Interviews / Entretien avec Viktor Orbán dans l’hebdomadaire « Le Point »
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Entretien avec Viktor Orbán dans l’hebdomadaire « Le Point »

Emmanuel Berretta, Charles Sapin

Tous les regards sont tournés vers vous. Le prochain Conseil européen est l’occasion d’envoyer un signal politique à l’Ukraine en adoptant une aide financière significative et en ouvrant les négociations d’adhésion d’ici le mois de mars. Quelles sont les raisons de votre veto?

Légalement, il ne s’agit pas exactement d’un veto. Disons que je ne contribue pas à prendre ce qui me semble être une mauvaise décision. La conception que je me fais de l’Europe veut que si tout le monde n’est pas d’accord, il n’y a pas de décision. L’Ukraine est en difficulté, elle subit l’invasion russe et nous avons décidé de la soutenir. Il est donc légitime que l’ensemble du Conseil européen envoie de bons signaux à l’Ukraine. J’y suis favorable. Cependant, il existe d’autres types de signaux à envoyer que l’ouverture de négociations pour l’adhésion à l’Union européenne. Nous ne devrions pas faire cela.

Pourquoi?

Pour deux raisons. Premièrement, parce qu’ils ne sont pas prêts à négocier. Deuxièmement, parce que nous, Européens, ne sommes pas prêts à les accepter comme membres à part entière. La Hongrie est un pays voisin de l’Ukraine. Quoi que pensent les gens à Paris, à Bruxelles et à La Haye, nous savons exactement ce qu’il se passe en Ukraine. Le rapport de la Commission européenne attestant que sur sept conditions préalables, quatre seraient déjà remplies, est tout simplement faux. L’Ukraine est connue pour être l’un des pays les plus corrompus du monde. C’est une plaisanterie! Nous ne pouvons donc pas prendre la décision d’entamer un processus de négociation d’adhésion. 

Et la seconde raison?

La seconde raison nous touche plus particulièrement. Je ne sais pas si les Français sont conscients de ce que signifierait économiquement cette adhésion pour la France. Chaque année, il vous faudra verser au budget commun de l’Union plus de 3,5 milliards d’euros supplémentaires. Est-ce accepté ici? Le public en discute-t-il? Abordons la question sous un angle différent. L’Ukraine est un grand pays, avec une agriculture importante. Si vous laissez cette agriculture entrer dans le système agricole européen, elle le détruira le lendemain. Sans transformer notre système de subventions agricoles, nous ne pouvons pas les laisser entrer. Les conséquences seront terribles. Le travail de préparation pour que l’Ukraine puisse devenir membre de l’Union européenne d’une manière bien structurée, apportant davantage que cela ne nous coûterait, n’a pas été fait. Il est donc préférable de ne pas commencer à négocier. Ne répétons pas les mêmes erreurs que nous avons commises avec la Turquie. Ce que je propose est de conclure un traité de partenariat stratégique avec les ukrainiens, comprenant un accord sur divers sujets tels que l’agriculture, les douanes ou la sécurité. Je suis pour élever notre niveau de coopération mais cela ne signifie pas l’adhésion. Lorsque nous parviendrons à vivre ensemble, à rapprocher l’Ukraine de l’Europe, dans plusieurs années, nous verrons alors. J’aimerais convaincre votre président sur ce point.

Vous ne parlez pas de la question de la minorité hongroise en Uklraine?

Les droits de l’homme et les droits des minorités ne peuvent pas faire l’objet de négociations. Elles ne peuvent pas être considérées comme une condition préalable à l’adhésion. Les Ukrainiens doivent les respecter. Non pas parce qu’ils aimeraient adhérer à l’union européenne, mais parce que cela est nécessaire ne serait que pour entretenir des contacts avec l’Europe. S’ils ne le font pas, tôt ou tard, nous devrons ralentir nos relations. Les droits de l’homme, l’État de droit, les droits des minorités sont des principes de base, comme l’a très bien dit votre président il y a quelques années; il s’agit d’une question existentielle.

Resterez-vous totalement inflexible sur cette question de l’adhésion de l’Ukraine? Cela même si la Commission décidait de vous verser 10 milliards € de fonds européens qu’elle a aujourd’hui gelés?

