé ces consultations dès 2010, avec la Constitution. Elles contribuent toutes à faire remonter les problèmes importants.

Par ailleurs, et en restant sur la fiscalité, à partir d’octobre entrera en vigueur l’exonération de l’impôt sur le revenu pour les mères de trois enfants. Comment cette mesure peut-elle affecter la situation financière des familles, leurs revenus ?

Écoutez, selon nos calculs, si le Tisza introduisait un système fiscal progressif comme ils le prévoient, cela représenterait pour un enseignant une perte de 364 000 forints par an, autant d’impôt en plus. Pour une infirmière, cela ferait 280 000 forints par an ; pour un policier, 154 000 forints par an ; pour un militaire, 476 000 forints par an ; pour un médecin, ce serait 3 172 000 forints d’impôts supplémentaires par an. Nous ne parlons donc pas de broutilles : cela peut sérieusement affecter la situation financière des familles. Notre gouvernement, et moi personnellement, ne raisonnons pas en individus isolés. Même si cela s’appelle « impôt sur le revenu des personnes physiques », je ne vois pas des individus séparés, je vois des familles, conformément à l’ordre naturel de la vie. L’impôt doit en tenir compte : les gens ne vivent pas seuls comme mon doigt, ils vivent en famille, avec des responsabilités, des dépenses, des coûts et des obligations, et il faut prendre cela en compte quand on conçoit le système économique. Le centre doit être la famille. C’est pourquoi il existe des allègements fiscaux pour les familles en Hongrie. Car sans travail, les familles ne peuvent pas subsister : il faut un système qui encourage à la fois le travail et qui soutient les familles. Ce n’est donc pas l’allocation familiale universelle qui est au cœur de notre dispositif, nous l’avons, nous ne l’avons pas supprimée, nous avons en plus mis en place un système de soutien familial lié au travail, que même les catégories les plus touchées par le chômage, y compris la communauté rom, soutiennent. Je suis convaincu que les progrès enregistrés récemment par la communauté rom en Hongrie sont étroitement liés aux allègements fiscaux pour enfants, et plus généralement à l’impôt à taux unique : un processus de montée en classe moyenne s’est amorcé à ce niveau. J’ai toujours tenu pour important qu’aucune communauté en Hongrie ne reste à l’écart de la vie économique active, qu’on vive de l’emploi et non de l’assistance. Un principe de notre politique économique est qu’il il faut que le beurre arrive aussi jusqu’aux bords du pain.

Il y a encore un groupe social qui bénéficiera de ressources supplémentaires prochainement : les retraités. On a en effet décidé du montant de la compensation pour les retraites. Cela compense l’écart entre la revalorisation des retraites en début d’année et l’inflation réelle, et en outre les retraités vont recevoir ces jours-ci le bon alimentaire de 30 000 forints. Les critiques, eux, estiment qu’il aurait fallu une revalorisation plus importante en début d’année, afin d’éviter d’avoir à compenser ensuite. Pourquoi le gouvernement choisit-il ce mode d’ajustement ?

C’est une question à la fois politique et technique. Sur le plan politique : nous avons un accord avec les retraités, que j’ai conclu en 2010 au nom du gouvernement. Il s’appuie sur le fait qu’à l’époque des gouvernements de gauche, quand il y avait une crise économique, qu’elle fût causée par ces gouvernements ou par des facteurs externes, on commençait par prendre de l’argent aux retraités. Ainsi on a commis l’outrage de priver les retraités de la treizième pension qui leur revenait auparavant. Les retraités, en 2010, ont dit, et je pense que c’est toujours vrai aujourd’hui, qu’ils craignent, en cas de choc imprévu dans l’économie mondiale ou nationale, d’en être les victimes. C’est pourquoi l’accord que j’ai conclu avec eux consiste à garantir, moi personnellement, mais surtout le gouvernement et, par son entremise, le Parlement, la protection de la valeur des pensions. Et nous le faisons chaque année. Concrètement, quand arrivent les prévisions sur la hausse des prix, nous relevons d’ores et déjà les pensions à hauteur de l’inflation attendue, afin qu’elles ne perdent pas de valeur. À cet égard, ce ne sont pas tant les calculs du gouvernement qui sont déterminants, même si je ne les sous-estime pas, mais les données et informations fournies par la banque nationale. Nous augmentons alors les retraites en fonction du taux d’inflation prévu afin qu’elles ne perdent pas leur valeur. L’année suit son cours et il s’avère ensuite que l’inflation a été plus élevée ou plus faible que prévu. Il peut arriver que l’augmentation de début d’année ait été trop généreuse et qu’on ait laissé cet excédent aux retraités ; ou, au contraire, il peut arriver que l’inflation se soit révélée plus forte et qu’il faille un rattrapage. Dans ce cas, en novembre, nous procédons à une correction. Une comptabilité précise, une amitié durable. C’est là le fondement de l’alliance entre le gouvernement et les retraités. Heureusement, nous nous sommes parfois trompés en leur faveur, de sorte que la valeur des pensions non seulement s’est maintenue, mais a augmenté dans la période récente, et nous avons également rétabli la treizième mensualité de retraite, dont le retrait, je le répète, était une injustice.

