Zsolt Törőcsik : En Hongrie, il y a une tolérance zéro à l’égard de l’antisémitisme, c’est ce qu’a déclaré hier Viktor Orbán, après avoir reçu le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou. Le Premier ministre israélien est à Budapest pour une visite de plusieurs jours, une invitation qui lui avait été adressée dès novembre dernier par son homologue hongrois. Nous allons parler des détails de cette visite avec le Premier ministre, Viktor Orbán. Bonjour.
Bonjour.
C’est ici même, à la fin du mois de novembre, que vous avez annoncé inviter Benjamin Netanyahou en Hongrie, en réaction au mandat d’arrêt alors délivré contre lui par la Cour pénale internationale. Hier, la Hongrie a officiellement exprimé son intention de se retirer de cette instance, à laquelle elle appartenait depuis 25 ans. Qu’est-ce qui a changé en un quart de siècle pour que vous décidiez aujourd’hui d’en sortir ?
Vingt-cinq ans, c’est une longue période, et durant ce quart de siècle, de profonds changements ont marqué la scène politique internationale. Une part importante des organisations internationales s’est progressivement intégrée à un système de pouvoir global, se retournant contre l’indépendance et la souveraineté des États membres, des nations souveraines. Ces institutions tendent de plus en plus à outrepasser adoptant des décisions où l’on distingue clairement des motivations politiques. Tout simplement, bon nombre de ces organisations internationales sont devenues des instances politiques. Malheureusement, la Cour pénale internationale fait aujourd’hui partie de ce groupe. C’est une cour politique.
La décision du gouvernement hongrois s’est aussitôt attiré une volée de critiques, aussi bien sur la scène nationale qu’à l’international. Pourquoi avoir estimé que le moment était venu de prendre cette mesure ?
Tout d’abord, il existe des pays qui n’ont jamais été membres de cette instance, comme on dit, ils n’ont jamais fait partie de cet accord. À commencer par les Américains. Mais c’est également le cas des Russes, des Chinois, des Turcs. On ne peut donc pas dire que le monde entier se soit précipité pour adhérer à cette organisation. Si ma mémoire est bonne, lorsque nous avons rejoint cette Cour, cela faisait partie d’une démarche plus large : celle de donner une place à la Hongrie, après le communisme, dans l’espace international. Il y avait alors l’adhésion à l’OTAN, à l’Union européenne, et la volonté d’intégrer certaines institutions qui incarnaient ce nouveau monde, un monde sans socialisme, sans Union soviétique. Dans ce contexte, cela faisait sens. Mais il faut bien dire que la Hongrie n’a jamais adhéré à cette structure de tout cœur. Je ne veux pas entrer ici dans des raisonnements juridiques trop techniques, mais même si nous avons signé ce Statut, qui fait d’un pays un membre d’une telle cour internationale, nous ne l’avons jamais intégré dans le droit hongrois. En principe, une fois que le gouvernement signe un traité international, le Parlement doit l’adopter pour qu’il devienne partie intégrante du droit national. Or cela ne s’est jamais produit. Ou plus exactement, même si nous avons accompli cette démarche, nous ne l’avons jamais promulguée. En substance, la Hongrie a bien signé ce traité international, mais elle n’a jamais accompli toutes les démarches requises pour qu’il devienne contraignant sur son territoire. Si quelqu’un pose la question de cette manière : pourquoi n’avons-nous pas arrêté le Premier ministre de l’État d’Israël, alors que la Cour pénale internationale aurait pu s’y attendre ; alors, nous avons trois réponses à donner. Premièrement : ce n’est pas notre usage. En Hongrie, nous n’avons pas pour habitude d’arrêter nos invités. Deuxièmement : nous ne l’avons pas souhaité, car Israël est notre ami. Et le but d’une politique étrangère, pour un pays, c’est précisément de se faire des alliés. Il est donc positif qu’Israël ne soit pas un adversaire de la Hongrie, ni même un pays neutre, mais un ami. Troisièmement : même si nous l’avions voulu, nous n’aurions pas été en mesure de donner l’ordre aux forces de l’ordre de procéder à une arrestation, puisque ce traité international n’a jamais été promulgué et n’a donc jamais été intégré au droit hongrois. En d’autres termes, le Premier ministre israélien se trouvait en Hongrie dans une sécurité absolue, à mille pour cent. Ni les usages, ni la volonté politique, ni le cadre juridique ne permettaient une telle arrestation.
