« Ô, fille frémissante de Tihany !
Sors de tes saintes collines ! »
Mesdames et Messieurs, Dignitaires religieux et civils, Citoyens de Tihany, Chers amis,
Le poète Mihály Csokonai Vitéz, que je viens de citer, n’a pas exagéré le lieu sur lequel nous nous tenons aujourd’hui est une terre sacrée. Nous nous sommes réunis dans l’un des centres spirituels de la Hongrie pour rendre grâce à l’achèvement de la rénovation complète de l’abbaye bénédictine de Tihany. Tout Hongrois ressent de l’émotion et du recueillement dans son cœur lorsqu’il aperçoit cette presqu’île aux mille visages s’avançant dans le Balaton, surmontée de ses deux clochers majestueux. Il n’existe guère de monument dans notre patrimoine bâti qui procurent à ce point merveille visuelle, sentiment de paix et d’intime familiarité. La sagesse et la prière de l’ordre bénédictin ont trouvé ici, à Tihany, racine et essor bien avant même notre roi saint Étienne. Aujourd’hui encore, les dirigeants de ce pays ont beaucoup à apprendre des moines de Tihany, en matière de résilience et de renouveau. Les bénédictins de Tihany ont été, à trois reprises au cours de l’histoire, menacés d’être rayés de la surface de la terre. Et pourtant, chaque fois, ils ont su se retrouver, reconstruire leur maison spirituelle et relever leurs murs de pierre. Cela peut surprendre certains, mais il semble que, parmi les trois grandes épreuves – l’occupation ottomane, les réformes joséphistes, puis la persécution communiste –, c’est la dernière qui a été la plus difficile à surmonter pour l’abbaye bénédictine de Tihany. Il faut dire que les communistes ne respectaient ni Dieu, ni les hommes, ni la charte de fondation. Et ce n’est pas si loin dans le temps, nous aurions tort de l’oublier. Il y a mille ans déjà, la presqu’île de Tihany était un lieu de rencontre pacifique et féconde entre l’Orient et l’Occident. Avec l’épouse du fondateur de l’église, André Ier, Anastasia, des prêtres orientaux sont arrivés dans ces collines sacrées, qui vivaient, travaillaient, priaient et évangélisaient aux côtés des bénédictins venus d’Occident. Ce serait une bonne chose si les dirigeants européens d’aujourd’hui, qui divisent, attisent les conflits et imposent des sanctions à tour de bras, portaient leurs regards vigilants sur Tihany.
Mesdames et Messieurs,
Tihany est la montagne sacrée du peuple hongrois. La crypte royale qui s’y trouve est le seul lieu de sépulture de l’époque árpádienne à avoir été conservé dans son état d’origine : elle abrite la tombe de notre roi André Ier. Et lorsque nous nous tenons ici, il est juste et légitime de nous souvenir non seulement des premiers, mais aussi des derniers. À la fin du mois d’octobre 1921, notre roi Charles IV a passé ses derniers jours en Hongrie dans ce bâtiment même, avant d’être contraint à l’exil définitif.
Chers amis,
C’est un jour de fête éclatant, Éminents représentants religieux et civils, Chers frères et sœurs, nous sommes réunis aujourd’hui pour célébrer ensemble la renaissance de cette abbaye. Au cours de ces dernières années, nous avons restauré plus de trois mille églises et fait construire deux cents nouvelles églises à travers le bassin des Carpates. C’est un succès, une reconnaissance, un soutien fort au monde religieux, mais chaque Hongrois peut être fier de ce que cela révèle : notre respect pour notre passé. Notre Loi fondamentale reconnaît le rôle essentiel du christianisme dans la préservation de la Nation. Le christianisme, c’est une culture et une civilisation. C’est notre cadre de vie. La culture, c’est la réalité tangible de chaque jour. Et c’est la culture chrétienne qui nous guide dans les contradictions de l’existence. Elle façonne notre conception de la justice, des relations humaines, y compris la relation entre l’homme et la femme, de la famille, de la réussite, du travail et de l’honnêteté. Je suis convaincu que nous ne pouvons poser pour l’avenir d’autre fondement que celui qui a été posé ici, à Tihany, il y a mille ans. Nous, Hongrois, sommes Européens et chrétiens. C’est pourquoi nous devons ouvrir les yeux et ne pas rester silencieux face au fait que les fondements de la vie européenne sont aujourd’hui attaqués. Certains souhaitent que nous renoncions à ce que nous sommes, et même que nous devenions ce