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Discours de Viktor Orbán à la Conférence des Présidents des Parlements de l’Union européenne

Bonjour à toutes et à tous !

Excellences, Mesdames et Messieurs, 

C’est avec respect et chaleur que je vous souhaite la bienvenue en Hongrie, et tout particulièrement dans l’enceinte du Parlement hongrois. Je vous remercie de me donner la parole. Ce n’est pas tout à fait immérité. Depuis 1990, je suis membre du Parlement, élu lors des premières élections libres. Entre 1994 et 1998, j’ai présidé la commission parlementaire chargée de l’intégration européenne, et j’ai également été coprésident du comité mixte d’association entre la Hongrie et le Parlement européen. Aujourd’hui, j’ai aussi l’honneur d’être le doyen du Conseil européen. Mais ce qui est encore plus passionnant, c’est que j’ai passé seize années en tant que chef de l’opposition. Je connais donc les deux facettes de la politique parlementaire. Merci pour votre invitation. La Conférence des Présidents des Parlements de l’Union européenne est le plus haut forum de coopération entre les parlements nationaux. Sa mission est sérieuse : définir les objectifs stratégiques de cette coopération. Notre ancienne chambre haute offre, à mon sens, un cadre idéal pour une telle rencontre. En Hongrie, la chambre basse a toujours été le théâtre des affrontements politiques, tandis que la chambre haute, du temps où elle existait encore, était le lieu de la coopération et des débats stratégiques. Aujourd’hui, je vous invite à engager un dialogue autour de deux questions stratégiques majeures, deux questions qui, à mes yeux, façonneront le destin de l’Europe, de ses États membres, et redéfiniront le rôle des parlements nationaux pour les décennies à venir. La première concerne la défense de la souveraineté nationale. La seconde, l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne.

Mesdames et Messieurs,

Nous assistons aujourd’hui à une transformation d’une ampleur comparable à celle qui a vu naître les États-nations modernes, voire au bouleversement géopolitique qu’a représenté la paix de Westphalie. Le monde se reconfigure, la pensée occidentale évolue, et nous, Européens, devons y répondre. Aux États-Unis, un vent nouveau souffle. Le programme politique du libéralisme progressiste a échoué. Il a été remplacé par une politique patriote. Mais ce changement ne relève pas seulement de la politique intérieure américaine : il a des conséquences internationales majeures. Nous ne savons rien de certain sur l’avenir, nul ne le peut, mais nous pensons que ce qui se passe aujourd’hui aux États-Unis n’est pas un accident électoral. C’est le début d’une nouvelle ère. Pendant près de 80 ans, les États-Unis ont été les garants de l’ordre libéral international. Cette époque est révolue. Désormais, ils ont entamé le démantèlement de cet ordre, parce qu’ils ne le jugent plus conforme à leurs intérêts. Pour eux, de l’autre côté de l’océan, le monde d’hier s’est refermé. Dans le même temps, la Chine progresse à pas de géant. Désormais, elle ne rivalise plus seulement par ses capacités industrielles, mais aussi par le niveau de sa technologie. L’Inde, elle aussi, est prête à faire son entrée sur la scène mondiale. Le pays le plus peuplé du monde est désormais une puissance, non seulement démographique, mais aussi économique et technologique. Derrière elle, le plus grand marché de la planète, et tous les atouts pour devenir, à l’image de la Chine, un centre de puissance mondiale. Qu’en est-il de nous, Européens ? L’Europe est mal préparée. C’est comme si nous tentions de résoudre les problèmes de la prochaine décennie avec les réponses de la précédente. Mais les anciennes vérités ne fonctionnent plus. Le monde a changé, et nous, Européens, n’avons pas su suivre. Cela fait quinze ans que je siège au Conseil européen. J’ai vécu personnellement ces années perdues, cette dérive de quinze ans.

