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Interview de Viktor Orbán dans l’émission « Bonjour la Hongrie ! » sur Radio Kossuth

Zsolt Törőcsik : Bonjour à toutes et à tous, en direct de Cluj, et bienvenue à notre invité, le Premier ministre Viktor Orbán. Bonjour !

Bonjour à vous aussi !

Si nous nous retrouvons ici aujourd’hui, c’est parce que, tout près d’ici, se tient le congrès de l’Union démocrate magyare de Roumanie (UDMR), auquel vous participez. Pourquoi avez-vous jugé important d’être présent à ce congrès ?

Je viens de temps en temps. Je ne peux pas assister à tous les congrès de l’UDMR, mais je considère que c’est le devoir du Premier ministre hongrois de participer, lorsqu’il le peut, aux grands événements des organisations hongroises au-delà des frontières. Je me rends donc non seulement ici, en Transylvanie, mais aussi en Voïvodine, parfois en Slovaquie. Et je suis honoré par cette invitation, et aussi par le fait que le Premier ministre roumain, M. Bolojan, sera lui aussi présent.

Cela signifie-t-il qu’il y aura une rencontre bilatérale, ou même un pas en avant dans les relations hungaro-roumaines ?

Oui, il y a toujours un peu de cela aussi. C’est une relation, compte tenu de l’histoire de nos deux pays, dont il est difficile d’imaginer de plus complexe. Je ne sais pas s’il existe en Europe deux nations liées par un passé plus compliqué. Dans un tel contexte historique, la paix et la coopération ne vont pas de soi, et ne relèvent pas du hasard : ce sont des choix. Et nous, les Hongrois, nous voulons vivre en paix et en coopération avec nos voisins. Mais ce choix, il faut le refaire chaque jour, et le maintenir chaque jour. Et quand la Roumanie a un Premier ministre qui pense de la même manière, et M. Bolojan, originaire d’Oradea (Nagyvárad), en est un bon exemple, alors il faut saisir l’occasion pour renforcer la coopération.

Le président de l’UDMR a déclaré récemment, dans une interview, que les priorités pour les deux prochaines années seraient le développement des communautés et le soutien à leur enracinement local. Mais on sait aussi que la Roumanie traverse actuellement une période économique difficile. Dans ce contexte, comment le gouvernement hongrois peut-il aider à atteindre ces objectifs communautaires ?

Tout d’abord, nous souhaitons beaucoup de succès au gouvernement roumain. Les citadins le comprennent peut-être différemment, mais ceux qui vivent à la campagne le savent bien : la valeur de ta maison ne dépend pas seulement de la taille de ton terrain ou de la qualité de ta construction, mais aussi de qui est ton voisin. Un voisin négligent, désordonné, vivant dans le chaos, fait baisser la valeur de ta propre maison. Mais si ton voisin est ordonné, prospère, tourné vers l’avenir et coopératif, alors la valeur de ton bien augmente. C’est pourquoi, non seulement par devoir chrétien ou par humanité, mais aussi par simple bon sens, nous souhaitons voir la Roumanie réussir économiquement. D’autant plus qu’il s’agit d’un partenaire commercial majeur pour la Hongrie : plus les Roumains s’enrichissent, mieux fonctionne le commerce entre nos deux pays. La situation n’est pas simple ici. Il ne m’appartient pas de commenter la politique économique roumaine,
mais je peux dire ceci : tous ces discours malveillants et ignorants, cette manie de dire que « les Roumains font tout mieux que nous » pour critiquer le gouvernement hongrois, c’en est fini. À ceux qui tiennent encore ce genre de propos, je dis simplement : qu’ils viennent jeter un œil de l’autre côté de la frontière, et ils verront la réalité. Ici, on mène un combat difficile pour rétablir l’équilibre financier de l’économie, et c’est une tâche douloureuse, politiquement et techniquement très exigeante. L’UDMR a donc une lourde responsabilité, puisqu’elle participe au gouvernement actuel de la Roumanie. Je souhaite beaucoup de succès au Premier ministre roumain, M. Bolojan, ainsi qu’aux ministres issus de l’UDMR.

La situation actuelle de l’économie roumaine, et la manière dont elle en est arrivée là, peuvent-elles servir de leçon, d’un point de vue économique, pour la Hongrie ?