Nous allons parler dans un instant des relations entre les deux pays, mais vous avez souligné hier, lors de la conférence de presse, que la Hongrie applique une politique de tolérance zéro envers l’antisémitisme. Or, on pourrait considérer qu’il s’agit là du strict minimum dans tout pays européen. Pourquoi était-il malgré tout important d’insister sur ce point ?
Aujourd’hui, nous vivons dans un monde où, en Europe de l’Ouest, l’antisémitisme progresse chaque jour. Les personnes d’origine juive quittent donc l’Europe de l’Ouest. Il en reste, bien sûr. La Hongrie abrite aujourd’hui la troisième plus grande communauté juive de l’Union européenne. Il y en a encore en Europe occidentale, mais l’espace pour vivre y devient de plus en plus étroit, chaque jour. L’antisémitisme est en hausse. À mesure que la migration augmente, l’antisémitisme augmente aussi. Or, en ne cherchant même pas à l’arrêter, les dirigeants européens, surtout à Bruxelles, favorisent, volontairement ou non, cette progression. Je ne veux pas leur prêter de mauvaises intentions… même si, à vrai dire, j’aurais des raisons de le faire. Mais qu’ils le veuillent ou non, ils contribuent à la montée de l’antisémitisme en Europe de l’Ouest. Non seulement ils ne mettent pas un terme à ces dynamiques, non seulement il n’y a pas de tolérance zéro, mais ils soutiennent des processus, comme les migrations, dont les conséquences entraînent nécessairement une montée de l’antisémitisme. C’est pourquoi, aujourd’hui, en Europe, le fait qu’un pays applique une politique de tolérance zéro envers l’antisémitisme est devenu l’exception. Ce n’est pas quelque chose qu’on pourrait dire à l’Ouest. Là-bas, on tolère, on accepte, on vit avec cette réalité. Nous, nous ne l’acceptons pas.
Parlons des relations entre les deux pays que vous avez qualifiées d’amicales. En quoi cela se manifeste-t-il, sur le plan politique comme sur le plan économique ?
Avant tout, ce qu’il faut dire, c’est que pour la Hongrie, la stabilité d’Israël est un intérêt direct. Autrement dit, si la région du Proche-Orient est en guerre, ou plongée dans le chaos, l’incertitude, l’instabilité, nous en subirons les conséquences. Prenons un exemple très concret : juste à côté d’Israël, il y a la Syrie. Et ce que nous avons vécu en Europe, cette immense crise migratoire, cette vague de débordement migratoire, elle a eu pour origine directe la guerre en Syrie. Ce que je veux dire, c’est que cette région du monde, même si, à première vue, elle ne semble pas voisine de la Hongrie lorsqu’on regarde une carte, puisqu’elle se trouve de l’autre côté de la Méditerranée, tout ce qui s’y passe a un impact sur notre pays et, en l’espace de quelques jours devient un problème national hongrois, qui nous affecte dans notre vie quotidienne. C’est pourquoi la stabilité des pays de cette région, et en tout premier lieu celle d’Israël, est un intérêt national fondamental pour nous. Un autre pays clé, d’ailleurs, c’est l’Égypte. Si l’Égypte venait à basculer, les conséquences seraient encore plus graves. Donc, oui, la Hongrie a un intérêt national direct dans la stabilité du Proche-Orient, et dans cette stabilité, Israël joue un rôle essentiel. Par ailleurs, nous ne connaissons pas les chiffres exacts, mais il y a, à mon avis, plus de cent mille personnes en Israël qui sont d’origine hongroise. Certaines ont la nationalité hongroise, d’autres pourraient l’obtenir, car, en Hongrie, la nationalité se transmet par filiation, et non par le lieu de naissance : toute personne née d’un parent hongrois est automatiquement citoyen hongrois. Il y a donc des citoyens hongrois qui vivent en Israël. Et l’État hongrois a une responsabilité envers chacun de ses citoyens. Au cours de l’histoire, la Hongrie n’a pas toujours été en mesure d’assumer cette responsabilité, il suffit de penser à la Shoah, aux déportations, à la Seconde Guerre mondiale. Mais la position juste, c’est que l’État hongrois doit protéger tous ses citoyens, quelles que soient leurs origines. C’est ce que je fais, c’est ce que fait le gouvernement actuel et c’est ce que fait l’État hongrois. Par ailleurs, il existe, même si les chiffres exacts devraient être obtenus directement auprès de la communauté juive, car nous ne disposons pas de statistiques officielles, une communauté juive importante en Hongrie, concentrée principalement à Budapest. Pour beaucoup d’entre eux, Israël est leur deuxième patrie, ou leur autre patrie. Ce qui s’y passe ne leur est pas indifférent, pas plus que ne l’est la nature des relations entre la Hongrie et Israël. Je