Zsolt Törőcsik : « Nous ne voulons pas que nos fils soient envoyés sur le front ukrainien, pour en revenir dans un cercueil. » C’est ainsi qu’a réagi le Premier ministre Viktor Orbán aux propos de Volodymyr Zelensky dans une interview accordée à un média hongrois, dans laquelle le président ukrainien accusait la politique du chef du gouvernement hongrois d’être hostile à l’Ukraine et à l’Europe. Les échanges entre les deux dirigeants seront également abordés au cours de la prochaine demi-heure, puisque mon invité en studio est le Premier ministre Viktor Orbán. Bonjour à vous.
Bonjour.
Vous avez employé une image très forte, peut-être trop forte, diront certains, quand vous avez déclaré ne pas vouloir que nos enfants reviennent du front ukrainien dans des cercueils. Pendant ce temps, on voit bien que le président Zelensky sollicite et reçoit du soutien de pays bien plus puissants que nous, militairement et financièrement. Pourquoi aurait-il besoin de soldats hongrois sur le front ?
C’est ce qu’implique l’adhésion à l’Union européenne. Si nous acceptons l’Ukraine dans l’UE, nous acceptons aussi la guerre. Imaginez que l’Union européenne accède à la demande du président ukrainien – qui nous a d’ailleurs ouvertement menacés – et intègre l’Ukraine dans ses rangs. Nous aurions alors un nouveau membre dont la frontière orientale est en guerre. Ce ne serait qu’une question de temps avant que tous les États membres de l’Union ne soient entraînés dans ce conflit, car ce serait devenu notre guerre. Or, nous ne voulons pas que la guerre russo-ukrainienne devienne notre guerre.
Vous avez aussi déclaré cette semaine, dans un discours, qu’à l’époque, il y a vingt, vingt-cinq ans, l’attitude de Bruxelles vis-à-vis de l’élargissement était toute autre : il fallait d’abord que les pays de l’Est rejoignent l’OTAN, règlent leurs différends, avant d’entrer dans l’Union européenne. Pourquoi cette approche a-t-elle changé ?
Parce qu’ils veulent la guerre. Disons les choses clairement. Il y a trois ans, les dirigeants d’Europe occidentale ont plongé dans une guerre. Nous, à l’époque déjà, nous disions : ce n’est pas notre guerre. C’est une guerre entre deux peuples slaves frères. Il faut calmer le jeu, réduire les tensions, isoler le conflit, obtenir un cessez-le-feu et éviter qu’il ne s’étende ou ne ravage durablement l’économie européenne. Tel était le point de vue hongrois, le seul, disons-le, qui soit véritablement en faveur de la paix. Les Occidentaux, eux, ont dit l’inverse : cette guerre est aussi la nôtre, la Russie est une menace, il faut la vaincre, et mieux vaut le faire sur le territoire ukrainien que près de nos frontières, voire sur notre sol, et l’Ukraine se bat en réalité pour la sécurité de l’Europe. C’était leur logique. Une logique que j’ai toujours jugée erronée, car en agissant ainsi, l’Ukraine, qui n’était pas une menace pour la sécurité de l’Europe, est soudain devenue un risque sécuritaire pour tout le continent. Et tout ce qui menace désormais l’Ukraine nous menace également, parce que nous ne nous sommes pas distanciés du conflit, nous ne l’avons pas contenu, au contraire : nous y avons plongé tête la première. C’est pourquoi aujourd’hui, alors même que les Ukrainiens sont incapables de maintenir leur propre État à flot, c’est nous qui payons les retraites des retraités ukrainiens, les salaires des fonctionnaires, le fonctionnement de leurs services publics, et de leur armée. Sans nous, sans l’Occident, l’Ukraine ne pourrait pas tenir un seul jour. Non seulement elle ne pourrait pas faire la guerre à la Russie, mais elle ne pourrait tout simplement pas subsister. Telle est la situation. Et intégrer un tel pays dans l’Union européenne reviendrait à faire entrer un flot de problèmes dont nous n’avons absolument pas besoin.
Vous avez évoqué le fait que le fonctionnement de l’État ukrainien est, en grande partie, financé par l’Union européenne. On a souvent parlé du coût que représenterait une adhésion de l’Ukraine. Mais concrètement, d’où viendrait l’argent, pour Bruxelles ou pour les États membres ?