Je le répète : il faut toujours être prudent quand on parle d’un autre pays, même lorsqu’il s’agit de notre voisin. Mais, dans le cas de la Roumanie, c’est la politique qui a mis l’économie en difficulté. Lorsqu’il n’y a ni stabilité, ni prévisibilité, ni planification à long terme, lorsque les responsables politiques sous-estiment la valeur de la stabilité et de l’équilibre, cela conduit à des décisions improvisées, à des secousses et à des mesures économiques à court terme. Et, souvent, une accumulation de décisions populaires à court terme finit par provoquer de graves problèmes économiques. Je suis député depuis trente-cinq ans, et j’observe depuis tout ce temps la politique économique de nos voisins. Je me souviens de périodes très réussies pour l’économie roumaine, et d’autres, plus difficiles, comme celle que traverse le pays aujourd’hui. Le Premier ministre roumain est un homme expérimenté et respectable. Et s’il y a bien quelqu’un, fort d’un passé de bon gestionnaire, capable de remettre de l’ordre dans ce tas de foin un peu bancal, c’est bien le Premier ministre Bolojan. 

En Hongrie aussi, un nouveau dispositif économique vient d’entrer en vigueur : les entreprises peuvent désormais accéder à un crédit à taux fixe de 3 %. Mais dans le contexte international actuel, par exemple, les commandes de l’industrie allemande viennent de reculer pour le quatrième mois consécutif, quelle peut être la demande pour ce type de prêt ? Et à qui s’adresse-t-il exactement, selon les plans du gouvernement ?

Il semble que le chiffre magique de la politique économique hongroise soit désormais le 3. Nous avons lancé un crédit à taux fixe de 3 % pour l’accès au logement, destiné à ceux qui achètent ou construisent leur premier foyer, et la demande est énorme. Et maintenant, nous lançons un prêt à taux fixe de 3 % pour les entrepreneurs. Je n’aime pas m’attribuer les mérites des autres, ce ne serait pas juste, donc je tiens à dire que nous devons beaucoup à la Chambre hongroise du commerce et de l’industrie, à son président, M. Elek Nagy, et à tous ceux qui ont participé à la conception du programme. Les détails techniques sont toujours plus complexes que les principes généraux, et ce prêt sera distribué via le système de la Carte Széchenyi, un dispositif créé à l’origine par la Chambre de commerce, à l’époque de Sándor Demján, et qui fonctionne depuis avec succès. Autrement dit, cela ne pourrait pas se faire sans les représentants des entrepreneurs : leur participation est indispensable pour que ce mécanisme de crédit fonctionne. Le montant maximal accessible est fixé à 150 millions de forints. Je pense que beaucoup de petites et moyennes entreprises hongroises, dans un contexte où le taux directeur de la Banque nationale est autour de 6 à 7 %, et où les prêts commerciaux ne sont disponibles qu’au-dessus de ce seuil, attendaient avec impatience un crédit soutenable, abordable, gérable à 3 %. À mon avis, cela donnera un élan considérable aux PME hongroises. Plus largement, je dirais que, parallèlement, les programmes de réduction d’impôts pour les familles se poursuivent. On dit toutes sortes de choses sur l’économie hongroise, bonnes ou mauvaises, mais la réalité, c’est qu’aujourd’hui, l’économie hongroise est assez solide pour lancer un prêt logement à taux fixe de 3 %, lancer un prêt pour les PME à taux fixe de 3 %, et en même temps, mettre en œuvre la plus grande baisse d’impôts d’Europe. Eh bien, une économie capable de faire cela ne peut pas être en mauvais état.

Pourquoi les petites et moyennes entreprises sont-elles au centre de l’attention aujourd’hui ? Parce que, comme je l’ai dit, c’est à elles que s’adresse le programme Demján Sándor lancé précédemment, et M. Nagy Márton a promis d’autres allègements fiscaux et une réduction de la paperasserie administrative.

D’abord, nous sommes Hongrois, et la plupart des Hongrois travaillent dans l’économie comme petits ou moyens entrepreneurs, du moins, ceux qui ne sont pas salariés. Ensuite, les grandes entreprises peuvent se financer plus facilement à l’étranger à moindre coût ; les grandes multinationales implantées en Hongrie le peuvent tout particulièrement. Une entreprise allemande, autrichienne ou italienne peut obtenir des prêts en euros à meilleur taux chez elle ou auprès de sa banque locale. Elles n’ont donc pas besoin d’un soutien au crédit ici. Ceux qui sont en difficulté, ce sont surtout nous, les petits et moyens entrepreneurs hongrois, c’est donc eux que nous devons avoir en tête en priorité.