pense donc qu’il y a des citoyens hongrois de confession ou d’origine juive pour qui Israël compte, qui se réjouissent de la qualité des relations entre nos deux pays, qui y voient un gage de sécurité, et peut-être même ressentent une certaine fierté en constatant cette amitié entre la Hongrie et Israël. Nous avons un intérêt direct en matière de sécurité à ce qu’Israël reste stable, et nous avons aussi un intérêt économique. Nous avons une coopération solide avec Israël : plusieurs milliers de personnes travaillent en Hongrie dans des usines ou des entreprises, principalement dans des secteurs de haute qualité, dans le high-tech, qui sont soit des coentreprises, soit en propriété israélienne. Il existe également une coopération militaire entre nos deux pays : nous développons et achetons ensemble, ou auprès d’eux, des équipements de haute technologie dans le domaine de la défense. Je pense donc qu’il s’agit là d’une opportunité prometteuse pour la Hongrie : établir des relations économiques dans un segment de très haute qualité avec Israël. Et d’ailleurs, le tourisme israélien apporte aussi une contribution importante à notre économie. Les visiteurs israéliens se sentent en sécurité ici, je peux même dire que la communauté juive est plus en sécurité en Hongrie que partout ailleurs, et l’État d’Israël y reçoit l’un des niveaux de reconnaissance les plus élevés. C’est pourquoi ils viennent volontiers en Hongrie, ils s’y sentent bien, et ils sont contents d’y dépenser leur argent. Il y a donc de nombreux arguments en faveur de relations solides, d’un partenariat stratégique et d’une véritable amitié entre Israël et la Hongrie.
Puisque nous parlons d’économie, plusieurs données ont été publiées ces derniers jours. Par exemple, les salaires réels ont augmenté de près de 5 % en janvier. Que faut-il pour que ce niveau puisse être maintenu sur toute l’année ? Et, d’un point de vue gouvernemental, quels sont les objectifs ou les intentions politiques à cet égard ?
Nous avons fixé dix objectifs pour cette année. C’est difficile à énumérer comme ça, pas forcément pour moi, mais je suppose que les auditeurs n’ont pas envie de retenir dix éléments d’un coup. Nous avons donc cinq objectifs économiques et cinq objectifs politiques pour cette année, que nous appelons l’année de la percée. L’un des objectifs est de faire baisser les prix. Nous avons déjà réussi à réduire les prix de plus de 800 produits, c’est un combat difficile, mais nous obtenons des résultats. Nous lançons le plus grand plan de réduction d’impôts d’Europe, à destination des familles et, plus spécifiquement, des femmes. Nous allons également démarrer le programme des 100 usines : la liste des projets sera rendue publique très prochainement. Nous avons aussi un programme très important de soutien aux petites entreprises, doté de plus de mille milliards de forints. Ce programme, baptisé Programme Sándor Demján, est destiné aux petites et moyennes entreprises pour leur permettre de se développer. Et cette année encore, un dispositif de remboursement de la TVA sur les produits alimentaires sera mis en place à l’intention des retraités. Voilà nos cinq objectifs économiques. Nous les avons annoncés publiquement, et je peux dire que j’en assume personnellement la responsabilité. Nous entendons les réaliser d’ici la fin de l’année. À cela s’ajoutent cinq objectifs politiques. Ouvrir le débat avec la population sur l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne ; mettre fin aux financements politiques étrangers ; renforcer la protection de l’enfance ; lancer un programme de développement économique pour les petites communes et, mener une offensive contre la drogue. Ces programmes ont déjà été lancés, quatre sur cinq sont déjà en cours d’exécution. Nous allons les réaliser également, là aussi, j’ai pris un engagement personnel. Cette année, ces dix mesures auront lieu en Hongrie, c’est une certitude, parce que le gouvernement travaille pour cela. La toile de fond est un plan économique. Les détails ont été présentés cette semaine par le ministre de l’Économie. Les choses se présentent ainsi : au premier trimestre, l’économie hongroise devrait croître de l’ordre de 0,7 à 0,8 % ; d’ailleurs, ce trimestre vient de s’achever. Au deuxième trimestre, la croissance devrait atteindre 1,5 %, au troisième trimestre, nous atteindrons 3 %, et en fin d’année, nous devrions arriver à 3,5 %. C’est donc cette dynamique de croissance économique qui constitue la base des objectifs économiques que j’ai évoqués. Je pense que nous pouvons y parvenir.