Évidemment, l’argent entre en ligne de compte. Mais permettez-moi d’insister : ce qui compte le plus, c’est qu’il ne faut pas que l’Europe se laisse entraîner dans cette guerre. Et pourtant, nous sommes déjà bien plus impliqués qu’il ne le faudrait, jusqu’au cou, au moins. Si nous faisons entrer l’Ukraine dans l’Union européenne, alors nous faisons entrer la guerre avec elle. Et qui dit guerre dit soldats, affrontements armés, envoi de troupes au front, puis mort et retour de ces soldats dans des cercueils, pour une guerre qui n’est pas la nôtre. Il peut arriver qu’un pays doive engager des actions militaires impliquant des pertes humaines. Mais cela ne peut se faire que s’il y a un lien direct, clair, indiscutable avec nos intérêts nationaux. Et il n’est pas dans notre intérêt national qu’un seul Hongrois soit envoyé mourir en Ukraine. Ensuite vient la question de l’argent, bien que je le répète, c’est loin d’être le plus important. La réponse de l’Union est : nous allons emprunter. En effet, l’Europe elle-même n’a plus d’argent. L’économie européenne est à l’arrêt. La plupart des États membres sont endettés au-delà de leur produit intérieur brut, de la France à l’Italie. Même l’économie allemande est malade, elle tousse. Donc il n’y a pas d’argent en Europe. Et malgré cela, on veut entretenir un autre État, et pas pour n’importe quoi : les Ukrainiens demandent que nous financions une armée ukrainienne d’un million d’hommes ! Les Américains, eux, ont compris : depuis qu’un homme d’affaires est à la tête des États-Unis, il fait les comptes, il additionne, il soustrait, et il conclut que cela n’a aucun sens pour l’Amérique. Elle ne gagne rien à cette guerre, elle y perd. Alors elle nous laisse gérer seuls tout ce chaos. Et nous, Européens, nous restons seuls avec cette charge sur les épaules, sans en avoir les moyens. Donc, si les politiciens veulent rester impliqués dans la guerre en Ukraine, ils doivent mettre de l’argent. Et s’ils n’en ont pas, ils devront emprunter. Nous glissons ainsi lentement mais sûrement sur une pente qui mène à l’effondrement financier de l’Europe, sous le poids de dettes gigantesques.
Revenons à l’interview du président Zelensky, qui contenait aussi des propos sur les relations bilatérales entre la Hongrie et l’Ukraine. Il a dit ne vouloir menacer personne, mais que son pays avait « toutes les cartes en main ». En même temps, il a ajouté qu’il n’y avait pas de problème tant que les deux parties se respectaient. Selon vous, qui manque de respect à qui dans cette situation ?
Écoutez, quand un Ukrainien vous dit : « je ne dis pas ça pour vous menacer », vous pouvez être sûr que c’est exactement ce qu’il est en train de faire. Donc oui, le président ukrainien a menacé la Hongrie. Et ce, en se référant à des faits ou documents que nous ne connaissons même pas. Ce que nous lui disons, c’est que s’il a quelque chose à reprocher à la Hongrie, ou à notre politique, ou s’il a trouvé un élément problématique, alors qu’il le rende public, mais qu’il cesse de nous faire passer des messages voilés et des menaces. Ce n’est pas ainsi que cela fonctionne en Hongrie. Peut-être que ça fonctionne dans les pays d’Europe de l’Ouest, où l’on se prosterne devant l’Ukraine pour exprimer une compassion bien méritée, vu la situation. Mais la Hongrie n’est pas un pays qui s’agenouille devant l’Ukraine. Nous reconnaissons la difficulté de leur situation, nous saluons leurs efforts héroïques, mais nous n’allons pas nous comporter comme les Européens de l’Ouest, qui écoutent, les yeux brillants, chacune des déclarations du président ukrainien. Nous savons parfaitement qui il est, nous connaissons bien les Ukrainiens aussi. Qu’ils ne viennent pas ici jouer les champions de la morale, rien ne leur donne cette légitimité. Et ils ne peuvent pas parler aux Hongrois du haut de leur cheval. Je ne dis pas que les Hongrois sont sans défauts, mais il faut remettre les choses en perspective. Nous avons des points de comparaison entre l’Ukraine