Vous avez évoqué la poursuite des baisses d’impôts, tant pour les familles que pour les entreprises. Or, ces derniers temps, des fuites ont laissé entendre que le parti Tisza envisageait d’augmenter les impôts, même si le parti le nie officiellement. Pourquoi le Tisza voudrait-il relever les impôts ?

Il y a un débat de fond dans la vie publique hongroise que j’observe depuis trente-cinq ans. Il y a toujours eu, parmi les économistes, les responsables de la politique économique et les partis, un courant qui souhaite globalement des prélèvements plus élevés. Ils ont toujours détesté l’impôt à taux unique. Je n’exagère pas en disant qu’ils s’y sont farouchement opposés. Ils aiment faire de l’ingénierie sociale : prendre de l’argent aux entreprises et aux citoyens, puis le redistribuer selon leur conception de la justice. C’est une philosophie qui existe. Je ne la partage pas. J’appartiens à une autre école. Je dis que la meilleure politique économique est celle des impôts bas — qu’ils soient simples, prévisibles et faciles à calculer. Autrement dit : si tu gagnes dix fois plus, paie dix fois plus ; tu auras rempli ton devoir envers la communauté. Car tout le monde doit contribuer, sinon rien de ce qui couvre les besoins collectifs, la défense, l’ordre public, les transports, ne peut fonctionner. Il faut donc des impôts, mais qu’ils restent bas, et que l’État ne s’immisce pas dans la vie des citoyens. Le mieux est que chacun décide de ce qu’il veut faire de son argent. Lorsque l’État prétend tout régenter, en Hongrie cela a plutôt entraîné des problèmes. Ce n’est pas le cas partout, on cite souvent les pays scandinaves, qui ont une autre culture, mais chez nous, la bonne politique économique, c’est de laisser l’argent et la marge de manœuvre aux gens, de leur laisser la force d’agir. Voilà la première raison du débat. Le Tisza appartient à cette ancienne école, ils se rattachent à une tradition économique à laquelle s’identifient des figures comme Lajos Bokros, György Surányi ou Mária Zita Petschnig. Ils se sentent proches de cette philosophie économique. Il y a une seconde raison : ils veulent prélever plus d’argent aux citoyens. C’est une directive venue de Bruxelles. Le parti Tisza est un projet bruxellois ; il a été conçu à Bruxelles, il a été monté à Bruxelles. On m’a même dit qu’il a été créé pour remplacer le gouvernement national hongrois par un gouvernement plus ami de Bruxelles, et donc, à terme, favorable aussi à Kiev, et qu’il faudrait de l’argent pour l’Ukraine. Je siège à la réunion des chefs de gouvernement ; il n’y a pas d’argent. Pourtant, ils veulent donner de l’argent à l’Ukraine pour l’aider à gagner la guerre contre la Russie sur le front. Et pour cela, il faut des fonds. S’il n’y a pas d’argent, il faut aller le chercher quelque part. Ils ont plusieurs idées : l’une d’elles est de prendre davantage aux Européens, par exemple aux Hongrois, en augmentant leurs impôts pour envoyer cet argent en Ukraine. Le Tisza est un parti pro-ukrainien, un projet bruxellois, et il appliquerait cette directive de Bruxelles s’il arrivait au pouvoir. Mais comme il n’est pas au pouvoir et, je l’espère, n’y arrivera pas, il ne pourra pas prendre l’argent des Hongrois, ni maintenant ni à l’avenir.

D’après ce que vous venez de dire, et d’après les dernières années aussi, la position du gouvernement sur la fiscalité semble très claire. Pourtant, vous avez lancé une consultation nationale sur ce sujet, ainsi qu’une question concernant la réduction des tarifs de l’énergie. Que peut-on attendre de cette consultation, si la position du gouvernement est déjà aussi évidente ?

