Bonjour, Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi de commencer par adresser mes remerciements à toutes celles et tous ceux qui, jusqu’à ce jour, dernier d’une époque qui s’achève, ont œuvré à la préservation, au fonctionnement et au développement du château Grassalkovich. Bien entendu, l’injection de capital de 40 milliards de forints constitue une aide considérable, on peut même dire qu’elle marque le début d’une nouvelle ère. Mais nous devons aussi garder à l’esprit que, si nous devions recommencer ce travail à partir de zéro, ces 40 milliards ne suffiraient pas. S’ils sont aujourd’hui suffisants, c’est uniquement parce que celles et ceux qui ont assumé la responsabilité de faire vivre ce château au cours des années passées n’ont pas seulement accompli leur tâche, mais, si j’en crois les rapports que j’ai lus, ont parfois travaillé dans des conditions quasi héroïques pour qu’il nous soit possible, en ce jour, d’ouvrir un nouveau chapitre de son histoire. Je tiens donc à exprimer toute ma gratitude, non seulement à celles et ceux qui ont dirigé ces travaux, mais aussi à l’ensemble du personnel. J’ai appris que le château emploie aujourd’hui un peu plus d’une centaine de personnes : qu’il s’agisse du directeur général ou des agents de sécurité, je remercie chacun d’entre vous pour le travail accompli.
M. János Lázár a ouvert cette journée par un regard historique, et il a eu raison de le faire : nous regardons souvent le XIXᵉ siècle avec une certaine nostalgie, car, malgré les difficultés de l’époque, il y eut toujours en Hongrie, et souvent plus d’un, plus de deux, des hommes assez forts et assez fortunés pour faire don de leur richesse au service de la nation.
Mesdames et Messieurs,
Le gouvernement hongrois ne souhaite pas être en reste. Au cours des quinze dernières années, nous avons mené à bien un certain nombre de restaurations que nous avons célébrées séparément à chaque inauguration, mais jamais nous ne les avons encore considérées dans leur ensemble. Or l’occasion d’aujourd’hui se prête justement à cet exercice : faire le point. Il est d’autant plus utile de le faire que, au XXᵉ siècle, au milieu des grandes secousses qui ont bouleversé la Hongrie, nous avons perdu une précieuse capacité : celle de voir de grands donateurs privés, seuls ou en coopération avec l’État, consacrer leurs moyens à la sauvegarde du patrimoine national. Nous avons tout perdu tant de fois ! Deux guerres nous ont meurtris, nous avons dû recommencer sans cesse à zéro, et, pendant de longues décennies, il n’existait plus aucun acteur économique capable, comme autrefois, d’offrir une part de sa fortune à la nation. Et lorsque ces châteaux étaient passés entre les mains de l’État, il ne restait guère de ressources : tout au plus suffisait-on à y loger les soldats soviétiques, qu’ils en fassent bon usage, comme on disait à l’époque… Ainsi, le XXᵉ siècle n’a pas été celui des mécènes dans l’histoire du patrimoine hongrois. Nous nous réjouissons que cette époque soit révolue. L’annonce d’aujourd’hui en est le signe éclatant : la Hongrie retrouve sa force, elle compte à nouveau des citoyens fortunés, des entreprises puissantes capables de mettre leur richesse au service des causes nationales. Nous devons ici remercier tout particulièrement M. Sándor Csányi, qui a accepté de montrer l’exemple par ce don généreux de 20 milliards de forints, initiative à laquelle le gouvernement s’est associé.