et la Hongrie. Quand quelqu’un est en détresse, comme l’est l’Ukraine, et qu’il reçoit de l’aide, comme ils en reçoivent de nous… Nous accueillons leurs réfugiés, nous leur offrons du travail, nous nourrissons leurs enfants, nous les éduquons, nous les mettons à l’abri… sans jamais leur demander un mot de remerciement. Mais qu’ils viennent ensuite nous accuser de manque de respect, c’est un comble. Le président Zelensky doit comprendre que la Hongrie appartient aux Hongrois. Il ne peut pas venir ici et exiger quoi que ce soit, ni nous parler avec condescendance. S’il veut quelque chose, qu’il vienne ici avec honnêteté et humilité, et qu’il nous explique ce qu’il souhaite. Et nous lui répondrons. Concernant notre désaccord, la position hongroise est claire : L’Ukraine ne peut pas exiger de la Hongrie qu’elle soutienne son adhésion à l’Union européenne, car cela mettrait notre pays en péril, et avec lui la vie de nos enfants, c’est pourquoi nous ne voulons pas leur adhésion. Et ils n’ont pas le droit d’entrer dans l’Union européenne. Ils ont le droit de demander à entrer, comme nous l’avons fait à notre époque. Et nous avons le droit de leur dire oui ou non. Les Hongrois sont justement en train de former leur opinion sur ce sujet à travers Voks2025. Le fait qu’il ait des amis en Hongrie, comme il le dit, qu’il existe des partis pro-ukrainiens, signifie qu’il y a un débat vivant en Hongrie sur la manière dont nous devons nous positionner vis-à-vis de l’Ukraine. Il existe effectivement des partis pro-ukrainiens en Hongrie. Le Tisza et la DK sont tous deux des partis ouvertement pro-ukrainiens. Cependant, cela ne donne pas le droit au président Zelensky de s’exprimer ainsi à l’égard de la Hongrie, même s’il a des amis ici.
C’est intéressant que vous mentionniez que les Hongrois sont en train de se forger une opinion à travers Voks2025, car dans son interview, le président Zelensky affirme aussi que votre position ne reflète pas celle de l’ensemble de la Hongrie. Sur quoi peut-il bien se baser pour dire cela ?
Il s’appuie sur le fait qu’il a des amis ici, et que ces amis ont organisé en Hongrie une sorte de référendum d’initiative partisane. Cela a bien eu lieu : le parti Tisza a consulté ses sympathisants sur la question de l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne. Et les sympathisants du parti Tisza, les amis de Zelensky, ont exprimé clairement leur opinion : à environ 60 %, ils sont favorables à l’entrée de l’Ukraine dans l’UE. Ils perçoivent différemment le danger que cette guerre fait peser sur nos enfants, et ils interprètent autrement ses conséquences financières. Je pense qu’ils se trompent, et je compte bien essayer de les convaincre de changer d’avis, de reconsidérer cette question. En parallèle, il y a une consultation non partisane, à l’échelle nationale, c’est Voks2025, qui suscite un immense intérêt. Je consulte chaque jour les chiffres, le nombre de réponses reçues, et nous avons déjà dépassé les deux millions ! Plus de deux millions de personnes ont exprimé leur opinion sur cette question, jugeant essentiel que leur voix soit entendue dans la décision du gouvernement. C’est un succès phénoménal. Je ne me souviens pas d’une précédente consultation nationale ou vote référendaire ayant mobilisé autant de monde. Et il reste encore huit jours, le compte à rebours commence. J’invite donc tout le monde à prendre conscience de la gravité de la situation, à lire l’interview du président Zelensky, à suivre le débat politique hongrois autour de cette question. Il y a en Hongrie des forces pro-ukrainiennes et des forces patriotiques, pro-hongroises : la ligne de démarcation est très nette. Il est essentiel que chaque citoyen hongrois exprime son opinion sur ce sujet.
Le vote se terminera environ une semaine avant les sommets des chefs d’État et de gouvernement de l’OTAN, puis de l’Union européenne. Comment le résultat de Voks2025 pourrait-il influencer la position que vous défendrez lors de ces rencontres ?