Je ne suis pas naïf. Ma conception de la politique est une combinaison d’idées, de principes et de pragmatisme. Bien sûr, la Hongrie est toujours prête à faire de bons accords, mais nous devons classer correctement les problèmes. Lorsqu’un dilemme se pose, j’ai l’habitude de le ranger selon trois catégories: Historique, stratégique et tactique. La question ukrainienne est une question historique, une question d’ampleur. La question financière est une question tactique. Mon expérience de plus de 40 ans en politique m’a appris qu’il ne faut jamais établir de lien entre des questions techniques telles que l’argent et des défis historiques. Sinon on risque un chaos total. C’est pourquoi je ne souhaite pas conclure d’accord sur la question ukrainienne, mais reste tout à fait prêt à le faire sur d’autres sujets.

Emmanuel Macron a-t-il une chance de vous faire changer d’avis?

Mon idée est d’essayer de le convaincre d’entendre mes arguments. Je suis très intéressé par son opinion sur les raisons qui poussent la France à agir de la sorte. Pourquoi est-il bon pour les Français de commencer à négocier maintenant? J’aimerais lui présenter mes propres idées sur ce qu’il conviendrait de faire au lieu de commencer à négocier. Il est évident que je ne peux pas abandonner ma position. En Hongrie, plus des deux tiers de l’opinion publique hongroise sont opposés à l’ouverture de toute négociation. Le parlement est totalement contre. Les Hongrois n’aimeraient pas que cela se produise. Il appartient aux droits souverains de tous les États membres d’avoir leur propre opinion.

Vous avez toujours soutenu que les sanctions contre la Russie étaient «stupides». Vous avez pourtant voté en faveur de tous les paquets de sanctions. Comment expliquez-vous cette contradiction?

Je n’ai jamais soutenu aucune sanction. À vrai dire, il est difficile de trouver dans l’histoire de l’Europe ne serait-ce qu’un exemple où des sanctions ont permis d’atteindre véritablement le résultat escompté. Il est très rare qu’elles soient utiles. Les sanctions sont, par nature, de mauvaises politiques. Dans le cas présent, nous sommes confrontés à deux problèmes. Le premier est que tant l’élaboration que l’exécution des sanctions sont médiocres, au point de faire parfois plus de mal aux membres de l’Union européennes qu’à la Russie. Deuxièmement, nous sommes trompés. Comment expliquez-vous que d’un côté la Russie fasse l’objet de sanctions, quand de l’autre, les Américains doublent leurs achats de combustibles nucléaires? Lorsque nous parlons de sanctions, d’autres en particulier les États-Unis, les évitent et parviennent à faire de bonnes affaires. Si nous voulons faire quelque chose, nous devons le faire sérieusement. Maintenant, je ne peux pas «opposer mon veto», comme vous le dites, chaque fois. Je dois trouver un juste équilibre. J’empêche uniquement les décisions, les sanctions, qui contreviennent aux intérêts fondamentaux de la Hongrie. Comme celles sur l’énergie. Là, il en est hors de question.

De nombreux États membres vous critiquent pour votre proximité avec Vladimir Poutine. Vous lui avez serré, la main en Chine. Vous sentez-vous plus proche de ses valeurs que de celles de l’Union européenne?

La Russie appartient à une autre forme de civilisation. Il n’y a pas de comparaison possible avec l’Union européenne ou le continent européen qui a pour valeur cardinale la liberté. La liberté est la raison ultime pour laquelle chacun de nous, en Europe, faisons de la politique. Il s’agit d’offrir la plus grande liberté possible aux citoyens. Tel n’est pas le cas en Russie, où le principal enjeu est non la liberté mais de parvenir à maintenir l’unité d’un immense territoire qu’il est presque impossible de maintenir d’un bloc. Il est illusoire de s’attendre à ce que la Russie ressemble à l’Europe. C’est impossible. Historiquement, politiquement, géographiquement, traditionnellement, c’est un pays différent. La question qui importe est de savoir si nos différences sont une raison pour ne pas coopérer. Ma réponse est non. Ne serait-ce parce que la majorité du monde est différente de l’Europe. En suivant cette logique, nous devrions sinon rejeter la coopération avec les deux tiers du globe. Ce n’est pas raisonnable. Je suis favorable à des discussions rationnelles sur la façon dont nous pourrions avoir des relations avec la Russie. Parce qu’elle est là, et qu’elle est forte. Nous avons bien sûr des désaccords entre États membres de l’Union européenne sur ce sujet. Certains dirigeants affirment que ce que l’Union européenne fait actuellement est rationnel et qu’il en résultera quelque chose de positif. D’autres pensent, au contraire, qu’il en résultera surtout un effondrement militaire, financier et politique de l’Ukraine. C’est ma position. Nous devrions avoir un plan B et lancer une nouvelle stratégie.

