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Interview de Viktor Orbán dans l’émission « Bonjour la Hongrie ! » sur Radio Kossuth

Zsolt Törőcsik : L’un des députés européens du parti Tisza a récemment indiqué que la procédure liée à l’État de droit et la rétention des fonds européens destinés à la Hongrie sont très efficaces, puisqu’elles empêchent la réalisation de projets importants, et que la détérioration du niveau de vie des Hongrois profite à l’opposition. J’aborderai ce sujet dans les prochaines minutes avec le Premier ministre Viktor Orbán. Bonjour.

Bonjour.

Péter Magyar, président du parti, a réagi en disant que le parti Tisza allait justement rapatrier ces fonds. Hier, vous avez écrit sur les réseaux sociaux que ceux qui œuvrent contre les Hongrois à Bruxelles doivent disparaître de la vie publique hongroise. Pourquoi pensez-vous que ce député n’a pas sa place dans la vie politique hongroise ?

Les Hongrois ont envoyé leurs représentants à Bruxelles lors des élections européennes pour qu’ils y défendent les intérêts de la Hongrie et, si nécessaire, qu’ils se battent pour la Hongrie. Moi, je ne suis pas député européen, je ne suis que Premier ministre. Mais à chaque réunion du Conseil, je fais précisément cela : je me bats pour les intérêts des Hongrois. Prenons un exemple : les fonds européens que Bruxelles refuse de verser à la Hongrie. J’ai déjà remporté la moitié de cette bataille : la moitié de cette somme est désormais sur notre compte. Mais il faut continuer à se battre, sans relâche. Et soudain, on voit que celui qui a été envoyé à Bruxelles pour représenter les Hongrois apparaît dans les rangs de nos adversaires. C’est comme dans un mauvais film historique sur Hunyadi, si j’ose dire. Peut-être que certains s’en doutaient, je ne pense pas que cette révélation ait réellement surpris tout le monde. Ce qui est choquant, c’est la reconnaissance brutale des faits. Parce qu’au fond, même si l’on agit de la sorte, et il semble que les membres du parti Tisza le fassent, c’est quelque chose dont on devrait avoir honte. Et maintenant, nous l’entendons de nos propres oreilles, nous le voyons de nos propres yeux : non seulement ils ne cachent pas qu’ils travaillent contre leur propre pays, mais ils en sont fiers, c’est même leur objectif. Ils se réjouissent quand les choses vont mal en Hongrie, parce qu’ils estiment, et ce n’est pas qu’ils le pensent, ils le disent, que cela profite à l’opposition. Je suis dans la vie politique hongroise depuis de longues années, et je peux affirmer que, durant les trente dernières années, aucun parti d’opposition n’aurait accepté d’être associé à l’idée selon laquelle plus la situation du pays est mauvaise, mieux c’est pour eux. De tels soupçons ont pu apparaître de temps en temps, mais les partis d’opposition les ont toujours repoussés, parce qu’ils savaient très bien que ce n’est pas une position acceptable. Et là, nous sommes face à une situation où ils le disent sans détour, en pleine face : non seulement ils agissent ainsi, mais ils sont fiers d’annoncer que plus la situation du pays se dégrade, plus cela leur profite, plus vite ils arriveront au pouvoir. Et ils le font non pas en interne, en Hongrie, mais en complotant avec une puissance étrangère, avec les bureaucrates de Bruxelles. Ce que je ressens, c’est exactement la même chose que ce jour-là, au milieu des années 2000, où j’étais assis dans ma voiture, et j’ai entendu Ferenc Gyurcsány dire : « Nous avons menti le matin, le soir, et la nuit. » Et ce n’était pas seulement le fait qu’un Premier ministre puisse mentir qui choquait, je veux dire, que le Premier ministre Ferenc Gyurcsány puisse mentir, nous pouvions bien sûr s’en douter, mais le fait qu’il puisse l’admettre aussi ouvertement, le jeter ainsi à la figure des Hongrois… ça, c’était sidérant. Et ce qui renforce encore cette impression de déjà-vu, c’est que, à l’époque aussi, le Premier ministre avait qualifié ses propos de discours de vérité. Maintenant, ils essaient de nous faire croire que ce serait une chose juste et normale qu’un député travaille contre son propre pays à Bruxelles. Je pense donc que c’est le moment où le sol se dérobe sous les pieds… et que l’on disparaît dans l’oubli.