Lundi, une bataille sérieuse va commencer. La Hongrie va devoir participer à deux semaines d’affrontement diplomatique à l’échelle internationale. Lundi, les ministres des Affaires étrangères des États membres de l’Union européenne se réuniront pour discuter d’une proposition de la Commission européenne. Cette proposition vise à interdire à tout pays membre l’achat de pétrole, de gaz et de combustible nucléaire en provenance de Russie. Si elle passe, cette décision tuerait littéralement l’économie hongroise. Cela ferait grimper les prix de l’énergie, deux, trois, voire quatre fois plus qu’aujourd’hui. Et cela, alors que nous avons réussi à protéger les familles contre l’envolée des prix de l’énergie pendant les deux ou trois dernières années, même en pleine guerre. Mais cette fois, le fardeau serait tel que je ne vois tout simplement pas comment nous pourrions le compenser. Il ne s’agit donc pas de chercher à réparer les conséquences d’une mauvaise décision : il faut empêcher que cette mauvaise décision soit prise. C’est notre seule chance de défendre les baisses de charges, de préserver le budget des ménages, de protéger les familles et leur pouvoir d’achat. Le ministre Szijjártó entamera cette bataille dès lundi, elle durera toute la semaine, et la semaine suivante, ce sera à moi, en tant que Premier ministre, de conclure le combat qu’il aura entamé.
Puisque vous parlez du bouclier tarifaire, cette semaine a également été publiée la liste des « recommandations spécifiques par pays » adressées à la Hongrie, dans laquelle la Commission demande, entre autres, la suppression du bouclier énergétique, mais aussi la fin du plafonnement des prix, des aides aux familles ou encore du gel des taux d’intérêt. Le gouvernement compte-t-il suivre ces recommandations ?
Il n’en est pas question. Si nous faisions ce que Bruxelles nous demande, la moitié des familles hongroises seraient ruinées. Les exigences de Bruxelles sont loin d’être insignifiantes. Par ailleurs, ce n’est pas la première fois que nous devons livrer ce genre de bataille. Par exemple, Bruxelles demande la suppression du plafonnement des taux d’intérêt. Or, ces plafonds protègent aujourd’hui 300 000 familles hongroises qui remboursent des prêts hypothécaires dont les taux ont explosé. Si nous supprimions ce bouclier, une grande partie de ces familles tomberait dans la précarité. Bruxelles exige aussi la fin des limitations de marges commerciales. Je comprends que cela dérange les grandes chaînes de distribution internationales, car leurs profits sont moindres. Mais grâce à cette mesure, les Hongrois paient moins cher en magasin. Et même dans ces conditions, nous payons encore bien trop, injustement. Sans cette mesure, ce serait pire encore. La vraie question, c’est : allons-nous écouter Bruxelles, ou le gouvernement va-t-il continuer à protéger les citoyens contre des factures impossibles à payer ? C’est la même chose pour les aides au logement. En Hongrie, nous avons mis en place un système d’aides qui touche des dizaines de milliers de personnes. Bruxelles considère ce dispositif comme trop généreux, mal ciblé, et perturbateur pour le marché immobilier, car il permettrait aux gens d’acheter des logements à des prix plus accessibles que si l’État n’intervenait pas. Ils critiquent aussi notre modèle de société fondé sur le travail, estimant qu’il y aurait plus d’arguments en faveur d’une économie fondée sur les aides sociales. Et ils trouvent que notre politique énergétique est inefficace. Selon eux, trop de gens bénéficient des baisses de tarifs. Le rapport en question, que je reçois chaque année, regorge de ce genre de recommandations. C’est ce qu’ils appellent les « recommandations spécifiques par pays », et ensuite, Bruxelles tente de les imposer aux États membres. Mais je ne suis pas en conflit avec Bruxelles par goût du conflit ou par esprit de contradiction. Je suis l’un des partenaires les plus coopératifs qu’ils puissent avoir. Nous sommes coopératifs au point d’en friser la docilité. Je dois tout simplement défendre les intérêts du peuple hongrois. Quand je lis de tels documents, il n’y a qu’une seule chose à faire : les refermer et dire « merci, mais non merci ». Tout cela ne regarde que les Hongrois. Bruxelles n’a ni mandat, ni compétence pour s’en mêler. Je considère ces recommandations comme une simple opinion. Et pendant ce temps, la Hongrie suit sa propre voie, en s’efforçant de protéger les emplois et les budgets des familles.
Mais quel pourrait être, selon vous, l’objectif de Bruxelles avec toutes ces mesures et ces demandes ?