Mesdames et Messieurs, si nous avions dirigé la Hongrie comme la Commission a dirigé l’Europe, notre pays serait depuis longtemps en faillite. La stratégie occidentale visant à affaiblir la Russie a échoué. Personne n’ose l’admettre, mais cette guerre, nous l’avons perdue. L’économie russe ne s’est pas effondrée, les sanctions n’ont pas atteint leur objectif, et la Russie a empêché l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. Les Américains l’ont compris, et ils négocient. Nous, Européens, continuons la guerre comme si nous pouvions encore la gagner. J’aimerais me tromper. Mais tout porte à croire que nous finirons seuls, face à une guerre à nos portes, tout en gaspillant notre argent pour une victoire hors de portée. Nous avons abandonné la stratégie économique qui faisait le succès de l’Europe : de l’énergie bon marché, principalement russe, et de la haute technologie, principalement allemande. Cette combinaison rendait notre économie compétitive. Nous l’avons abandonnée. Et nous n’avons pas de stratégie de remplacement. Nous sommes au milieu du vide. L’énergie bon marché a disparu d’Europe. Aujourd’hui, les entreprises américaines et chinoises paient leur énergie trois à quatre fois moins cher que les entreprises européennes. À cause des sanctions, nous n’avons accès qu’à une énergie coûteuse. Et avec le Green Deal en plus, ce tandem sanctions–transition verte est en train de ruiner l’économie européenne. Dans ces conditions, nous ne sommes plus en compétition. Nous sommes en recul. Et ceci n’est plus une hypothèse théorique : c’est la réalité brute de l’économie européenne. Notre économie piétine, et c’est un miracle si elle ne régresse pas. Aujourd’hui, parmi les 50 plus grandes entreprises technologiques au monde, seules 4 sont européennes. La différence de PIB entre l’Union européenne et les États-Unis a doublé en vingt ans, en faveur des Américains. Et si l’on regarde le revenu réel par habitant, il a progressé deux fois plus vite aux États-Unis qu’en Europe depuis 2000. Chacun de ces problèmes est déjà grave en soi. Mais ils se manifestent tous en même temps. Nous avons besoin d’une nouvelle stratégie, et de dirigeants européens forts.

Mesdames et Messieurs,

l’Europe d’aujourd’hui est riche et faible. Et c’est là la combinaison la plus dangereuse. C’est pourquoi, avant toute chose, nous devons renforcer l’Europe. Nous savons ce que signifie une Europe forte : l’histoire nous l’a enseigné. Dans la jungle des débats géopolitiques, une seule chose est certaine : l’Europe est devenue puissante et influente après la paix de Westphalie, avec l’avènement des États-nations. L’âge d’or de l’Europe a commencé avec les États-nations, et c’est cela qui a fait son succès pendant des siècles. Et cela vaut aussi pour les 80 dernières années. Le succès de l’Union européenne s’est reposé sur la force économique et politique des États-nations. L’Union européenne elle-même n’a pu naître et prospérer que grâce à la coopération des États-nations, et surtout grâce à leurs dirigeants issus de démocraties nationales fortes. C’est à partir de là que l’on peut comprendre l’importance des parlements nationaux. En Europe, il n’existe pas d’État-nation fort et prospère sans parlement national fort. Autrement dit, pour résumer clairement : l’Union européenne doit tout aux parlements nationaux. Les parlements nationaux sont le théâtre historique et le laboratoire vivant de la construction de la démocratie et du constitutionnalisme européen. Les fameuses « valeurs européennes », si souvent invoquées à Bruxelles, ont en réalité vu le jour dans les hémicycles, les salles et les couloirs des parlements nationaux. Si l’Union européenne veut réussir, elle doit accorder plus de respect aux parlements nationaux. Les parlements nationaux ne sont pas des créations artificielles issues d’un traité, mais des institutions nées d’un développement organique, de véritables instruments de représentation populaire. Et cela, même à Bruxelles, on ne devrait jamais l’oublier. C’est pourquoi il est si choquant, si arrogant, de voir des bureaucrates jamais élus par personne faire la leçon aux dirigeants des institutions nationales et aux représentants élus du peuple, en matière de démocratie et de valeurs.

Excellences, Mesdames et Messieurs,

Depuis quinze ans, j’observe un phénomène constant : chaque fois que l’Europe est confrontée à une crise, la réponse bruxelloise est toujours la même : plus de pouvoir pour Bruxelles, moins de liberté pour les États-nations. Le centre se renforce, les États membres s’affaiblissent. Et à chaque fois, les problèmes ne se résorbent pas : ils s’aggravent. Crise financière. Migration. Crise énergétique. Guerre. Toujours plus de compétences à l’Union, et toujours plus de crises qui s’approfondissent. Et qu’est-il arrivé à ceux qui ont résisté à la centralisation et à la captation furtive des compétences ? Ceux qui ne chantent pas à l’unisson, ceux qui défendent les cadres de l’État-nation, sont menacés de voir les fonds européens leur être retirés. Si cela ne suffit pas, Bruxelles tente de bloquer les gouvernements nationaux, intervient directement dans les affaires internes, et soutient l’arrivée au pouvoir de partis dociles, prêts à renoncer à la souveraineté nationale. Cela, je vous le dis d’expérience : en Hongrie, ils ont déjà tenté cette manœuvre à deux reprises, en 2018, puis en 2022. Sans succès. Et aujourd’hui, ils essaient une troisième fois. Mais la Hongrie n’est pas seule dans cette situation, d’autres pays sont également concernés. Aujourd’hui, les choses sont allées si loin qu’ils admettent ouvertement ceci : dans le cas de la Hongrie, ils cherchent à affaiblir délibérément notre économie pour remplacer un gouvernement national par un gouvernement fantoche, au service d’intérêts bruxellois.