Dans les semaines à venir, une énorme pression va s’exercer sur la Hongrie, depuis Bruxelles, pour que nous approuvions l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne et que nous contribuions davantage financièrement au soutien de l’Ukraine. Or, la Hongrie ne le veut pas, le gouvernement hongrois, en tout cas, certainement pas, et moi non plus. Nous ne voulons pas prendre plus d’argent aux citoyens, et donc, nous ne voulons pas envoyer plus d’argent ni à Bruxelles ni à l’Ukraine. C’est une grande bataille internationale, et nous devons la gagner. Pour cela, le gouvernement a besoin du soutien de la population, et c’est précisément le rôle de cette consultation nationale : confirmer la ligne du gouvernement, qui défend les intérêts nationaux hongrois. Par ailleurs, le parti Tisza, et peut-être aussi la Coalition démocratique (DK), affirment qu’ils ne veulent pas parler de ces sujets avant les élections, et qu’ils ne dévoileront leurs projets qu’après le scrutin. Ils disent même : « Si nous en parlons avant, nous perdrons les élections. » Ce qui est une mauvaise nouvelle pour eux, mais, je l’avoue, nous n’allons pas nous en plaindre. Et ils ajoutent : « Si nous gagnons, alors, après, tout sera possible. » Cela signifie que la question la plus importante, celle des impôts et du partage des charges, resterait dans l’ombre. Et ce n’est pas acceptable. Ce qui est juste, c’est que les citoyens voient les choses clairement, en pleine lumière, et qu’ils décident en connaissance de cause. Et ensuite, le résultat dépendra de leur choix. Comme on dit : chacun sentira le parfum de la rose qu’il aura cueillie. Cela vaut autant pour les élections que pour le choix d’une épouse.

D’autres projets ont également fuité de la part du parti Tisza. Dans des discours tenus à huis clos, on aurait évoqué, par exemple, la réduction du nombre de lits d’hôpitaux ou d’écoles, et aussi des propos très durs sur les agriculteurs. À quoi renvoient, selon vous, ces prises de position, qui ont pourtant été prononcées à huis clos ?

Il s’agit de sujets très différents, mais cela nous ramène encore une fois à trente-cinq ans de débats politiques. Il y a toujours eu, en Hongrie, une discussion sur l’avenir de l’agriculture. Et il y a toujours eu un courant, souvent lancé par des « gars du pavé », des jeunes gens du centre-ville de Budapest, qui considère que l’agriculture appartient au passé, que ce n’est pas moderne, que dans une économie vraiment développée, ce sont l’industrie et les services qui doivent dominer, et que la vie rurale, la campagne, serait un mode de vie dépassé. Qu’il faudrait tourner la page. Cette idée, ce bruit de fond, a toujours existé. Le plan Bokros, à l’époque, n’était d’ailleurs composé que de mesures de ce genre. Et aujourd’hui, la gauche, héritière de cette école de pensée, répète que l’agriculture hongroise ne peut pas être compétitive face à celle de l’Ukraine. Je cite ce qu’ils disent : « Autant céder l’agriculture hongroise aux Ukrainiens, afin de ne plus avoir à s’en occuper. » C’est une grave erreur ! Cela montre une méconnaissance totale de l’histoire et de l’âme hongroises. La Hongrie n’existe pas sans agriculture. La Hongrie n’existe pas sans ses agriculteurs. La Hongrie n’existe pas sans ses campagnes. La Hongrie n’existe pas ses villages. Même si, depuis le béton du centre-ville, certains croient parfois qu’on pourrait se passer des ruraux, ce n’est pas vrai. La Hongrie est un tout vivant, organique. Nous avons besoin de tout le monde, même des « gars du pavé », mais nous avons tout autant besoin de nos agriculteurs, de ceux qui font vivre la terre. Nous ne céderons rien. Nous devons protéger l’agriculture hongroise, car elle fait face à une menace très sérieuse venue d’Ukraine. Et si l’Ukraine était admise dans l’Union européenne, ce que nous essayons d’empêcher, l’agriculture hongroise se retrouverait confrontée à des défis si lourds qu’ils pourraient conduire à la ruine de plusieurs centaines de milliers d’agriculteurs. Et puis, il y a le projet de fermeture d’hôpitaux et d’écoles. Là encore, ce n’est pas nouveau : nous parlons des héritiers du plan Bokros. Ils ont toujours pensé que de grandes réformes structurelles étaient nécessaires, que notre système éducatif ou de santé n’était pas assez efficace, et qu’il fallait le « moderniser ». Et « moderniser » veut souvent dire : fermer des écoles, des services hospitaliers, des hôpitaux entiers, et ainsi de suite. Cela fait quinze ans que je me bats pour que chaque famille en Hongrie ait accès à une éducation de qualité pour ses enfants, et pour que toute personne en difficulté, dont la santé vacille ou qui rencontre un problème grave, puisse trouver des soins médicaux de qualité à portée de main. Il ne faut donc pas fermer, mais renforcer. En particulier, renforcer les hôpitaux des comitats. Et voilà que j’entends aujourd’hui qu’on voudrait les « tailler » ou les fermer, pour ne garder que sept grands centres hospitaliers régionaux. Ce serait un système complètement différent, qui éloignerait les soins des citoyens. De notre point de vue, sans compter Budapest, la Hongrie a besoin d’au moins dix-huit hôpitaux solides dans les comitats. Et cela fait plus de dix ans que nous les construisons et les modernisons.