Si je mets tout cela bout à bout, cela revient à dire une chose : permettre aux entreprises européennes qui opèrent en Hongrie de rapatrier davantage d’argent. C’est de cela qu’il s’agit, tout simplement. Ils nous demandent de supprimer les taxes sur les multinationales, sur les banques. Le fond du problème, c’est qu’ils n’arrivent pas à sortir autant d’argent du pays qu’ils le voudraient. Mais la vie est ainsi faite : il y a aussi des autochtones ici, et ce pays est quand même le nôtre.
Un autre sujet européen : cette semaine, lundi, les Patriotes ont tenu un grand rassemblement en France. Leur objectif, en résumé, est de changer la politique actuelle de Bruxelles. Selon vous, quel est le mal profond de l’Union européenne ? Qu’est-ce qui devrait être changé ?
Le problème fondamental est que la bureaucratie est devenue incontrôlable au sein de l’Union européenne. C’est pourquoi je parle rarement de l’Union européenne elle-même, je préfère parler des bureaucrates de Bruxelles. Ils sont plus de 30 000 à y travailler. Et comme les dirigeants politiques des grands États européens se sont affaiblis – la France est en situation instable, l’Allemagne gouvernée par une coalition confuse née d’élections incertaines, et les Britanniques sont sortis de l’Union –, les chefs d’État sont trop absorbés par leurs problèmes internes pour pouvoir vraiment diriger l’Europe. Ils n’ont plus le temps, ni l’énergie, ni la clarté stratégique pour orienter l’Europe. Et dans ces moments-là, la bureaucratie bruxelloise s’emballe. C’est une sorte d’empire, avec une capitale impériale. Nous avons déjà vu cela dans l’histoire hongroise. Ce que je décris porte aujourd’hui des habits bruxellois, mais par le passé, nous avons vu les mêmes mécanismes depuis d’autres cours impériales. Je n’ai pas besoin de tourner autour du pot : nous avons a déjà connu cela depuis Vienne, il y a 150 ans. C’est toujours la même logique : dès que le pouvoir politique vacille, la bureaucratie prend le dessus et agit de sa propre initiative. Et leur objectif est toujours le même : retirer un maximum de compétences aux États membres, les absorber pour eux-mêmes. Comme toute bureaucratie, elle veut tout centraliser. C’est pourquoi une bataille constante est en cours. Les bureaucrates de Bruxelles essaient de s’emparer de compétences qui ne leur appartiennent pas. Par exemple, ils n’ont rien à voir avec les baisses de tarifs énergétiques. Rien à faire non plus avec la manière dont nous élevons nos enfants, avec les questions liées aux écoles ou à la protection des mineurs face aux idéologies LGBTQ. Ils n’ont rien à dire non plus sur les allocations chômage, les réductions d’impôts pour les familles, ou le 13e mois de retraite. Et pourtant, ils n’arrêtent pas de s’en mêler. Ils nous retirent nos prérogatives, élargissent sans cesse le champ des décisions qu’ils veulent prendre eux-mêmes à Bruxelles. Et à la fin, nous nous retrouvons dans une situation où ce sont eux qui veulent décider comment nous devons vivre ici, en Hongrie, dans notre propre pays. Mais ce n’est pas pour cela que nous les avons créés. L’Union européenne existe pour coordonner et harmoniser le travail des États membres, pas pour s’asseoir sur nos épaules et, d’en haut, nous dire que nous devons accueillir des migrants. C’est d’ailleurs l’un de leurs plus grands griefs envers la Hongrie : ils veulent que nous les laissions entrer, et nous, nous ne les laissons pas entrer. Et cela ne les regarde pas. Le vrai problème, et toute l’Europe le ressent, c’est que les compétences nationales sont progressivement sapées. C’est pour cela que les Patriotes se sont formés. Ce que nous voulons ensemble, Français, Italiens, Hongrois, Polonais, c’est qu’ils nous rendent les compétences qui nous ont été retirées de manière contraire aux traités. Et que Bruxelles cesse de se mêler des affaires qui relèvent de notre souveraineté, ici, en Hongrie. C’est un mouvement paneuropéen : rendre les compétences aux États-nations !
Mais comment peuvent-ils y parvenir, concrètement ? En effet, nous pouvons voir que ces partis ne sont au pouvoir dans quasiment aucun pays, pas même là où ils ont parfois remporté les élections.