Que révèle tout cela sur les moyens et les intentions de ceux qui souhaitent un changement de gouvernement, ici comme à Bruxelles ?

Vous savez, il y a deux façons de gagner une élection. La première, c’est d’avoir un bon programme, de se présenter devant les citoyens et de demander leur confiance. La seconde, c’est d’espérer que les choses aillent mal dans le pays, en se disant que, tôt ou tard, les gens voudront du changement. Moi, je n’ai aucun respect pour ceux qui veulent accéder au pouvoir en misant sur ce second scénario, parce que la politique ne devrait pas être une affaire de pouvoir, mais une affaire de pays. Servir les citoyens, servir la Hongrie : voilà ce qui doit primer. Et quiconque est prêt à tout, au nom du pouvoir ou de l’argent, ne devrait jamais mériter notre confiance.

Restons encore un peu sur les questions européennes. Il y a la question de l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, que Bruxelles souhaite accélérer, et sur laquelle le gouvernement hongrois prévoit de consulter directement la population. La semaine prochaine, les bulletins de vote concernant la consultation populaire sur l’adhésion de l’Ukraine à l’UE commenceront à être envoyés par la poste. Ces derniers jours, plusieurs sondages d’opinion ont été publiés à ce sujet, certains montrant des résultats très divergents. En quoi cette consultation sera-t-elle plus qu’un simple sondage ?

Il est essentiel que, en Hongrie, chacun puisse exprimer son avis sur les grandes questions qui engagent l’avenir du pays. Et il ne s’agit pas d’une opinion jetée en l’air, mais d’une parole qui porte, avec tout son poids. Si nous regardons en arrière, nous pouvons voir que cela a déjà été le cas pour la question migratoire. Nous sommes le seul pays d’Europe à avoir organisé un référendum sur ce sujet. Cela a été le cas ensuite pour la protection de l’enfance. C’est un défi majeur dans toute l’Europe : comment imaginons-nous notre avenir, la vie de notre société, de nos familles, de nos communautés ? Là encore, la Hongrie a été le seul pays où les citoyens ont pu exprimer leur opinion. Et voici maintenant la troisième grande question sur la table, une question qui déterminera fondamentalement le sort de la Hongrie pour les décennies à venir : l’Ukraine va-t-elle être admise dans l’Union européenne ? Si elle est admise, cela entraînera des conséquences. Et si nous parvenons à empêcher cette adhésion, cela entraînera aussi des conséquences. C’est une question décisive. Nous en sommes convaincus, et moi, personnellement aussi : l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne détruirait la Hongrie. Cela détruirait tout simplement les familles hongroises, et cela anéantirait les résultats économiques que nous avons mis quinze ans à construire. Mais je pense que chaque Hongrois peut avoir un avis différent sur ce sujet, ou même partager le mien, ce qui compte, c’est que nous ayons une position commune. Il faut que ce soit clair : sur cette question essentielle, qui sera au cœur des débats européens pendant des années, quelle est la position du peuple hongrois, celle que nous devrons défendre à Bruxelles. Nous, nous nous battons à Bruxelles pour les intérêts de la Hongrie. Comme je l’ai déjà dit à propos d’une autre question, ce n’est pas le cas de tous les partis hongrois. Certains ont des maîtres à Bruxelles. Il y a des partis hongrois qui rêvent d’un grand État européen intégré, dans lequel la Hongrie se dissoudrait, et où il faudrait exécuter les décisions prises par un centre impérial basé à Bruxelles. C’est pourquoi ils soutiennent aussi l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, parce que Bruxelles le veut. Je pense que nous devons faire face à cette situation et nous battre pour ne pas perdre tout ce pour quoi nous avons travaillé et que la Hongrie garde des perspectives économiques ouvertes. Nous devons nous battre pour que personne ne puisse mettre en péril les résultats économiques obtenus, pour que les Hongrois n’aient pas à assumer les risques agricoles ni les risques en matière de sécurité publique ou d’ordre public que l’adhésion de l’Ukraine entraînerait. C’est cette bataille qui se joue aujourd’hui à Bruxelles, et ce sera, non pas l’affaire de quelques mois, mais celle de plusieurs années de lutte continue, avec les enjeux les plus importantes.