Lorsque vous regardez les différents conflits contemporains dans le monde, comme l’Arménie, Israël, l’Ukraine, ils donnent tous l’impression d’être un seul et même conflit, Israël, l’Ukraine, ils donnent tous l’impression d’être un seul et même conflit. C’est l’Occident contre le reste du monde. De quel côté êtes-vous?

Je suis né dans un pays communiste. J’ai passé 26 ans de ma vie dans un monde politique et économique organisé selon une logique de blocs: l’Occident d’un côté, l’Union soviétique de l’autre. C’était terrible. Je ne voudrais pas que le monde revienne à cette situation où, au lieu de rechercher des interconnexions et de la coopération à travers le monde, nous nous considérons que le reste du monde est contre nous. La fracturation n’est pas une bonne politique. C’est en réalité une maladie américaine.

Que voulez-vous dire?

Les Américains pensent qu’il existe des valeurs universelles qui doivent être comprises de la même manière partout dans le monde. Je n’aime pas cette approche. Notre expérience est différente. Il existe une base culturelle et c’est sur cette base que les gens peuvent décider du type de valeurs et d’institutions politiques qui leur conviennent. Nous ne pouvons donc pas demander aux non-Occidentaux de se comporter comme nous, d’avoir les mêmes institutions que nous. Il s’agit là d’une approche universaliste américaine qui, à mon avis, ne tient pas la route et crée de nombreux conflits dans le monde. Nous ne devrions donc pas suivre cette voie. Nous sommes des Européens. Nous comprenons la culture. Nous comprenons mieux nos partenaires. Nous ne devrions pas suivre l’approche américaine, mais plutôt discuter de la politique rationnelle de la Chine, du Japon, de l’Inde, de l’Indonésie et de la Russie. C’est pourquoi mon approche ne consiste pas à accepter la situation de blocage, mais plutôt à plaider en faveur de l’«interconnectivité» commerciale.

Vous dites souvent que l’Occident est décadent et que l’influence des gauchistes et des libéraux ainsi que l’immigration de masse affaiblissent le modèle culturel européen. Pensez-vous que la France d’aujourd’hui s’effondre?

Heureusement, ce n’est pas mon rôle de répondre à cette question. Je ne peux pas être un meilleur expert de la politique française qu’Emmanuel Macron, Marine Le Pen, François Fillon ou Nicolas Sarkozy… Vous avez des hommes politiques exceptionnels et ils trouveront une réponse. Ce que je peux répondre à cette question, c’est que nous, les Hongrois, nous ne voudrions pas suivre ce que vous faites. C’est probablement bon pour vous, mais ce ne serait pas bon pour la Hongrie. Par exemple, sur la migration. Si vous pensez qu’accepter les migrants aboutirait à quelque chose d’agréable, à une nouvelle société, à quelque chose de moralement plus élevé que la société traditionnelle, faites-le. C’est votre choix. Mais nous, Hongrois, nous pensons que c’est trop risqué. Il n’y a aucune garantie qu’en laissant entrer les migrants et en mélangeant les cultures, nous obtiendrons finalement quelque chose de meilleure qualité que notre société traditionnelle. C’est trop risqué. Qu’il s’agisse de terrorisme, de sécurité publique, ou des conséquences économiques, nous n’aimerions pas faire partie de cette aventure. Si vous souhaitez le faire, faites-le. Mais ne nous forcez pas à vous suivre. C’est tout ce que je demande.

Quelle lecture faites-vous des dynamiques des différences forces nationalistes à travers le continent? Est-ce que cela peut modifier l’équilibre du futur Parlement européen?