Même dans le contexte international que nous connaissons actuellement ? On parle quand même de taxes douanières américaines, de la faiblesse persistante de l’économie allemande, et dans le même temps, on observe des chiffres de l’emploi plutôt bons : le nombre de demandeurs d’emploi enregistrés est tombé à un niveau historiquement bas. Comment peut-on maintenir cette dynamique grâce aux mesures internes, tout en se protégeant des facteurs extérieurs ?
La clé de tout cela, c’est l’emploi. S’il y a du travail, tout est possible. Jamais autant de personnes n’ont travaillé en Hongrie qu’aujourd’hui. Et je pense que ce chiffre va encore augmenter, à la lumière des objectifs économiques que j’ai exposés un peu plus tôt. Cette dynamique de l’emploi représente aussi une opportunité pour les communautés roms, cette minorité, cette communauté tsigane qui, pendant longtemps, a tenté de subsister sans emploi régulier. Autrement dit : non seulement jamais autant de personnes n’ont travaillé en Hongrie qu’aujourd’hui, mais jamais auparavant nous n’avions réussi à intégrer autant d’entrepreneurs et de travailleurs roms sur le marché du travail qu’au cours de cette période récente. Nous en sommes très fiers, car cela montre que cette communauté trouve elle aussi sa voie par le travail ici, en Hongrie. C’est pourquoi il est essentiel de maintenir un taux d’emploi élevé, car si l’emploi venait à reculer, ce sont en général les membres de cette communauté qui perdraient leur poste les premiers, et cela pourrait entraîner des conséquences indésirables non seulement pour leur vie personnelle, mais pour la société dans son ensemble. Il est donc fondamental que l’intégration de cette communauté se fasse par le travail et par l’éducation, afin qu’elle puisse prendre part à la vie collective de la société hongroise. C’est pour cela que le nombre élevé d’emplois, aujourd’hui 4,7 millions, est si important. Et nous voulons encore l’augmenter. Dans mes rêves, ou plutôt dans mes plans, le nombre d’emplois pourrait atteindre les 5 millions. Passons maintenant aux facteurs extérieurs. Par votre question, vous y avez mis le doigt : en Europe de l’Ouest, on ne suit pas la même politique que nous. Nous, ici, nous menons une politique de paix. Selon nous, aujourd’hui, la seule chose que la Hongrie ait à faire sur la scène internationale, c’est de soutenir le président américain Donald Trump dans ses efforts de paix, son plan de paix, ses négociations. S’il y a une personne capable de parvenir à la paix, c’est lui. Et puisque nous voulons la paix, notre seule tâche, c’est de le soutenir. Pas de lui mettre des bâtons dans les roues, pas de le critiquer, pas de l’entraver : le soutenir. L’Europe de l’Ouest, elle, pense autrement. D’abord, il est clair qu’ils détestent le président américain. Ils ne seraient pas peinés s’il échouait, au contraire : ils voient d’un mauvais œil ses succès actuels. Il y a donc une volonté manifeste de saper son action. Ensuite, l’Europe de l’Ouest n’a pas élaboré un grand plan de paix, comme nous, les Hongrois, mais un grand plan de guerre. Ils se préparent à ce que l’Europe finance à long terme l’Ukraine, entretienne l’armée ukrainienne, et, plus largement, pour se préparer à une grande guerre. Je pense pour ma part qu’il est justifié de renforcer nos capacités de défense, mais pas dans le but de maintenir la tension de la guerre. Notre objectif, c’est la paix, la paix obtenue sous la conduite du président américain. Et en parallèle, nous devons renforcer notre défense et notre économie, car toute puissance militaire repose sur la performance économique. Un pays pauvre ne peut pas avoir une armée forte. L’armée, la sécurité, la défense, cela coûte énormément d’argent. Seuls les pays dotés d’une économie solide peuvent se le permettre. C’est pourquoi, en Hongrie, il n’y a pas de plan de guerre, mais un grand plan de paix. Et c’est aussi pour cela que nous soutenons, et même aidons, dans la mesure de nos moyens, Donald Trump, afin qu’il puisse parvenir à ce que nous pouvons appeler la paix. Il a déjà obtenu un premier résultat : il est clair que, grâce à son intervention, cette guerre ne va pas s’étendre dans notre direction, en direction de l’Europe de l’Ouest. Parvenir à isoler ce conflit, c’est, selon moi, déjà un succès du président américain. L’étape suivante, ce