En Hongrie aussi, certains représentants de l’opposition affirment que la question n’est pas urgente, qu’elle est encore lointaine, et que l’Ukraine ne rejoindra de toute façon pas l’Union européenne dans les dix prochaines années. Manfred Weber, président du PPE, a pourtant déclaré que son parti est celui du soutien à l’Ukraine. Comment voyez-vous la détermination de Bruxelles à faire entrer l’Ukraine dans l’UE selon une procédure accélérée ?

C’est, encore une fois, une affaire semblable à celle de l’alliance entre le parti Tisza et les bureaucrates de Bruxelles contre la Hongrie : il ne s’agit pas de spéculations, ils l’ont dit clairement. De la même manière que le député du parti Tisza a déclaré, et nous l’avons entendu de nos propres oreilles, que plus la situation se dégrade en Hongrie, mieux c’est pour eux, la présidente de la Commission européenne et le chef du plus grand groupe politique au Parlement européen ont, eux aussi, clairement annoncé leur objectif : 2030. Nous les avons entendus, ils l’ont dit publiquement au Parlement européen. Il n’y a donc pas à deviner leurs intentions : ils les expriment ouvertement. Ils veulent faire entrer l’Ukraine dans l’Union européenne rapidement, par une procédure accélérée.

Quel est, en réalité, l’objectif de l’Union européenne avec l’adhésion de l’Ukraine, ou même avec le soutien qu’elle lui apporte actuellement ? La semaine dernière encore, une somme colossale a été transférée du budget européen pour financer le fonctionnement de l’État ukrainien.

Malheureusement, la question de la guerre reste toujours à l’ordre du jour. En effet, si les Américains ont déjà amorcé un virage vers le chemin de la paix, là où nous aussi nous attendons et essayons d’obtenir des résultats, les dirigeants de Bruxelles, eux, n’ont pas encore emprunté cette voie. Ils suivent encore la direction indiquée par le panneau « guerre ». Ils parlent de kits de survie pour 72 heures, continuent d’envoyer de l’argent à l’Ukraine, et nous suivons les débats du Parlement européen, où l’on entend dire que « le sort de l’Europe se joue sur le front ukrainien » L’Europe se prépare manifestement à poursuivre la guerre. Ils nous disent que l’Ukraine peut gagner cette guerre, et ils pensent que l’adhésion à l’Union européenne pourrait aider l’Ukraine à gagner la guerre. Mais c’est là la pire des idées. L’Ukraine ne peut pas gagner cette guerre, et l’adhésion à l’Union européenne ne peut en aucun cas devenir un instrument de guerre. L’Union européenne est un projet de paix, un plan pour la paix. L’élargissement, l’intégration d’un nouvel État membre doit servir la paix, et non la poursuite du conflit. Mais les Bruxellois semblent croire que l’adhésion de l’Ukraine permettrait de prolonger cette guerre.

L’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne entraîne, naturellement, des conséquences économiques, et pourrait en avoir d’autres à l’avenir. Mais il existe une autre question qui pourrait, à court terme, influencer encore plus fortement les perspectives économiques hongroises : la guerre commerciale, un dossier où de nouveaux développements surgissent presque chaque jour. La question essentielle est la suivante : quel impact cela pourrait-il avoir sur l’économie hongroise ?