En politique, les objectifs ne s’atteignent qu’avec de la force. Et cette force vient de la capacité à convaincre les gens. Un responsable politique n’a rien par lui-même. Un responsable politique, c’est comme un squelette, un corps sans vêtements. Ce sont les gens qui l’habillent, ce sont eux qui lui donnent des muscles. Notre travail, en tant que responsables politiques, c’est de convaincre la population, de consulter les citoyens, puis de représenter la position commune qui en découle. Et si un nombre suffisant de personnes soutient un groupe de dirigeants partageant une même vision, comme les Patriotes, alors ce groupe pourra faire bouger les lignes à Bruxelles. La première étape a été une réussite : nous n’existions pas, et maintenant nous sommes là. La naissance en soi est déjà un grand succès : c’est vrai aussi en politique. Les Patriotes sont nés. Nous sommes sortis du canal de naissance, nous respirons l’air frais, nous donnons des signes de vie. Et nous sommes nés avec un poids conséquent : nous sommes devenus d’emblée la troisième plus grande famille politique d’Europe. Il y a d’ailleurs d’autres familles politiques sœurs, je ne dirais pas qu’on est jumeaux, mais ce ne serait pas une exagération. La Première ministre italienne dirige un mouvement de ce type, tout comme le leader du parti vainqueur des élections aux Pays-Bas. En Allemagne également, ce mouvement est en train de s’organiser. Je vois les deux ou trois prochaines années comme une phase au cours de laquelle, partout en Europe, des gouvernements patriotes – le mot nationaliste est désormais interdit, car devenu péjoratif sans que l’on sache vraiment pourquoi – accéderont au pouvoir dans tous les grands pays. Une majorité de ce type se dessinera à l’échelle européenne. Et ce ne sera pas une mauvaise chose. C’est bien. Ce n’est pas quelque chose qui se produit par hasard : c’est notre volonté, c’est ce que nous construisons. Et ce sera une bonne chose.
Ramenons cette idée de patriotisme du niveau européen au niveau local. Cette semaine, le Parlement a adopté une loi sur l’identité locale. C’est l’une des promesses du gouvernement pour cette année : renforcer les villages et les petites communes. En quoi cette loi sert-elle cet objectif ? Quel est son but ?
En effet, il faut protéger nos villages. Il y a des zones entières du pays où les villages se vident. Je ne vais pas nommer de départements, mais plusieurs sont concernés. C’est un vrai problème. Il faut aider ceux qui veulent rester vivre là où ils sont nés, pour qu’ils puissent le faire. Personne ne doit se sentir obligé de quitter son village. Bien sûr, chacun est libre de partir, c’est bien de voir le monde, il y a une vie en dehors du village, mais cela ne doit pas être une fuite, un abandon faute de services publics, de travail ou de revenus. Nous devons préserver le village hongrois. C’est un phénomène très spécifique à la Hongrie : peu de pays disposent d’un réseau aussi dense de petites localités. C’est une vraie richesse : c’est ainsi que notre territoire est peuplé. Aucun coin du pays ne doit être déserté. C’est pourquoi nous les soutenons, avec des mesures très simples. Nous aidons les petits commerces, les bistrots, nous rénovons les cimetières, les églises, nous essayons de maintenir les écoles ouvertes, et ainsi de suite. Le gouvernement hongrois a lancé une expérience intéressante avec les municipalités, et nous remercions le Parlement de l’avoir soutenue. Un phénomène apparaît : certains villages deviennent des villes, sans que leurs habitants le souhaitent vraiment. C’est le problème des arrivants, que l’on appelle dans nos villages des gyüttmentek (des personnes venues d’ailleurs). Dans les zones proches des grandes villes, de nombreuses familles s’installent en masse, modifiant radicalement la vie locale. J’ai visité beaucoup de villages où les habitants nous ont expressément demandé de leur fournir un outil pour se protéger de cette évolution. Nous ne voulons pas nous ingérer dans leurs décisions, chaque commune doit pouvoir décider par elle-même si elle veut se protéger, quelle taille elle souhaite atteindre, ce qu’elle veut devenir. Mais leur demande est légitime : ils veulent pouvoir décider de leur avenir, rester maîtres chez eux. Le Parlement vient de leur donner ce droit. Les petites communes et leurs élus ont désormais la possibilité de préserver le caractère originel de leur localité, s’ils le souhaitent.
J’ai interrogé le Premier ministre Viktor Orbán sur le débat autour de l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, les recommandations économiques de la Commission européenne, et les objectifs des Patriotes.
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