Cette semaine, il n’y a pas eu que des enregistrements, mais aussi des données qui ont fuité du parti Tisza. Le parti a d’abord nié pendant plusieurs jours, avant de finalement reconnaître les faits, tout en affirmant que c’est vous, le pouvoir, selon leurs mots, qui les aurait attaqués. Voyons-nous clair dans cette affaire ? Et que montrent les informations disponibles jusqu’à présent ?

Oui, nous voyons les choses très clairement, car il ne s’agit pas de voir, mais d’entendre. Les Ukrainiens eux-mêmes ont tout dit. En Hongrie, nos débats politiques peuvent parfois paraître naïfs, car pendant que nous spéculons, d’autres expriment ouvertement leurs intentions. Ils ne laissent guère de place au doute. Les Ukrainiens disent sans détour qu’ils veulent impliquer l’Europe dans la guerre, à tout prix. Et aujourd’hui, un seul obstacle s’y oppose : la Hongrie. Les Ukrainiens déclarent aussi vouloir entrer dans l’OTAN à tout prix. Nous l’avons empêché. Entre-temps, le président américain a changé, et cette aventure est, je l’espère, terminée pour longtemps. Mais les Ukrainiens ne plaisantent pas : ils disent aussi, très clairement, qu’ils veulent entrer dans l’Union européenne à tout prix. La Hongrie ne le veut pas. Ils l’admettent également : ils ont besoin d’argent. De l’argent pour leur armée, parce qu’ils ne peuvent pas faire vivre seuls leur État, qu’ils ne peuvent pas payer les retraites ni les salaires. Alors, ils disent simplement : « Donnez-nous de l’argent ! » Et là encore, un obstacle se dresse : la Hongrie.  C’est pourquoi les Ukrainiens ont eux-mêmes déclaré, noir sur blanc, qu’il faut un changement de gouvernement en Hongrie. Bruxelles et l’Ukraine travaillent main dans la main sur ce point : ils veulent qu’il y ait un changement de pouvoir à Budapest, qu’un gouvernement national soit remplacé par un gouvernement pro-Bruxelles et pro-ukrainien. Et ils veulent soutenir ceux qui cherchent à installer un tel gouvernement en Hongrie. Et alors, le destin de l’Ukraine, c’est ce que beaucoup pensent à Bruxelles, et celui de l’Union européenne prendront un tournant positif. Moi, j’en doute. Mais je suis certain d’une chose : ce serait une catastrophe pour les Hongrois. C’est pourquoi les Ukrainiens travaillent activement pour qu’il y ait un changement de gouvernement en Hongrie. Leur renseignement est jusqu’au cou impliqué. Bien sûr, nous les suivons de près, nous voyons ce qui se passe. Ils se sont infiltrés dans la vie intellectuelle hongroise, dans le monde des conseillers politiques, dans les débats publics, et ils ont leur parti. Le parti Tisza est leur parti pro-ukrainien. Et ils feront tout pour l’aider à arriver au pouvoir. Ils les soutiennent par tous les moyens, y compris avec une assistance technologique. Dans la politique moderne, la communication numérique est essentielle, et sur ce plan, ils leur apportent leur aide. Ils développent pour eux des outils et des capacités nécessaires à la conduite d’une campagne électorale efficace. C’est cette aide qu’ils ont reçue. Et face à cela, nous, Hongrois, nous ne pouvons que dire. Autrefois, on disait : « Les Russes sont déjà dans le garde-manger. » Eh bien aujourd’hui, il faut dire : « Les Ukrainiens sont déjà dans ton smartphone. »

Quels sont les risques associés à cette affaire ? Autant pour ceux dont les données ont fuité que d’un point de vue de sécurité nationale ?