doit être un cessez-le-feu, et pas seulement pour des raisons stratégiques, mais aussi parce qu’au moment même où nous parlons, plusieurs dizaines de personnes viennent de mourir sur la ligne de front. C’est une guerre terrible. Nous, nous la regardons de loin, à travers les reportages, sans en ressentir la brutalité au plus près. Mais c’est une guerre brutale, où des Européens chrétiens s’entretuent, par centaines, par milliers. Des enfants perdent leurs parents, des femmes deviennent veuves. C’est un carnage, une destruction terrible. Ce n’est plus aussi dangereux pour nous qu’auparavant, mais cela se déroule à notre porte, dans un pays voisin, où vivent aussi des Hongrois, et où certains d’entre eux sont enrôlés dans l’une des armées, celle qui, en plus, est en train de perdre. La Hongrie a mille et une raisons de vouloir la paix, et plutôt que de bâtir des plans de guerre, nous devrions, en Europe, concevoir et mettre en place de grands plans de paix économique. Je suis convaincu que la Hongrie est capable de mettre en œuvre son propre grand plan de paix, un plan de reconstruction économique pacifique, ici, chez nous, même si le contexte européen ne lui est pas favorable. J’ai le sentiment que même face au vent contraire, nous pouvons y parvenir. Les chiffres et les faits d’ailleurs le confirment. Nous avons aussi des plans à plus long terme. Vous avez évoqué les salaires tout à l’heure : nous avons avec les acteurs de la vie économique un accord de revalorisation du salaire minimum sur trois ans. Nous avons atteint aujourd’hui un salaire mensuel brut moyen de 700 000 forints, ce qui est encore loin du million que j’ai en ligne de mire, mais c’est déjà beaucoup plus qu’avant. Et bien sûr, le brut n’est pas le net, donc ce n’est pas encore suffisant. Je reprends ce slogan bien connu des supporters de l’équipe de foot Fradi : « Encore, encore ! Ce n’est pas assez ! » Mais la direction est clairement la bonne, et nous sommes en mesure de la maintenir.
Oui, et pour que tout cela réussisse, il faut aussi parvenir à l’un des objectifs que vous avez évoqués : faire baisser les prix. Concernant les produits alimentaires, on observe un certain apaisement, mais on constate aussi que les prix de certains services continuent d’augmenter, et le ministre de l’Économie nationale a d’ailleurs entamé des discussions avec les représentants des secteurs bancaire et télécom. Y a-t-il une chance de voir des mesures de plafonnement des marges également dans ces domaines ?
Il y a trois domaines où les hausses de prix ont fortement touché les familles hongroises. Et ce sont des hausses particulièrement douloureuses. Le premier, ce sont les prix alimentaires. C’est là qu’il a fallu intervenir le plus rapidement, car, après tout, nous devons manger et nous ne pouvons pas attendre. Le deuxième domaine est celui des services, où le prix des services de télécommunications a également augmenté de manière marquante. Ces dernières semaines, il y a eu à ce sujet des discussions au ton très ferme. J’ai bon espoir que, contrairement au marché alimentaire, où nous avons été contraints d’intervenir, nous puissions trouver un terrain d’entente avec les prestataires de services. La raison pour laquelle j’ai de l’espoir est qu’il ne s’agit que de trois grandes entreprises. Dans le commerce de détail, c’est tout autre chose : il aurait fallu négocier avec des milliers de commerçants, ce qui n’a pas abouti, les intérêts étaient trop divergents. Dans le secteur des télécommunications, en revanche, il suffit de s’entendre avec trois grands groupes. Et ce sont des entreprises sérieuses, internationales. L’une est hongroise, mais elle est déjà intégrée à l’international, elles comprennent les enjeux, et je pense qu’un accord est possible. Le troisième secteur où les prix se sont envolés, ce sont les services bancaires. Là aussi, je pense que nous avons une chance réelle de parvenir à un accord. C’est vrai, le secteur bancaire est fortement taxé en Hongrie, peut-être même plus lourdement qu’ailleurs en Europe de l’Ouest. Nous les avons associés au principe de solidarité fiscale. Mais malgré cela, ils continuent de réaliser de bons résultats, ils dégagent des profits. Je pense donc que la demande de l’État hongrois me semble justifiée : les prix des services bancaires ne devraient plus augmenter à l’avenir.