J’y vois deux aspects, l’un historique, l’autre démocratique. Commençons par le deuxième, la démocratie. Nous observons dans de nombreux pays européens une sorte de déficit démocratique. Les gens perçoivent la politique comme quelque chose d’invariant que les mêmes élites mènent avec quelques légères modifications. La voix du peuple n’est ni entendue ni respectée. Les gens ont donc tendance à se tourner vers des forces qui ne font pas partie de l’élite. Parce qu’ils espèrent que ces nouvelles personnalités prendront au sérieux la voix du peuple. Ce problème démocratique est présent dans de nombreux pays. Cette approche hégémonique de l’élite sur l’opinion publique est rejetée par de nombreuses personnes. Elles aimeraient parler différemment, avec des idées différentes. Même elles utilisent des mots différents sur le genre, sur la migration, sur l’Union européenne. Or, la perception générale dans de nombreux pays est que cela n’est pas autorisé. On ne les écoute pas. Leur voix est négligée. C’est ce qui donne une chance aux partis qui ne font pas partie de l’élite libérale, si je puis dire, d’être de plus en plus soutenus.

Vous évoquiez un deuxième aspect…

Le deuxième aspect est celui de la souveraineté nationale. Je pense que nous devrions prendre ce concept plus au sérieux en Europe que nous ne l’avons fait jusqu’à présent. En Europe, nous avons deux traditions en matière de souveraineté nationale. D’un côté, une tradition de l’Empire romain, qui est toujours très respectée par la France ou en Allemagne. Cela se traduit par une approche centraliste dans la façon d’organiser la vie politique de notre Union. C’est la tradition romaine. Mais il existe également une autre tradition, car après l’effondrement de l’Empire romain, aucun autre empire n’a été créé. Les États-nations ont été créés par différents types de tribus, comme en Espagne, par exemple, qui est à l’opposé de l’approche impérialiste. Donc, au sein de l’Union européenne, nous retrouvons ces deux dynamiques, l’approche centralisatrice et l’approche souverainiste nationale. Lorsqu’elles sont en équilibre, l’Union européenne fonctionne bien. Mais lorsque l’équilibre est défaillant, des problèmes surviennent. Cet équilibre fonctionnait plutôt bien quand les Britanniques étaient présents au sein de l’UE. Ils équilibraient, avec les pays d’Europe centrale, la tradition romaine de la France et l’Allemagne. Les Britanniques et les Européens centraux n’étaient pas majoritaires mais ils constituaient une minorité de blocage. Avec le Brexit, l’équilibre du système a été rompu.

Et depuis le Brexit?

Dès lors que les Britanniques sont sortis, les pays centralistes ont introduit de nouveaux instruments qu’ils peuvent utiliser contre les pays souverainistes nationaux. Je pense à la procédure sur l’État de droit, ou la conditionnalité budgétaire sur l’Etat de droit. Si les Britanniques étaient encore dans l’Union, ces idées ne seraient même pas évoquées! La minorité de blocage n’aurait jamais laissé cela se produire. Le départ des Britanniques a affaibli l’Europe centrale. Les bureaucrates de Bruxelles comme on dit, et les pays qui suivent la tradition de l’Empire romain, veulent nous forcer à accepter un mode de vie plus centraliste. Ce que nous n’aimons pas. Alors, on résiste. C’est l’autre raison pour laquelle les forces souverainistes nationales, parfois extrémistes, se lèvent. Voilà, selon moi, les deux raisons pour lesquelles les partis de droite nationale montent en Europe.

Vous vous battez contre la définition européenne de l’État de droit. Quelle est votre définition de l’État de droit?

Tout d’abord, je veux être clair à ce sujet, le traité de l’Union européenne ne contient aucune définition de l’Etat de droit. L’État de droit est mentionné, mais rien ne le définit exactement. Nous devrions cependant en avoir une interprétation commune. Ce n’est pas ce qui se passe. L’État de droit est devenu un instrument politique entre les mains de ceux qui souhaitent une Union européenne plus centralisée. Ce concept est utilisé contre nous parce que  nous ne sommes pas appréciés. Lorsque la Hongrie, ou le Fidesz, qui est le parti au pouvoir, a quitté le PPE (chrétiens-démocrates, NDLR), ils ont immédiatement instauré la procédure sur l’État de droit. Parce que nous sommes plus dans la structure partisane dominante de l’Union européenne. Nous sommes innocents, mais nous sommes en même temps vulnérables. Et ils nous attaquent. C’est tout. L’État de droit a été érigé comme un instrument à motivation politique. L’État de droit devrait être pris plus au sérieux et ne pas être utilisé comme instrument politique. Si vous lisez la constitution hongroise, vous verrez que parmi les premières mentions, il est dit que la Hongrie est un pays où règne l’État de droit. Et nous devons respecter l’État de droit.

Mais alors comment le définissez-vous? La liberté des médias, l’indépendance de la justice, l’équilibre entre les pouvoirs?