Si l’on parcourt rapidement la liste des édifices historiques restaurés, et même dans le temps limité qui nous est imparti, il faut en citer quelques-uns, voici ce que l’on constate : Quartier du Palais royal de Buda, Citadelle, Visegrád: 638 milliards de forints. Édifices religieux : la basilique de la Très-Sainte Vierge à Győr, la basilique et le palais archiépiscopal d’Eger, l’abbaye prémontrée de Gödöllő, je félicite tout spécialement M. le Député et remercie M. le Ministre pour le travail accompli à Gödöllő, l’abbaye bénédictine de Tihany, la basilique de la Très-Sainte Vierge à Esztergom, l’archidiocèse de Veszprém, l’église réformée de la place Kálvin à Budapest, l’église Saint-Michel de Cluj, la synagogue de Subotica, l’Académie de musique, l’Opéra, et divers programmes au-delà des frontières. Ajoutons à cela le programme d’architecture populaire, car la vie n’a pas seulement un sommet, elle a aussi une base ; elle ne se joue pas qu’en haut, mais aussi en bas. Il n’y a pas que des aristocrates : il y a aussi, dans le monde hongrois d’aujourd’hui encore, des éléments populaires, et c’est une bonne chose, une richesse à ne pas oublier. L’un de nos programmes les plus réussis est précisément celui du soutien à l’architecture vernaculaire, dont je suis personnellement fier. Parmi les restaurations : le château de Bonchida, le château Bethlen de Keresd, le château Kálnoky de Sepsikőröspatak, et bien d’autres encore que je ne cite pas.
Je veux simplement ajouter que nous devons également remercier les municipalités, car, en puisant dans leurs propres ressources, et avec l’aide des entrepreneurs locaux, elles ont réuni quelque 66 milliards de forints au cours des quinze dernières années pour la protection du patrimoine architectural. Enfin, l’initiative de János Lázár, connue sous le nom de « loi sur les châteaux », mérite une reconnaissance toute particulière. Nous estimons que, grâce à cette initiative, les crédits consacrés à la protection du patrimoine historique augmenteront de 82 milliards de forints. Le ministère dirigé par János Lázár a également élaboré le premier programme-cadre d’investissements publics de l’État hongrois à horizon de trente-cinq ans. Je souhaite vous en informer : ce programme prévoit la restauration de quarante-huit édifices, châteaux, manoirs ou demeures de caractère, pour un montant total de 162 milliards de forints.
Mesdames et Messieurs,
La rénovation dont nous parlons aujourd’hui ne concernera pas seulement le bâtiment historique, mais aussi le parc qui l’entoure. Si je lis bien les documents présentés au gouvernement, il viendra un moment où nous pourrons admirer le château et ses jardins tels que la reine Sissi les voyait en 1867. J’espère qu’à ce moment-là, vous trouverez une bonne raison de m’inviter à nouveau ici. Je vous le dis dès maintenant : je suis à votre disposition, et je me ferai un plaisir d’inscrire la date dans mon agenda !
Mesdames et Messieurs,
La Hongrie est un pays millénaire. Les bâtiments des époques passées nous rappellent que le peuple hongrois est un peuple créateur ; ils nous rappellent aussi que chaque génération qui compose, à un moment donné, la nation hongroise active, ne peut être digne de son histoire que si elle préserve cette histoire, si elle garde vivant le passé. Nous connaissons tous ce sentiment d’abattement et de tristesse que nous éprouvons lorsque nous voyons nos anciens édifices à l’abandon. Nous avons alors le sentiment d’être devenus indignes de l’héritage de nos ancêtres. C’est une sensation pénible : nous nous sentons moindres qu’eux, affaiblis, amoindris, comme si nous étions moins grands, moins significatifs que ceux qui nous ont précédés. C’est un sentiment inquiétant, difficile à supporter. Ainsi, la restauration de ce vaste ensemble de monuments n’exprime pas seulement la volonté du gouvernement hongrois ; elle répond, j’en suis convaincu, à un instinct profondément enraciné dans l’âme du peuple. Car il n’existe aucune génération qui veuille être inférieure à celles qui l’ont précédée. Et si nous n’étions même plus capables de préserver les édifices du passé, alors, à l’évidence, nous perdrions cette comparaison.
Mesdames et Messieurs,
En arrivant, j’ai eu un échange avec M. le Président Csányi sur ce qui allait se passer ici ; en effet, les restaurations de châteaux comportent, à côté de leurs aspects positifs, des expériences parfois moins heureuses, mais toujours instructives. Certes, on finit par corriger les erreurs, et tout se termine bien, mais le chemin peut être long jusque-là. Nous avons connu plusieurs restaurations spectaculaires, voire à couper le souffle, d’un point de vue architectural. Mais lorsque l’on regarde ce qui s’y passe ensuite, on a parfois l’impression que l’histoire n’a pas été pensée jusqu’au bout. Car restaurer les murs ne suffit pas : il faut aussi se préoccuper de la vie qui doit s’y dérouler, du programme, de la fonction, bref, de la continuité de l’esprit du lieu, qui ne devrait jamais s’interrompre. Dans l’ensemble, je peux dire que nos châteaux et forteresses ont accueilli 2,5 millions de visiteurs l’an dernier. Cela montre bien que nos concitoyens ont le désir de se réapproprier ces bâtiments historiques, de les visiter, de les faire vivre. Puisque nous avons ici quelques banquiers parmi nous, il faut parler non seulement d’esthétique, mais aussi de forints. Ces 2,5 millions de visiteurs ont tout de même généré environ 2,5 milliards de forints de recettes, ce qui commence à avoir belle allure. On voit bien que, lorsque ces édifices sont bien gérés, ils peuvent produire des revenus, et ne sont pas seulement une charge.