Vous avez mentionné la lutte contre la drogue comme l’un des objectifs à atteindre cette année. Cette semaine, vous vous êtes rendu à Tarnazsadány, une localité particulièrement touchée par ce problème. Quelle a été votre expérience sur place ? Qu’attendent les habitants du gouvernement à ce sujet ?
Je m’y suis rendu parce que, lorsqu’on lance une opération de cette ampleur, une opération qui va s’étendre à toutes les communes du pays touchées par la diffusion de ces drogues bon marché, qui ressemblent à du poison pour rats et qui provoquent des ravages immenses ; eh bien, il faut y aller. Ce n’est pas le genre de chose qu’on peut diriger depuis un bureau à Budapest. J’ai parlé avec les habitants. C’est une région difficile, avec une importante minorité rom, ou tzigane. Mais ils ont là-bas un excellent chef local, un très bon maire, qui se battent pour que les services soient présents dans le village, pour que le niveau de vie augmente, pour que chacun ait un emploi. Je peux dire que j’ai rencontré une direction locale responsable, et ces responsables sont eux-mêmes victimes des activités d’un petit cercle, 5 à 10 %, lié au trafic de drogue, qui distribue ces substances et détruit des familles entières dans la région. La drogue, ce n’est pas un problème abstrait. La drogue, ça veut dire que ça peut s’infiltrer dans ta propre famille. Par exemple : si le père de famille travaille, il ramène son salaire, et le lendemain, il n’y a plus rien. Et la famille reste là sans revenu, sans soutien. Ou bien, du jour au lendemain, tu remarques que ton enfant va mal. Ce ne sont pas des concepts vagues, mais des problèmes extrêmement concrets et personnels. Là-bas, j’ai parlé avec des familles brisées par cette réalité. Un enfant est mort, victime de l’une de ces drogues qui ressemblent à du poison pour rats. Ce sont des situations très graves, et les gens attendent de l’aide. Sur cette commune, j’ai obtenu un véritable soutien. Les habitants m’ont dit : « C’est très bien, il faut mener ce combat. Nous aussi, nous sommes prêts. Mettons-les à l’écart, démantelons ces réseaux. » Cette chasse est désormais lancée. Je tiens à remercier nos forces de police. De manière générale, la sécurité publique en Hongrie, selon les standards européens, est dans un état encourageant. Je ne dirais pas que c’est parfait, mais nous faisons partie des meilleurs en Europe, peut-être même sommes-nous les meilleurs. Nous avons de très bons policiers, et cela s’est vu ici aussi. Nous avons mobilisé plus de 3 500 policiers, mobilisation que j’ai déclenchée via le ministre de l’Intérieur. Plus de mille opérations ont été menées. Ils ont saisi plusieurs quintaux de drogues, interpellé des trafiquants et des revendeurs. Nous avons désormais déposé les modifications législatives nécessaires, et c’est important, pour que les policiers et les citoyens voient que leur travail a un vrai sens. Il faut que les personnes arrêtées dans le cadre du démantèlement des réseaux de drogue reçoivent des peines appropriées, et très sévères. C’est essentiel, car si les citoyens et les policiers constatent, de l’autre côté, qu’ils font leur travail, qu’ils coordonnent leurs efforts, parce que la lutte contre la drogue suppose une mobilisation collective, où tout le monde est essentiel, des enseignants aux policiers, en passant par les parents, et que les sanctions ne suivent pas, ou qu’elles sont trop légères, et que, quelques jours plus tard, les mêmes individus arrêtés pour trafic de drogue réapparaissent dans la rue, parce que la législation hongroise le permet, alors ce combat deviendra vain. Nous devons donc envoyer un message très clair à tous ceux qui sont engagés dans la lutte contre la drogue, enseignants, parents, policiers : leur travail a du sens. Et le sens de leur travail, c’est que les trafiquants de drogue soient mis hors d’état de nuire, que les drogues soient saisies, que les biens, véhicules, immeubles utilisés dans le trafic soient confisqués, et que les fortunes accumulées grâce à ce trafic soient également confisquées, et que les trafiquants soient condamnés aux peines de prison les plus sévères. Si nous ne faisons pas cela, alors leur travail perdra tout son sens, et ces drogues continueront de se répandre librement, poursuivant leur œuvre destructrice, ruinant des milliers de familles. Ce n’est pas un hasard si nous utilisons des formules fortes, comme « chasse à l’homme », car nous voulons par là affirmer que, sur ce sujet aussi, la tolérance zéro s’applique. Le gouvernement ne reculera pas. Et même si démanteler un réseau de ce type peut prendre des mois, nous irons jusqu’au bout.