Actuellement, la guerre commerciale capte l’attention, mais son importance reste bien inférieure à celle de la guerre russo-ukrainienne, ou à la question de l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne. La guerre commerciale reste, fondamentalement, une affaire tactique. Là encore, inutile de spéculer : les États-Unis ont enfin un président qui a dit clairement ce qu’il voulait, et il l’avait annoncé dès avant son élection. Aujourd’hui, le monde observe avec étonnement qu’il met bel et bien en œuvre ce qu’il avait promis. Il a déclaré qu’il allait réécrire les règles du commerce mondial, et renforcer la position des États-Unis vis-à-vis de tous les pays, en particulier de ceux où, selon lui, les Américains subissent des pertes. Prenons l’exemple de l’Europe : jusqu’à présent, lorsque nous exportions des voitures européennes vers les États-Unis, nous payions entre 2 et 2,5 % de droits de douane. Mais lorsque les Américains exportaient leurs véhicules en Europe, ils devaient s’acquitter de 10 %. Il existe de nombreux déséquilibres de ce type dans le commerce mondial, et le président américain a annoncé vouloir les examiner un à un, et corriger tout ce qui désavantage les États-Unis. C’est ce qui est en train de se produire. C’est une question passionnante, parce que chaque négociation ici est une affaire de tactique. Aujourd’hui les droits de douane montent, demain ils redescendent, Nous sommes dans une situation mouvante, confuse, peu lisible. Mais au bout du compte, les Américains concluront des accords bilatéraux avec chacun, et un nouvel équilibre, une nouvelle configuration émergera. Cela ne durera que quelques mois. Je ne pense pas que cette guerre commerciale soit appelée à s’installer durablement. Elle se transformera bientôt en paix commerciale, car dès que les accords auront été conclus, il ne sera plus question de guerre commerciale, mais bien de paix commerciale. Et c’est, d’ailleurs, ce qui est également dans l’intérêt de la Hongrie. L’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, en revanche, est un sujet qui restera avec nous, il restera à l’ordre du jour pendant de longues années. Et si nous ne parvenons pas à nous en protéger, alors il restera avec nous pendant les décennies à venir, et il nous détruira. C’est pourquoi, aujourd’hui, notre attention et notre énergie doivent se concentrer avant tout sur la question de l’adhésion de l’Ukraine à l’UE. Quant à la guerre commerciale, il faut laisser ce sujet entre les mains des experts.

Un autre facteur pourrait également représenter une menace pour les perspectives économiques. Il s’agit de l’inflation, qui s’est réduite à 4,7 % en mars. Quel rôle l’encadrement des marges a-t-il joué dans cette évolution ?

Vous savez, nous vivons une période de forte inflation, et ce n’est pas seulement le cas en Hongrie, mais dans toute l’Europe, voire dans l’économie mondiale, mais en particulier en Europe. La cause en est la guerre. S’il n’y avait pas de guerre entre la Russie et l’Ukraine, l’inflation ne serait pas à l’ordre du jour. La flambée des prix a commencé dès les préparatifs de guerre, puis avec le déclenchement du conflit. C’est pourquoi il est évident que la meilleure solution pour faire baisser durablement l’inflation, c’est la paix. C’est la raison pour laquelle je dis que l’Union européenne n’a qu’un seul devoir fondamental : soutenir le président américain dans ses efforts de paix. Mais bien sûr, nous ne pouvons pas rester ici les bras croisés, à attendre que cela se produise, en cherchant sans cesse des excuses ailleurs. Même en attendant la paix, nous devons agir contre l’inflation. C’est ce que nous appelons un frein à la hausse des prix. Nous avions déjà tenté cela au début de la guerre, souvenez-vous, nous avions instauré des contrôles de prix, mis en place des plafonnements tarifaires, etc. Et je pense que ces mesures ont eu des résultats. On se rappelle que l’inflation était bien au-dessus de 10 %, et nous avons réussi à la faire passer en dessous des 10 %. Selon les dernières données, nous sommes déjà en dessous de 5 %. Aujourd’hui, nous avons mis en œuvre des mesures inédites, que nous n’avions jamais testées auparavant. Il y a eu un débat technique : fonctionneront-elles ou non ? Cette fois, nous n’avons pas plafonné les prix, mais nous avons encadré les marges commerciales. Cette fois, nous avons fixé les marges maximales que les distributeurs peuvent appliquer à certains produits, plus de 800 produits au total ! Et, comme nous avons fixé cette marge, les distributeurs ont été obligés de baisser le prix de nombreux produits alimentaires. C’est ce qui s’est produit. e me suis rendu dans des villages où les habitants m’ont dit que, sur les quatre commerces, un seul avait effectivement baissé ses prix, mais il est tout de même clair qu’en règle générale, les prix des produits concernés commencent à baisser. Le gouvernement travaille actuellement à élargir cette méthode au-delà des produits alimentaires, pour l’appliquer à d’autres articles vendus dans le commerce de détail. Ce que nous avons déjà accompli, ce sont les négociations avec les grandes entreprises de télécommunications, parce que les hausses de prix pratiquées dans ce secteur étaient inacceptables, injustes — elles ponctionnent les Hongrois. Nous voulions y mettre un frein, et nous avons obtenu un accord avec les entreprises de télécommunications. Elles ne pourront pas augmenter leurs tarifs avant juillet prochain, et celles qui les ont déjà augmentés depuis janvier devront revenir aux niveaux de prix pratiqués fin 2023, début 2024. Et je constate que nous sommes très proches d’un accord, voire que celui-ci est déjà conclu, avec les banques : les frais bancaires ne pourront pas être augmentés, même pas sous prétexte d’inflation, dans la période à venir.