Parlons d’un autre sujet dont sur lequel vous avez également publié plusieurs posts cette semaine : le débat sur l’aggravation du ton et l’agressivité dans l’espace public, qui s’intensifie aussi dans notre pays. Cette semaine est apparue une vidéo montrant Romulusz Ruszin-Szendi, ancien chef d’état-major, tenir une réunion publique avec un pistolet à la ceinture. Il l’a lui-même reconnu, et hier la police a d’ailleurs saisi l’arme ; pour autant, lui et le président du Tisza ont laissé entendre qu’ils avaient reçu des menaces sérieuses et que la police ne les avait pas prises suffisamment en compte, d’où le besoin, selon eux, d’avoir une arme. Pensez-vous que cela puisse justifier de porter une arme lors d’une réunion publique ?

Je peux répondre ceci : si les hommes politiques veulent porter des armes parce qu’on les menace, alors moi, par exemple, je devrais me promener avec un canon. C’est ridicule, laissons-ça ! Autrement dit, si quelqu’un n’a pas assez de jugeote pour comprendre que, lorsqu’on entre en politique, lorsqu’on accepte d’apparaître en public et d’aller au contact des gens, on n’a pas le droit de se promener armé, alors il ne doit pas porter d’arme. Parce que qu’est-ce qu’il en ferait ? Il la sort et il tire ? Ou quoi ? C’est impossible ! Si quelqu’un manque à ce point de bon sens, il est tout à fait normal que les autorités lui rappellent : ça ne marche pas comme ça, ce n’est pas possible.

Quel message envoie cette affaire dans le contexte tendu que l’on observe aussi sur la scène internationale ?

Le fait d’être armé en soi donne une mauvaise image, mais les commentaires que l’on a entendus de la part de l’ancien chef d’état-major sont encore plus inquiétants : « j’ai la main qui me démange », « je suis formé pour ça », « je pourrais régler ça ». Régler quoi, mon ami ? Qu’est-ce que tu comptes régler ? Nous ne vivons pas dans la jungle, calmons-nous. Ici, c’est un État de droit : il y a des règles. Tu ne peux pas te mettre à menacer les gens sous prétexte que tu as été chef d’état-major et que tu es un grand garçon. Comment peux-tu te permettre cela ? Ici, en Hongrie, il existe une protection des personnes et des droits. Tu n’as pas le droit de menacer qui que ce soit, même si ta main te démange. D’autant moins quand tu t’adresses à un large public. Ce n’est pas quelque chose dont tu peux te vanter : tu n’es pas au-dessus des autres citoyens, pas même parce que tu as été chef d’état-major. Tu n’as pas de droits spéciaux pour cela ; tu es un citoyen comme les autres. Accepte les règles, ne te promène pas armé, mon ami ! Et si tu manques de bon sens, les autorités te le rappelleront. Après tout : en Hongrie, tous les citoyens ont les mêmes droits. Nulle part, ni dans la Constitution, ni dans la loi, il n’est écrit que l’ancien chef d’état-major aurait le droit d’avoir la main qui le démange, d’être « formé » pour régler les choses et de porter une arme. Allons donc !

C’est d’ailleurs une question intéressante : comment un gouvernement doit-il gérer ce genre de situations ? Par exemple, cette semaine le président Trump a annoncé qu’il allait déclarer l’organisation Antifa organisation terroriste, ou du moins qu’il allait en lancer l’initiative, ce que beaucoup ont jugé une réponse excessive à la violence. Mais comment équilibrer l’ordre et la liberté sur une question pareille ?

Moi, j’ai applaudi la décision du président américain, et je lancerai l’initiative pour que nous fassions de même ici, en Hongrie. L’Antifa est bel et bien une organisation terroriste. Ils sont même venus en Hongrie : ils ont agressé des gens paisibles dans la rue, certains ont été battus presque à mort, puis sont partis et sont devenus députés au Parlement européen, et maintenant ils donnent des leçons à la Hongrie sur l’État de droit. Du côté de la gauche. Eh bien, bravo ! C’est impossible ! Donc je pense qu’il est grand temps, aussi en Hongrie, de qualifier ce type d’organisations, à l’instar de la démarche américaine, de groupes terroristes. 

Puisque l’on parle des États-Unis : cette semaine on a aussi annoncé que l’on peut à nouveau voyager sans visa aux États-Unis. Qu’est-ce qui a motivé Washington à prendre cette décision, alors qu’ils avaient récemment levé ce privilège ?

Ils l’avaient levé à titre de sanction. Ils l’avaient supprimé en guise de punition. Les démocrates, l’administration Biden, avaient décidé que, puisque la Hongrie ne partageait pas leur position sur la migration, sur le gender, sur la guerre, ils allaient nous donner un coup de semonce. Ça a fait bien mal. Certes, peu de gens voyagent régulièrement aux États-Unis, mais ce sont tout de même des nombres non négligeables, et pour ceux qui ont des doubles nationalités, ou qui y ont étudié ou fait des affaires, c’était une mesure très pesante. C’était donc une sanction qui faisait mal. Quand M. Trump était encore candidat, je suis tombé d’accord avec lui pour que les sanctions imposées à la Hongrie par la gauche soient toutes levées. Le navire américain est grand : changer de cap prend du temps. L’appareil bureaucratique met plusieurs mois à mettre en œuvre une décision. Mais le président a tenu parole, comme il me l’avait promis quand il était candidat : il a rendu aux Hongrois la possibilité de voyager aux États-Unis sans visa. L’amitié compte également en politique.

J’ai interrogé le Premier ministre Viktor Orbán sur la situation migratoire en Europe, des questions fiscales et l’état du débat public.

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