Permettez-moi une vieille histoire, pardonnez-moi si je vous ennuie si tôt le matin. Elle vient de Bavière, où le roi bavarois a fait construire ce château aux tours et aux volutes féeriques, celui-là même qui a inspiré plus tard les films de Disney. D’après les chroniques financières, cette construction avait presque ruiné le royaume de Bavière, et l’on considéra alors ce malheureux souverain comme un extravagant irresponsable. Mais il y a peu de temps, une étude a recensé les investissements publics les plus rentables de l’histoire allemande, et, que voulez-vous, il s’est avéré que le roi Louis, c’était bien son nom, avait finalement eu raison. Car, sur le long terme, plus d’un siècle après, aucun projet n’a rapporté autant à la caisse publique que ce château.
Mesdames et Messieurs,
Il ne faut pas s’effrayer de l’ordre de grandeur : chacun peut avoir d’excellentes idées sur la façon d’employer 40 milliards de forints. Dans un pays à l’histoire comme la nôtre, les bonnes propositions ne manquent jamais, mais il ne faut pas non plus céder à la panique : il existe des dépenses courantes plus urgentes. Pourtant, au regard de l’Histoire et des perspectives de long terme, si nous faisons les choses correctement, ces forints ne sont pas un luxe ni une dépense gaspillée : au-delà de la sauvegarde du patrimoine national, ce sont des investissements pertinents et économiquement raisonnables. En outre, pour le cas du château Grassalkovich, les atouts de Gödöllő ont joué en notre faveur : la ville est à une demi-heure de Budapest, le site est splendide, le patrimoine architectural est riche, et l’un des meilleurs établissements universitaires du pays y fonctionne, la Université hongroise des sciences agricoles et de la vie, que M. Sándor Csányi juge la meilleure (ce débat restera pour un autre jour). Cette université figure parmi les 150 premières au monde dans les sciences de la vie. Ce n’était pas toujours le cas, le Président l’a rappelé, et la progression de l’université de Gödöllő sur l’échelle internationale est l’un des signes du succès stratégique de la réforme de nos universités. Et entre nous, 150, ce n’est pas mal, mais pourquoi pas le top 10 ? Nous en reparlerons, M. le Président. Les circonstances ont donc coïncidé heureusement : la fondation qui soutient cette université est présidée par Sándor Csányi lui-même.
Nous avons tenté de tirer le meilleur parti de ces atouts : et nous y sommes parvenus. À vrai dire, je devrais plutôt dire que c’est à János Lázár que nous le devons : c’est lui qui a monté ce dossier, qui l’a rapiécé, assemblé, imaginé et mené à bien. Rappelez-vous que la Hongrie est, pour plaisanter, « le pays des joueurs d’ulti » : dès qu’une bonne idée naît, deux joueurs s’unissent souvent pour essayer de la gâcher. Dans ce cas, cela n’a pas été différent, mais lorsqu’on dispose de bonnes cartes et qu’on sait les combiner, on peut aussi, seul, surmonter une résistance double. János, merci beaucoup pour ce travail, bravo pour cette solution qui est vraiment sans équivalent et qui ouvre sans doute un nouveau chapitre dans l’histoire de la protection du patrimoine en Hongrie.