Oui. La séparation et l’équilibre des pouvoirs, la liberté religieuse, la liberté des communautés. Ceci est pleinement respecté dans la constitution hongroise. Ce sont des valeurs conservatrices très traditionnelles, je pense.

Vous dites que le problème a commencé lorsque le Fidesz a quitté le groupe PPE au sein du Parlement européen. Selon nos informations, votre parti le Fidesz s’apprête à rejoindre le groupe des Conservateurs et réformistes européens (ECR). Est-ce correct?

C’est vrai que des négociations sont en cours. Nous respectons beaucoup le Premier ministre italien (Giorgia Meloni, NDLR), qui est à la tête de l’ECR. Nous respectons la Pologne, qui est l’autre grand parti de l’ECR. Nous serions heureux de rejoindre l’ECR. La question est celle du bon moment: avant ou après les élections européennes? C’est une question très pragmatique.

Quelle est votre préférence?

Comme nous voulons les rejoindre, nous ne souhaitons pas leur causer de désagréments. Donc, s’ils pensent que le plus tôt est le mieux, tant mieux. S’ils préfèrent que ce soit après les élections, nous sommes prêts à l’accepter. Le seul problème est qu’il existe une autre faction au Parlement européen qui regroupe de nombreux partis qui nous sont proches. Il s’agit du groupe ID (Identité et démocratie) dont Marine Le Pen fait partie. Elle est aussi proche de nous. Il est assez regrettable que ces deux blocs, ID et ECR, n’aient pas réussi jusqu’à présent à trouver le moyen de coopérer. Nous verrons probablement après les élections européennes, comment ces partis, appartenant à l’un ou à l’autre groupe, sortent des urnes. Et puis nous réfléchirons à un moyen de coopérer. Parce que si les partis politiques de droite non traditionnels ne sont pas prêts à coopérer, nous n’aurons jamais de majorité.

Vous venez de dire que vous êtes proche de Mme Meloni. Mais pourquoi ne voulez-vous pas l’aider à gérer les migrants qui arrivent en Italie? Pourquoi refusez-vous la réforme de l’asile et des migrations? Ce faisant, vous pourriez l’aider.

J’essaie d’être aussi utile que possible. Mais la voie que nous suivons concernant le nouveau pacte migratoire est tout simplement une mauvaise voie. J’ai acquis une certaine expertise sur les questions de migration. Je suis le seul à avoir construit une clôture. Nous avons arrêté les migrants. En Hongrie, il n’y a aucun migrant, et j’en suis fier. Parfois, quelques-uns réussissent à passer mais, tôt ou tard, nous les repoussons.

Il existe une certaine controverse avec les Slovaques et les Autrichiens à ce propos… Eux voient arriver des migrants de Hongrie.

Ce n’est pas facile de tout bloquer, disons, sur une frontière longue de trois ou quatre cents kilomètres, même s’il s’agit d’une clôture hermétiquement fermée. Vous savez, c’est une lutte constante… Notre objectif est très simple: que personne ne puisse pénétrer sur le territoire hongrois sans l’autorisation des Hongrois. Cet objectif devrait être suivi par tous les Européens! Et cependant, nous ne le faisons pas. Donc j’aimerais soutenir Mme Meloni et les autres dirigeants. La réglementation hongroise stipule que si quelqu’un souhaite se rendre en Hongrie, il doit remettre ses papiers aux autorités hongroises, mais attendre hors de Hongrie. En Serbie, par exemple. Et quand il aura obtenu une réponse positive, il pourra entrer. C’est la seule bonne solution à la migration. Cette réforme de l’asile qui est discutée en Europe est peut-être meilleure que la précédente, mais ce n’est pas une solution. La solution ultime est que personne ne puisse entrer sur le territoire européen sans obtenir l’autorisation d’une autorité basée sur une procédure. Les migrants doivent attendre dehors. Sinon, cela ne fonctionnera pas. C’est mon expérience personnelle. Ce n’est pas de la théorie. Je me bats contre la migration depuis plus de huit ans, et je sais que c’est le seul moyen. Si vous laissez entrer les migrants, vous ne pourrez jamais les expulser quel que soit le raffinement juridique que vous utilisez comme la “fiction de la non entrée dans l’UE” qui est dans la réforme. Cela n’a pas d’importance, car vous avez des êtres de chair et de sang, de vraies personnes, qui seront entrées et vous ne pourrez pas les renvoyer. Ils représenteront leur propre culture, leur propre compréhension de la société, leurs propres valeurs. Ils ne se comporteront pas comme les intellectuels voudraient qu’ils se comportent.