Ce n’est pas un hasard si chaque pays protège ses informations les plus sensibles. Quand quelqu’un détient trop d’informations sur vous, quand il sait plus qu’il ne devrait, cela peut toujours être utilisé contre vous. C’est pourquoi aucun pays ne transmet à un autre ni ses données personnelles, ni ses informations stratégiques, ni rien qui touche à sa sécurité nationale. Et il y a de bonnes raisons à cela. Nous non plus, nous ne devons jamais le faire. Nous suivons cette affaire de près, et si quelqu’un dépasse le cadre légal, l’État hongrois agira naturellement, dans l’intérêt de la sécurité nationale. Pour l’instant, je plains les membres du parti Tisza dont les données se retrouvent entre des mains ukrainiennes. J’espère que cela ne leur portera pas préjudice personnellement.

Autre développement cette semaine concernant le parti Tisza : le Parlement européen a refusé de lever l’immunité de Péter Magyar. Plusieurs députés ont justifié leur vote en affirmant que le politicien faisait l’objet d’une persécution politique en Hongrie. Mais vous, vous avez déjà dit qu’il s’agissait d’un homme sous influence. Comment interprétez-vous la décision de Bruxelles ?

D’abord, ceux qui connaissent la Hongrie, et nous, les Hongrois, nous nous connaissons bien, ne peuvent qu’en rire. Car chez nous, tout le monde dit ce qu’il veut, et, quand il s’agit de politique, on pourrait même dire que chacun fait à peu près ce qu’il veut. Certains vont même chercher de l’aide à Kiev ou à Bruxelles, alors prétendre que quelqu’un serait persécuté en Hongrie à cause de ses opinions ou de son activité politique, c’est non seulement une absurdité totale, mais une preuve d’ignorance, un manque complet de connaissance de la réalité hongroise. Et puis, cette affaire d’immunité n’a rien de politique. C’est une affaire de droit commun : il est question de vol, peut-être aussi de voies de fait, mais, honnêtement, ce n’est pas le plus important. Ce qui compte, c’est que Bruxelles a investi tellement d’argent et d’énergie dans le parti Tisza qu’elle ne veut pas perdre son investissement. Si elle devait livrer son homme à la justice, cela réduirait ses chances de victoire aux prochaines élections. Peu importe ce que fait le parti Tisza ou son dirigeant, ils ne lèveront jamais son immunité, parce que c’est le fil qui leur permet de le manipuler comme une marionnette. Pourquoi renonceraient-ils à cela ? Pourquoi abandonneraient-ils cet instrument ? Ils ont dépensé des sommes considérables, et consacré beaucoup d’énergie pour qu’il existe enfin un parti bruxellois en Hongrie. Voilà ce qui se passe. Je trouve cela honteux. C’est une trahison de tout ce que la politique européenne a pu représenter. Mais aujourd’hui, l’Europe va mal. Il y a une lutte de pouvoir féroce à Bruxelles, et la « carte hongroise », le Premier ministre hongrois, la composition du gouvernement hongrois, joue un rôle dans cette bataille. Nous vivons dans un monde impitoyable. Les « valeurs européennes », « l’État de droit », tout cela passe au second plan, on ne lâche pas le chiot de son propre chien.

Et le Parlement européen n’a pas levé non plus l’immunité d’Ilaria Salis. C’est cette militante antifa qui, il y a quelques années, avait agressé des gens dans les rues de Budapest. Quel message envoie, selon vous, cette décision ?