Oui, en effet, de nombreuses banques ont déjà annoncé ce type de mesures ou des décisions similaires. Concernant les deux secteurs, télécommunications et services bancaires, dans quelle mesure le gouvernement est-il satisfait des résultats obtenus ? Faut-il encore aller plus loin ?

Nous avons trouvé un accord. C’est ce que nous voulions aussi obtenir dans le secteur alimentaire. Nous avons mené plusieurs séries de négociations avec les acteurs de la distribution, mais elles n’ont pas abouti. Des offres ont été faites, mais elles étaient insuffisantes, et très loin de compenser les hausses de prix massives pratiquées ces derniers temps. Nous avons donc dû intervenir dans ce secteur. Je pense que cela a clairement montré à tout le monde que le gouvernement, sur ce sujet, ne plaisantait pas. C’en est fini de l’époque où il était possible, sous prétexte de guerre ou d’inflation, de ponctionner les Hongrois. L’État interviendra dans le système de formation des prix. Beaucoup ont longtemps espéré que cela n’arriverait pas. Le gouvernement est, lui aussi, convaincu qu’il vaut mieux ne pas avoir à intervenir dans la fixation des prix, et que c’est aux lois du marché et aux acteurs économiques d’en déterminer l’évolution. Mais quand des situations anormales se présentent, que les prix s’envolent brusquement, et que le gouvernement constate que les distributeurs appliquent des marges excessives sur leurs prix d’achat, il est contraint d’intervenir. Et maintenant que nous l’avons fait dans le secteur alimentaire, le message est clair pour tous les autres secteurs : c’est une affaire sérieuse. Le gouvernement est déterminé : il protégera les familles, il protégera les citoyens, et il interviendra. Et face à un tel gouvernement, il vaut mieux conclure un accord que de s’en abstenir. À petite échelle, nous faisons ce que Donald Trump fait à grande échelle.

Cette semaine, une décision a également été prise pour élargir le programme « Village hongrois » à de nouveaux volets, et vous vous êtes rendu à Tiszakürt aux côtés d’Alpár Gyopáros, commissaire du gouvernement en charge du programme. Avant d’entrer dans les détails, qu’avez-vous constaté sur place ? Quelle est l’opinion des habitants d’un petit village sur ce programme ?