que nous ne voulons pas être. Ils veulent que nous nous mélangions à des peuples venus d’un autre monde, que nous brouillions les rôles traditionnels entre les sexes, et qu’en plus de tout cela, ils nous entraînent dans une guerre que nous ne pouvons que perdre. Au lieu de l’ordre de la création, ce sont la confusion, l’agitation, une nouvelle anarchie, un nouvel épisode de Babel qui nous menacent de toutes parts. En tant qu’hommes de bonne volonté, en tant que membres d’un peuple meurtri par les guerres, en tant que chrétiens épris de paix, il nous est douloureux de voir l’Europe contaminée par une psychose de guerre. La guerre à la place de la paix, la mort à la place de la vie, la destruction à la place de la construction. Et comme récompense de la guerre : l’adhésion à l’Union européenne. Les pères fondateurs de l’Union étaient des chrétiens. Ce n’est pas pour cela qu’ils ont imaginé l’Europe. En tant que nation libre, chrétienne et européenne, nous ne pouvons permettre que l’avenir de l’Europe se décide par-dessus nos têtes. Nous voulons une Europe chrétienne, parce que nous sommes convaincus que c’est la seule qui ait un avenir. Ici, à l’ombre des empires, au croisement des civilisations, nous avons toujours fini par remporter nos combats pour la Patrie, pour la survie de la Nation, et pour la culture chrétienne. Sans le christianisme, comme le dit aussi notre Constitution, la Hongrie n’existerait pas. C’est en ce signe que nous avons triomphé. Et nous vaincrons encore. Encore et encore.
Mesdames et Messieurs,
Hier, lors du débat entre les candidats à la présidence de la Roumanie, des propos ont fait écho à la position de la Hongrie sur le christianisme. L’un des candidats, M. Simion, a déclaré, je cite : « L’heure est venue pour une Europe des nations, une Europe chrétienne, dans laquelle nous nous battrons pour notre droit à être des citoyens européens. » Cette déclaration n’a pas été prononcée en Hongrie, mais dans la Roumanie voisine. Et nous y souscrivons pleinement. Hongrois et Roumains partagent un destin historique commun. Nous n’intervenons pas dans la campagne présidentielle en cours en Roumanie, mais depuis ce lieu symbolique, au cœur du bassin des Carpates, nous adressons ce message au peuple roumain et à son futur président : la Hongrie reste attachée à l’unité et à la coopération. C’est pourquoi nous ne soutiendrons aucune forme d’isolement ou de représailles politiques à l’égard de la Roumanie ou de ses dirigeants. Les Roumains comme les Hongrois sont, et resteront, des citoyens à part entière de l’Union européenne. Dans le combat pour le christianisme et la souveraineté, nous devons pouvoir compter les uns sur les autres.
Mesdames et Messieurs,
Le christianisme est aussi la meilleure protection contre la transformation de l’Europe en un empire. L’Église chrétienne enseigne que la communauté la plus proche de l’individu est la mieux placée et la plus légitime pour assumer la responsabilité de ses propres affaires. Si une famille est capable de prendre soin des siens, l’État n’a pas à intervenir. Et si un pays peut tracer sa propre voie, ce ne sont pas des centres impériaux qui doivent décider de son avenir. La Hongrie est un pays riche en diversité, façonné par des communautés culturelles et religieuses séculaires. Mais nous croyons fermement que ce qui nous unit tous, c’est l’idéal d’une Hongrie chrétienne. Là où se dresse une église, il n’y a pas seulement un passé : il y a aussi un avenir. Là où habitent le christianisme et l’amour de la patrie, là se trouve la Hongrie. C’est ici, chez nous, que la foi, l’Histoire, l’État et la culture se rejoignent. L’abbaye rénovée de Tihany en est l’illustration éclatante. Elle est un symbole qui nous appelle à respecter notre passé et à bâtir notre avenir, dans l’esprit de la liberté chrétienne. Que Dieu fasse que ce lieu sacré proclame encore longtemps la foi, le savoir et la force de l’esprit hongrois ! Je voudrais exprimer, au nom du gouvernement hongrois, ma gratitude et mon profond respect à ceux dont l’esprit, le travail, l’ingéniosité et les efforts physiques sont à l’origine de ce que nous voyons ici aujourd’hui.
Que Dieu veille sur nous tous et que la Hongrie reste toujours notre priorité. Allez la Hongrie, allez les Hongrois !