C’est la même chose ! Cela montre bien dans quel état se trouve aujourd’hui l’Europe. De quoi parlons-nous, au fond ? D’une Italienne venue ici avec quelques amis, des gens de l’extrême gauche radicale, complètement égarés. Parlons franchement : des antifas, violents, agressifs, et portés par une idée totalement délirante de ce que serait une « bonne » ou une « acceptable » forme de vie en société.  Et dès qu’ils croyaient voir quelqu’un d’extrême droite, ne serait-ce qu’à cause de ses vêtements ou de son apparence, je ne sais pas comment ils décidaient cela, mais passons, ils l’attaquaient en pleine rue, à coups de barres de fer et d’objets contondants. Ils ont attaqué des Hongrois dans des rues hongroises. Par la violence. Bien sûr, nous avons élucidé l’affaire. Nous retrouverons chacun d’entre eux, un par un. Parce qu’en Hongrie, attaquer des citoyens hongrois au nom d’une idéologie confuse, c’est inacceptable. Nous avons d’ailleurs aussi un ressortissant allemand impliqué, une affaire similaire est en cours. Quant à cette Italienne, nous l’avons identifiée, arrêtée, elle est restée un temps en Hongrie, mais ensuite, la gauche italienne, ce qui montre bien le monde à l’envers dans lequel nous vivons, lui a offert un siège au Parlement européen lors des dernières élections. Elle est donc devenue députée à Bruxelles. Et la gauche bruxelloise, exactement comme dans le cas de Péter Magyar, refuse de la livrer à la justice, parce qu’elle aussi, comme on dit, c’est « le chiot de leur chien ». Nous ne pouvons donc pas, pour l’instant, faire respecter le principe élémentaire de justice, celui qui dit : si tu viens en Hongrie, tu n’as pas le droit de frapper des Hongrois. Mais tôt ou tard, nous ferons appliquer cette règle, que ce soit pour l’Italienne ou pour l’Allemand impliqué.

Nous avons très peu de temps, mais évoquons encore deux informations importantes. La première : cette année, le nombre de visiteurs en Hongrie a dépassé les 15 millions dès la fin septembre, plus tôt que jamais auparavant. À quoi doit-on ce succès, et quelles perspectives cela ouvre-t-il pour le tourisme hongrois ?

Ceux qui travaillent dans le secteur du tourisme font manifestement du bon travail, et je tiens à les féliciter. Le tourisme ne croît jamais de lui-même : c’est un domaine exigeant, qui demande énormément de travail. C’est un métier difficile. Sans horaires fixes, et en haute saison, il faut être sur le pont jour et nuit. Je vois que les investisseurs, les entrepreneurs, les salariés, qu’ils travaillent dans les hôtels, les restaurants ou les sites touristiques, fournissent un travail remarquable, puisque les touristes viennent de plus en plus nombreux. Et c’est là la plus belle récompense qu’un professionnel puisse recevoir. On observe une demande croissante pour leurs services, donc je leur adresse toutes mes félicitations. Le tourisme représente désormais près de 13 % du PIB hongrois. Autrement dit, au-delà de leur réussite personnelle, et j’espère qu’ils sont rémunérés à la hauteur de leurs efforts, il s’agit d’un succès majeur pour l’ensemble de l’économie nationale.

Et la nouvelle la plus marquante d’hier, c’est l’annonce de l’attribution du prix Nobel de littérature à László Krasznahorkai. C’est le deuxième Hongrois à recevoir cette distinction dans cette catégorie. Que représente cette récompense pour la culture hongroise et pour la Hongrie ?

C’est un événement exceptionnel. Nous l’avons d’ailleurs célébré hier. Pour la Hongrie, chaque prix Nobel a une signification particulière, au même titre que chaque médaille d’or olympique. Un pays comme le nôtre vit dans une exigence permanente de performance. Car, au fond, la question « pourquoi les Hongrois sont-ils sur cette Terre ? » n’est pas si facile à répondre. Et notre seule véritable réponse, c’est que nous sommes là parce que nous sommes talentueux, travailleurs, et parce que nous apportons au monde quelque chose dont il a besoin. Nous aimons dire, et j’espère ne pas me tromper, que les Hongrois ont donné davantage à l’humanité qu’ils n’en ont reçu. Depuis nos saints de la maison d’Árpád, jusqu’à Ferenc Puskás, et à Imre Kertész, notre premier prix Nobel de littérature, sans oublier nos chercheurs récompensés il y a deux ans par les prix Nobel de médecine et de physique ; tous s’inscrivent dans la même tradition d’excellence. Ainsi, László Krasznahorkai rejoint cette lignée, et cela indépendamment de son style littéraire, de ses goûts esthétiques ou même de ses opinions politiques. Je ne le classerais pas parmi les électeurs du Fidesz, mais cela n’a aucune importance ici. Ce prix ne se regarde pas à travers une lunette partisane ou politique, mais à travers la lunette nationale. C’est immense qu’un Hongrois ait pu recevoir le prix Nobel de littérature. Derrière cela, il y a des années de travail acharné. Je lui adresse donc toutes mes félicitations !

Nous avons parlé, entre autres, du soutien aux entreprises, de la consultation nationale, et de l’affaire de la fuite de données concernant le parti Tisza, avec le Premier ministre Viktor Orbán.

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