Il faut aussi rappeler, Mesdames et Messieurs, que nous ne partons pas de zéro. Certaines ailes du château avaient déjà été rénovées lors de la présidence hongroise du Conseil de l’Union européenne en 2011, c’est là que nous avons tenu des sessions du Conseil européen ; à l’époque, notre objectif était seulement de nous montrer dignes en Europe. Aujourd’hui, nos ambitions sont bien supérieures : nous voulons occuper la place qui nous revient ; et à Bruxelles, on sait à peu près quelle place cela doit être. Après tout, la marque de fabrique du gouvernement actuel, de cette politique, c’est qu’on ne peut pas soutenir les visées impériales bruxelloises quand elles s’opposent à la souveraineté nationale. Nous ne soutiendrons les initiatives bruxelloises que tant qu’elles ne contreviennent pas à la souveraineté hongroise et à nos objectifs nationaux.
Mais ce n’est pas seulement la Hongrie qui a changé depuis 2011 : l’Europe a beaucoup changé elle aussi. Je me souviens qu’en 2011, lorsque nous avons pris la présidence, l’Union européenne apparaissait confiante et sur une trajectoire de reprise après la crise financière. Le continent vivait dans la paix ; de grands États étaient dirigés par des personnalités faisant autorité : Mme Merkel pour l’Allemagne, M. Berlusconi alors en Italie, M. Sarkozy en France. Aujourd’hui, au lieu de paix, c’est la guerre ; au lieu de croissance, on vit des ralentissements économiques : la situation politique européenne est bien plus difficile qu’en 2011. Mais n’assombrissons pas une journée aussi belle et prometteuse. Retenons simplement ceci : l’intérêt des Hongrois, aujourd’hui, c’est de préserver la paix, et de ne pas envoyer l’argent des Hongrois en Ukraine, mais de le dépenser pour les Hongrois.
Mesdames et Messieurs,
Nous sommes nombreux à espérer que notre XXIᵉ siècle sera différent du précédent. Un signe encourageant, c’est que notre pays est de nouveau capable de donner à la nation de grands mécènes : nous avons de grands donateurs privés et de grandes entreprises nationales qui, au-delà du profit, comme nous venons de l’entendre, considèrent comme leur devoir de soutenir la communauté au sein de laquelle elles créent ces richesses. Elles sont prêtes, en plus de s’acquitter de leurs impôts, ce qu’il ne faut évidemment pas oublier, Sándor, même avec vingt milliards par-ci, vingt milliards par-là, à redonner à la communauté, sur leurs propres fonds, pour des causes d’intérêt collectif. Et souvent, leur contribution ne se limite pas à la force matérielle : elle apporte aussi un renfort moral.
Je crois qu’il est difficile d’imaginer Gödöllő sans le château Grassalkovich. Pour moi, cet argent qui arrive ici ne bénéficiera pas seulement au château, mais à toute la ville de Gödöllő. J’en suis convaincu, cher M. le maire Gémesi, que je salue respectueusement : si j’ai bien compris l’esprit du lieu, il est tout aussi difficile pour les habitants de Gödöllő d’imaginer leur ville sans ce château, dont l’état est, en quelque sorte, le miroir de tout ce qui entoure et façonne leur vie. Et lorsque ce qui les entoure est en ordre, j’en suis sûr, ils peuvent plus aisément ordonner leur propre existence à leur avantage. J’espère donc que ce projet servira aussi le bien de Gödöllő. Ce n’est pas une entreprise de courte durée : si je lis bien le programme, les travaux s’étendront sur neuf ans. Nous nous engageons donc aujourd’hui sur un long chemin, pour n’arriver à destination que dans neuf ans. J’espère vivement que d’autres suivront cet exemple, et que le château Grassalkovich et Gödöllő ne resteront pas le seul grand projet patrimonial d’envergure réalisé grâce à un mécénat exemplaire.
Encore une fois, je veux exprimer ma gratitude, au nom du gouvernement hongrois et au nom de tous les Hongrois absents aujourd’hui, à ceux qui offrent ces fonds, merci d’avoir choisi ce but. Merci aussi aux agents de l’administration publique qui ont organisé ce travail, merci aux habitants de Gödöllő pour leur coopération, merci à tous ceux qui ont œuvré ici jusqu’à présent et qui ont permis d’amener le château jusqu’à ce jour. Je souhaite plein succès et une bonne santé à ceux qui auront désormais la charge de son avenir.
Je vous remercie de m’avoir écouté. Allez la Hongrie, allez Gödöllő ! Allez, Grassalkovich !
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