Chers Amis,

Ce n’est pas pour cela que les pères fondateurs ont créé l’Union européenne. Ce n’est pas ainsi que nous construisons une Europe forte. De cette manière, nous fabriquons une Europe faible. Et pendant ce temps, le scandale des ONG à Bruxelles enfle. Il est désormais établi que la bureaucratie bruxelloise a versé des centaines de millions d’euros d’argent public à des organisations qui étaient les porte-parole et les lobbyistes d’une Europe fédérale. Nous ne pouvons appeler cela autrement : il s’agit d’une tentative de coup de force contre les parlements nationaux. La question est donc la suivante : que peuvent faire les parlements nationaux face au rouleau compresseur supranational de Bruxelles ? Je souhaite attirer votre attention sur la résolution adoptée par l’Assemblée nationale hongroise en juillet 2022. L’Assemblée nationale hongroise a adopté une résolution concernant la position de la Hongrie sur l’avenir de l’Union européenne. Elle y formule les propositions suivantes : supprimer de manière explicite le principe d’une « union toujours plus étroite » des traités européens ; inscrire clairement dans les traités les racines chrétiennes et la culture chrétienne de l’Europe ; garantir la neutralité politique et idéologique de la Commission européenne ; renforcer le principe de subsidiarité ; définir les compétences de l’Union européenne dans un catalogue détaillé.

Mesdames et Messieurs,

Si tous les parlements nationaux le voulaient, ce programme pourrait devenir réalité.

Et enfin, Mesdames et Messieurs, je dois également évoquer une idée, ou plutôt, comme cela dépasse désormais le simple stade de l’idée, une volonté politique clairement affirmée : celle d’accueillir l’Ukraine au sein de l’Union européenne. Je suis bien conscient que, sur ce sujet, nous ne partageons pas tous les mêmes convictions. Nous respectons les positions différentes de la nôtre, nous les observons attentivement, nous cherchons à les intégrer. Ici, je me limiterai à vous présenter la position hongroise. Selon nous, plusieurs Nations européennes souhaitent apporter à l’Ukraine un soutien accru afin qu’elle puisse poursuivre la guerre. Notre approche est différente. À nos yeux, plus ce conflit dure, plus il coûtera de vies humaines, et plus la situation empirera sur le terrain. La poursuite de la guerre, selon nous, n’a pour effet que d’affaiblir davantage la position de l’Europe. Quant à la proposition de la Commission de rendre obligatoire le découplage des énergies fossiles russes en raison de la guerre, nous affirmons clairement que cela signerait l’arrêt de mort de l’économie hongroise. Je ne parle pas ici de l’impact que cela pourrait avoir sur l’économie européenne. Je me contente de constater un fait : si cela devait être mis en œuvre, cela tuerait l’économie hongroise. Imaginez que, du jour au lendemain, le prix de l’énergie double pour les ménages comme pour les entreprises. Les familles hongroises ne pourraient pas le supporter. Bruxelles ne peut pas vouloir ruiner les familles hongroises. C’est aussi pour cela que nous, Hongrois, voulons la paix, et que nous voulons nous libérer au plus vite de la politique des sanctions économiques. L’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne mériterait une conférence à part entière. Pour l’heure, je me bornerai à dire ceci : en tant que pays voisin de l’Ukraine, nous considérons qu’accueillir l’Ukraine, c’est aussi accueillir la guerre. Jamais encore l’Union européenne n’a intégré un pays en guerre, et pour de très bonnes raisons. De plus, nous, Hongrois, estimons que l’adhésion de l’Ukraine représenterait une charge économique insupportable pour les États membres. Je tiens à rappeler à chacun que nous, Hongrois, comme d’ailleurs les autres pays d’Europe centrale, avons été accueillis dans l’Union européenne parce que cela était avantageux pour les membres déjà présents. Ce n’était ni un geste moral, ni une décision fondée sur des considérations sociales, ils nous ont acceptés parce que notre adhésion leur était profitable. C’était un choix fondé sur un calcul précis. Les chiffres sont clairs : avec l’adhésion de l’Europe centrale, tous les anciens États membres ont trouvé leur compte. Mais avec l’Ukraine, il en irait tout autrement. Ce serait une mauvaise affaire. Crise agricole. Chômage. Endettement. Chute du niveau de vie. Pourquoi voudrions-nous accepter cela ? Je vous demande, avec tout le respect qui vous est dû, d’étudier attentivement la position hongroise et de prendre en considération nos arguments.

Mesdames et Messieurs,

Si nous voulons vraiment construire une Europe forte, les parlements nationaux ne doivent pas jouer un rôle secondaire, mais un rôle central. Celui qui renonce à jouer son rôle finit tôt ou tard relégué au rang de simple décor, et l’Histoire poursuit son cours sans lui. Je suis convaincu que nous, élus des parlements nationaux, avons le devoir d’assumer pleinement notre rôle. Et nous, Hongrois, sommes prêts à le faire.

Make Europe Great Again!

Merci de m’avoir écouté.

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