Vivre à la campagne, c’est bien. En Hongrie, les citoyens prennent de plus en plus conscience, au prix d’un travail considérable, que la vie rurale et les villages n’appartiennent pas au passé, mais à l’avenir. La Hongrie possède de belles traditions, une histoire riche : les gens n’y ont pas simplement migré vers les grandes villes, mais ont construit des villages où l’on peut accéder aux mêmes services publics essentiels qu’en ville. C’est une tradition bien ancrée. Mais, naturellement, cette idée est toujours remise en question les économistes libéraux, en particulier, le répètent souvent : vivre dans un village, organiser les services à l’échelle d’une commune rurale ne serait pas rationnel. Ils soutiennent qu’il serait plus pratique et plus économique que tout le monde s’installe dans de grandes villes, où l’on pourrait organiser les transports, les télécommunications ou les réseaux électriques à moindre coût. C’est très éloigné de la manière dont nous voyons les choses. Pour nous, la vie à la campagne est une bonne chose. Et même, une vie véritablement de qualité est probablement plus accessible à la campagne : là où l’espace est vaste, où l’on respire un air pur, où les enfants peuvent sortir dans le jardin ou jouer dans la rue, où l’on prend soin de sa maison, de son jardin. Et tout cela n’est pas seulement une fatigue ou une corvée, bien sûr, un peu aussi, mais cela procure surtout le sentiment de maîtriser sa propre vie. Le village, c’est donc une bonne chose. Et j’ai l’impression qu’aujourd’hui, les habitants des villages n’ont plus honte d’être des villageois. Autrefois, notamment sous le régime communiste, le pouvoir avait réussi à imposer cette idée que le village était arriéré, et la ville développée, que les citadins étaient cultivés, et les villageois, non. Vous savez, je viens moi-même d’un village de 1800 habitants, et j’espère être la preuve vivante que ce stéréotype ne tient pas. La réalité, c’est qu’à la campagne aussi, naissent et vivent de nombreuses personnes compétentes, travailleuses et tournées vers l’avenir, et elles ne sont pas prêtes à se voir comme des laissés-pour-compte de l’histoire. Eh bien, je pense que ce sentiment s’affirme de plus en plus. Mais pour cela, il faut qu’il y ait de vraies raisons d’y croire. Et aujourd’hui, nous sommes proches du point où les services disponibles en ville seront presque intégralement accessibles dans les villages. Là où ce n’est pas encore le cas, nous y travaillons. Il faut qu’il y ait des commerces, de petits cafés, des distributeurs de billets, des axes routiers ou autoroutiers accessibles en 20 à 30 minutes. Il faut qu’il y ait de bonnes écoles, si ce n’est pas dans le village, qu’au moins un centre scolaire soit accessible à proximité, avec un service de ramassage scolaire. Il faut des services de santé, un agent de police de proximité présent 24 heures sur 24 dans le village. Je pense que nous avons investi, et que nous devons encore investir, une énergie considérable pour que chacun, vivant aujourd’hui dans un village, se sente un citoyen à part entière de ce pays. Et je dois dire que sur ce point, sur le fait que la confiance des habitants des campagnes, leur élan de vie, leur foi en leur environnement et en leur avenir se sont renforcés, le programme « Village hongrois » est une réussite. Est-ce que nous avons déjà réussi à y apporter tous les services ? Je ne peux pas répondre oui sans réserve. Nous en avons apporté beaucoup, mais il reste encore beaucoup à faire.

Cette semaine, un autre sujet était également à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale : celui des nouveaux dispositifs de soutien aux familles. L’Assemblée a examiné des propositions concernant l’exonération d’impôt sur le revenu pour les mères de moins de 30 ans ayant deux ou trois enfants, ainsi que la défiscalisation de l’allocation pour soins aux nourrissons (CSED) et de l’allocation pour soins aux enfants (GYED). Comment le gouvernement anticipe-t-il l’impact de ces mesures sur la marge de manœuvre des familles dans les mois à venir ? Certaines entreront en vigueur dès le second semestre, d’autres au début de l’année prochaine.