Si Mme Meloni vous appelle et vous dit: «Pourriez-vous me prêter un avion? J’aimerais renvoyer des migrants en Afrique.” Vous l’aiderez?

Je l’ai proposé des centaines de fois.

Mais dans ce cas vous appliquez déjà la réforme européenne de l’asile! Car c’est une possibilité dans la réforme.

Le problème de la réforme, c’est qu’il y a deux autres points. Le premier est que si la Commission déclare que nous sommes en situation de crise migratoire, elle peut répartir les migrants en Hongrie. C’est ce qu’on appelle la clause de sécurité. Le deuxième point, c’est que je dois payer si je n’accepte pas d’accueillir ces migrants.

Il y a une troisième possibilité: l’aide en nature à l’Etat submergé par les flux migratoires dont nous venons de parler avec l’avion prêté à Mme Meloni…

Bon, d’accord, je suis même prêt à accepter de payer si l’Union européenne prend au moins 30 % de mes dépenses concernant la défense de la frontière, vous savez. Parce que je dépense plus de 2 milliards d’euros pour défendre la frontière, avec les soldats, les clôtures, et je n’ai rien. Si Bruxelles prend en considération ma contribution en tant que défenseur de la frontière, alors nous pouvons gérer ce point.

Ce serait une bonne négociation…

Absolument. Je suis très positif à ce sujet.

Dans six mois, nous aurons des élections très importantes, les élections européennes. Pensez-vous que nous sommes à la veille d’un tournant pour l’Union européenne, qu’il puisse y avoir une majorité nationaliste?

Nous avons de bonnes chances de gagner car les objectifs fondamentaux de la création de l’Union européenne ne sont pas suivis par l’élite, l’élite libérale, comme je l’ai dit, l’élite dominante, les bureaucrates de Bruxelles. L’Union européenne, c’est la promesse de la paix, et du bien-être par un niveau de vie plus élevé. Désormais, nous n’avons ni la paix ni l’amélioration du bien-être. C’est donc le bon moment pour les partis qui ne font pas partie du courant dominant de dire: “merci, les gars, mais c’est à nous, les nouveaux arrivants, de prendre le pouvoir et de diriger l’UE pour restaurer la paix, restaurer la sécurité et améliorer le bien-être.” C’est le bon moment pour les partis de droite non traditionnels. Nous devons faire le travail. L’occasion se présente. Je pense donc qu’il est raisonnable d’espérer qu’il y aura un changement après les élections pour les nouveaux arrivants.

Les chars russes étaient à Budapest en 1956. Ne craignez-vous pas qu’un jour l’histoire se répète? Comme vous le savez, Donald Trump souhaite la mort de l’OTAN. Ne pensez-vous pas que la situation semble également risquée pour la Hongrie?

L’OTAN est une bonne chose et nous en avons besoin. Nous sommes aujourd’hui dans une position sûre, car l’OTAN est bien plus forte que la Russie. La Russie n’a même pas réussi à vaincre les Ukrainiens. L’OTAN est donc primordiale. Mais nous courons le risque que les Américains quittent l’Europe. Nous, Européens, devrions prendre la responsabilité de nous défendre. Je suis donc le plus fervent partisan d’une augmentation des dépenses de défense. Dans le cadre d’une industrie militaire européenne commune, vous, Français, devriez jouer un rôle très important afin d’accroître nos capacités militaires et trouver un moyen, sur une base européenne, de coopérer comme nous le faisons au sein de l’OTAN. L’Europe doit être capable de se défendre à partir de ses propres forces. Sinon, nous serons toujours dans l’ombre des Américains. C’est la réalité.

Mais cela prendra des années…

Cela dépend de nous. En Hongrie, nous avons commencé à moderniser l’armée il y a quatre ans et nous parvenons à plus de 2 % du PIB. Nous avons une nouvelle industrie. Nous avons une nouvelle armée. Avec de la volonté, vous pouvez avoir un résultat. Faisons-le! Je suis un fervent partisan d’une politique de défense commune européenne. Je n’aime pas l’approche centralisatrice de l’Union européenne, mais dans le domaine de la sécurité, nous devrions être plus centralisés que nous ne le sommes.

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