Encore une brève question sur ce sujet, car le temps presse : l’objectif est-il d’empêcher la consommation ou la distribution ? Les critiques affirment que les modifications législatives se concentrent trop sur la consommation.
La Constitution stipulera, car la modification en ce sens est prévue, que, en Hongrie, la production, la distribution, la consommation et la promotion des drogues seront interdites. Aujourd’hui déjà, la consommation de stupéfiants est interdite en Hongrie. Mais la loi prévoit une possibilité d’alternative : si quelqu’un accepte de participer à un programme de sevrage, à une formation visant à l’éloigner de la drogue, je n’irai pas jusqu’à parler de cure de désintoxication, ce terme étant peut-être trop fort, alors il n’est pas puni pour un premier usage. Mais à la deuxième infraction, des sanctions sont prévues. Donc il ne faut pas faire comme si la consommation de drogue était en Hongrie un « péché véniel ». Ce n’est pas le cas. Il est clair que notre cible principale, ce ne sont pas les consommateurs, mais les trafiquants. Parce que je suis convaincu que s’il n’y a pas de trafiquants, il n’y a pas de consommateurs non plus. S’il n’y a pas de marchandise, il n’y a pas de drogués. S’il n’y a pas de drogue, il n’y a pas de toxicomanes. Donc je pense que si nous parvenons à démanteler le commerce, si nous bouchons les canaux de distribution, alors le nombre de consommateurs de drogues baissera radicalement, et, au bout du compte, nous atteindrons une Hongrie sans drogue, ce que, j’en suis sûr, tout Hongrois de bon sens aimerait voir se réaliser.
Parlons encore d’un sujet à dimension juridique. Les manifestations se sont poursuivies cette contre la modification de la loi sur la liberté de réunion, des manifestants étaient présents dès le matin devant les bâtiments des médias publics. Cela a relancé le débat sur les limites de la liberté de réunion, notamment lorsqu’elle porte atteinte à la majorité. Quelle est la position du gouvernement dans ce débat ?
Hier et avant-hier, j’ai moi-même travaillé sur cette question. J’en ai parlé avec des juristes et des collègues députés. Nous allons déposer une modification législative visant à prendre en compte aussi les droits de ceux qui ne manifestent pas, c’est-à-dire des personnes qui ne participent pas à ces rassemblements. Parce que, selon moi, la liberté de réunion est essentielle : il est souhaitable que chacun puisse exprimer son opinion, même de manière énergique, s’il le souhaite. Mais ce n’est pas normal que, pendant ce temps, des milliers, voire des dizaines de milliers de personnes se retrouvent coincées dans les embouteillages de Budapest, qu’elles ne puissent pas vivre leur vie normalement, aller travailler, simplement parce que quelques centaines de personnes ont décidé de bloquer un ou plusieurs ponts. C’est pourquoi nous allons empêcher cela. Je pensais que la loi était déjà claire : le droit de réunion ne peut être exercé au détriment disproportionné de la circulation. Mais une décision judiciaire a été rendue, autorisant le blocage d’un pont. Les juges appliquent le droit que le Parlement adopte. Si les juges prennent ce genre de décisions, et que nous ne souhaitons pas qu’elles se reproduisent, nous ne pouvons pas donner d’instructions aux tribunaux : la justice est indépendante. Une chose est en notre pouvoir : modifier la loi, pour empêcher qu’une décision de justice permette de bloquer simultanément plusieurs ponts à Budapest, car c’est exactement ce qui s’est produit. Il y aura donc une modification législative, disons-le ainsi : en faveur des citoyens ordinaires, paisibles, qui ne souhaitent pas participer à la manifestation.
J’ai interrogé le Premier ministre Viktor Orbán sur la visite à Budapest du chef du gouvernement israélien, sur des questions économiques, ainsi que sur la lutte contre la drogue.
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