Ici aussi, il est utile de partir d’un point de vue philosophique, ou d’une vision de vie. De la même manière que nous disons : « vivre à la campagne, c’est bien », nous pouvons dire aussi : « vivre en famille, c’est bien ». Et quand une personne décide de fonder une famille, elle pense bien sûr avant tout à son bonheur personnel, surtout si elle a trouvé son partenaire de vie, avec qui elle souhaite avoir des enfants. C’est quelque chose d’extraordinaire, rien ne peut remplacer cela dans la vie d’une personne. Mais il faut aussi voir que, par ce choix, nous ne servons pas seulement notre propre bonheur, mais aussi l’avenir de la communauté à laquelle nous appartenons. Car si, en Hongrie, le nombre de décès dépasse celui des naissances, alors nous allons disparaître, nous allons nous éteindre, nous affaiblir, et les Hongrois reculeront dans la grande course du monde ; ad absurdum, ils pourraient même disparaître. C’est pourquoi la parentalité, le fait de fonder une famille, est certes une question de bonheur personnel, mais elle est aussi essentielle pour la communauté hongroise, pour la Nation hongroise tout entière. C’est pourquoi les mères doivent être reconnues et valorisées, non seulement parce qu’elles s’engagent dans une tâche immense, ceux qui ont déjà élevé un enfant savent combien leur épouse a de responsabilités. Si nous nous imaginons devoir prendre leur place, ce qui arrive parfois, c’est là que nous réalisons vraiment qu’elles assument quelque chose que nous, les hommes, ne pourrions peut-être pas faire, ou que nous sommes contents de pouvoir faire… pendant un jour ou deux, tout au plus. Donc, les mères méritent de la reconnaissance, non seulement pour cela, mais parce qu’elles accomplissent quelque chose de fondamental pour l’ensemble de la communauté. Et si cela est vrai, et je pense que c’est le cas, alors il n’est pas juste que ceux qui ont des enfants vivent dans des conditions plus difficiles que ceux qui n’en ont pas. C’est vrai, mais seulement pendant les 15, 20, voire 25 premières années. Parce qu’ensuite, les enfants soutiennent à leur tour leurs parents, et les rôles s’inversent. Mais pendant ces 20-25 années, celui qui élève un enfant assume une charge financière bien plus lourde que celui qui n’en a pas. Et ce n’est pas juste. Je pense que le gouvernement a un rôle à jouer pour rétablir cette justice. C’est aussi une affaire personnelle pour moi. Quand je suis revenu en politique hongroise, en 2010, j’ai pris l’engagement de faire disparaître cette inégalité : que la vie ne soit pas plus difficile pour les familles qui ont des enfants que pour celles qui n’en ont pas. Et je progresse à grands pas dans cette direction. C’était pour moi l’un des engagements les plus importants, je le répète, un engagement personnel, presque une question d’honneur : soutenir les mères, leur garantir une sécurité, et faire en sorte que toute femme qui choisit d’avoir des enfants ne paie plus jamais d’impôt sur le revenu, pour le reste de sa vie. C’est un engagement immense, aussi bien pour le budget hongrois que pour l’économie du pays. Nous avions déjà mis en place des avantages fiscaux pour les familles avec enfants, et nous y ajoutons maintenant une exonération fiscale à vie pour les mères. Pour les mères de familles nombreuses, celles qui ont plus de trois enfants, cela a déjà été instauré. Mais elles sont moins nombreuses, cette mesure a donc peut-être reçu moins d’attention. En octobre de cette année, ce droit sera étendu aux mères de trois enfants, et à partir du 1er janvier, aux mères de deux enfants âgées de moins de 40 ans. Nous continuerons ensuite, étape par étape, et les mères de deux enfants âgées de moins de 50 ans, puis de moins de 60 ans, y auront également droit. Ainsi s’installe en Hongrie un système économique centré sur la famille,
où les enfants et les familles sont considérés comme la priorité absolue.

Nous avons peu de temps, mais pourquoi le gouvernement considère-t-il la réduction, voire la suppression de l’impôt sur le revenu comme l’un des principaux outils de soutien aux familles ? Après tout, il pourrait y avoir bien d’autres formes d’aides.

Parce que la reconnaissance du mérite d’élever des enfants doit être liée à une autre valeur : le travail. Si nous ne relions pas le soutien familial au travail, il y aura moins de personnes actives en Hongrie que nécessaire. C’est pourquoi, à mon sens, la meilleure politique, pour le pays et pour les familles, est celle qui donne aux familles, et en particulier aux mères, la liberté de choisir : rester à la maison pour élever leurs enfants, ou bien concilier travail et éducation des enfants. Et pour le pays, il est bénéfique que les mères choisissent aussi de travailler. C’est pourquoi nous avons construit un système de soutien aux familles qui récompense et reconnaît toutes celles et tous ceux qui élèvent des enfants, mais qui accorde une reconnaissance particulière à celles et ceux qui, en plus de l’éducation des enfants, participent également au marché du travail. C’est pourquoi l’essentiel des aides aux familles en Hongrie transite par le travail. Pas seulement par les mères, mais aussi par les pères, parce que les revenus peuvent être additionnés, et les avantages fiscaux peuvent être déduits de l’ensemble du revenu familial.

J’ai interrogé Viktor Orbán, Premier ministre de Hongrie, sur le vote consultatif concernant l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, sur la guerre commerciale et sur la lutte contre l’inflation.

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