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Déclaration de Viktor Orbán à la chaîne YouTube Hetek, à bord du vol Budapest–Washington

Máté Kulifai : Selon certaines informations, Volodymyr Zelensky vous aurait mentionné personnellement à plusieurs reprises lors de ses entretiens avec Donald Trump. Par exemple, lorsque les dirigeants de l’Union européenne étaient réunis à la Maison-Blanche, on a entendu dire que la Hongrie avait été épinglée à propos du blocage de l’adhésion de l’Ukraine à l’UE, et que le président Trump vous aurait appelé depuis la Maison-Blanche, information qui a ensuite été démentie. Et lors d’une Assemblée générale de l’ONU, il a publiquement déclaré qu’il fallait exercer une pression sur la Hongrie à cause de l’achat de ressources énergétiques russes. À ce moment-là, vous aviez effectivement reçu un appel du président américain, si je me souviens bien, vous aviez raconté que vous étiez dans votre cuisine. Dans quelle mesure cette pression ciblée affecte-t-elle, ou complique-t-elle, votre relation avec le président américain ?

Je n’y vois rien de personnel. Il est vrai que le président ukrainien critique, pour rester poli, la Hongrie et moi-même à toutes les tribunes possibles. Mais je ne le prends pas comme une affaire personnelle. Il a son opinion sur moi, j’ai la mienne sur lui, il n’est pas nécessaire d’échanger nos impressions. Lui dirige un pays nommé Ukraine, et moi je suis responsable de l’avenir d’un pays nommé Hongrie. C’est pourquoi je ne considère rien comme personnel, même lorsque des remarques ad hominem surgissent. Je ne pars que des intérêts nationaux hongrois, et je considère l’Ukrainien comme quelqu’un qui représente les intérêts nationaux ukrainiens. Parfois, ces intérêts coïncident ; parfois, ils ne coïncident pas. Et lorsqu’ils ne coïncident pas, il arrive qu’on puisse tout de même s’entendre, et parfois non. C’est ainsi que fonctionne la vie d’État.

Si j’insiste sur cet appel téléphonique reçu dans votre cuisine, c’est parce que, visiblement, vous aviez déjà expliqué au président américain la situation énergétique de la Hongrie, sa réalité et sa nécessité, et les raisons pour lesquelles nous avons des contrats avec la Russie pour le pétrole et le gaz. Et pourtant, nous allons à Washington comme si nous devions tout recommencer.

Il faut en discuter sans cesse, encore et encore.

Mais pourquoi ?

Parce que les sanctions changent constamment de forme. Un jour on a tel type de sanction, puis un autre, puis un troisième. Par exemple, nous avions obtenu des Américains qu’ils comprennent, et acceptent, que la Hongrie est, comme ils disent, landlocked, enclavée, sans accès à la mer ; et que cela crée une situation complètement différente en matière d’énergie et de sécurité par rapport à un pays disposant d’un port et capable d’importer librement. Mais voilà qu’ils ont introduit un nouveau type de sanction qui n’existait pas auparavant : une sanction non pas générale contre certains produits énergétiques, mais contre des entreprises russes spécifiques. C’est un format inédit. Donc, comme le régime des sanctions change constamment, nous devons sans cesse nous adapter et parer les conséquences inacceptables pour la Hongrie de ces nouvelles sanctions. Tant qu’il y aura des régimes de sanctions, la question des sanctions reviendra à toutes les discussions, à chaque fois.

Allez-vous présenter les mêmes arguments au président Trump ? Et les comprendra-t-il de la même façon ?

Oui, mais avec un peu plus d’esprit. Un peu plus d’esprit, oui.

Dans le monde diplomatique, les petits gestes comptent. Lors d’un entretien de ce type, peut-on s’attendre à ce que vous apportiez un cadeau au président Trump ?

On apporte toujours quelque chose. Mais ce n’est pas l’Orient ici, c’est l’Occident. En Orient, les cadeaux ont une grande importance et une tradition bien établie. Dans cette culture essentiellement protestante, c’est moins le cas. Ici, ce n’est qu’une petite attention, les cadeaux n’ont pas de grande signification. Un Hongrois ne se rend jamais nulle part les mains vides.

Que lui offrez-vous cette fois ? Peut-on le savoir ?

Nous avons une belle collection, parce que les Hongrois, lorsqu’ils voient leur dirigeant partir pour un entretien important, ont des idées sur ce qu’il faudrait apporter, et ils envoient des choses. Cette fois encore, des Hongrois m’ont envoyé toutes sortes d’objets en me disant : « Remettez ceci absolument au président américain. » Il y a donc largement de quoi faire, et il existe un protocole bien rôdé pour cela. Mais je ne pense pas qu’à un sixième entretien, car ce sera notre sixième rencontre, ces petits détails aient une grande importance. Ce sera une discussion brutalement honnête. Nous allons nous asseoir, nous nous connaissons depuis mille ans, pas besoin de faire un tour de politesses : nous savons quels sont les cinq sujets sur la table, et il faudra y entrer directement, un par un.

On a vu apparaître dans la presse, et vous-même avez rendu publics certains éléments, des détails concernant ce paquet d’accords qui, espérons-le, sera bientôt conclu. Parmi ceux-ci, il y en a un que plusieurs de nos lecteurs ont accueilli avec scepticisme ou inquiétude : il s’agit du stockage des déchets nucléaires. Est-il vraiment question que les États-Unis stockent leurs déchets nucléaires en Hongrie, ou comment faut-il comprendre cela ?

Oui. C’est exactement l’inverse ! Que ceux qui s’inquiétaient se rassurent : ils peuvent ramener leur tension artérielle à un niveau normal. C’est l’inverse qui va se produire. En Hongrie, lorsque nous faisons fonctionner notre centrale nucléaire, nous consommons le combustible. Et ce combustible usé est un déchet dangereux, car il contient encore des isotopes. Il faut le stocker quelque part. Nous parlons ici du combustible usé de notre propre centrale nucléaire.

Quel serait le rapport avec les Américains ?

Je vais vous l’expliquer dans un instant. La Constitution hongroise interdit absolument l’accueil de déchets étrangers pour stockage rémunéré. C’est donc exclu. Aujourd’hui, nous disposons d’une technologie qui permet d’entreposer ces déchets près de Paks. C’est une technologie ancienne, fiable. Les Américains, en revanche, disposent d’une technologie bien plus avancée : la société Westinghouse a développé un système nettement supérieur au nôtre. Et je vais demander au président américain de nous permettre d’en acheter. Nous souhaitons acquérir leur technologie de stockage, qui est meilleure, plus sûre, et capable d’entreposer les déchets de la centrale sur une surface plus réduite. Cette acquisition renforcerait donc la sécurité de la Hongrie, elle ne la diminuerait absolument pas. Que les auditeurs se rassurent : c’est un accord excellent du point de vue de la sécurité du peuple hongrois.

Concernant le sommet de Budapest, Donald Trump avait évoqué un délai de deux semaines, qui finalement n’a pas été tenu. Plusieurs hypothèses ont circulé : selon vous, quel est le principal point de désaccord qui subsiste actuellement entre Américains et Russes et qui empêche encore la réalisation de ce sommet ?

Nous connaissons ce point, ou ce point et demi, de désaccord. Mais comme nous ne sommes pas partie à cette négociation, je n’ai pas l’autorisation de le rendre public.

Donc ce n’est pas publiquement divulguable. Y a-t-il une chance réelle que ce point de divergence soit résolu ?

Il pourrait l’être à tout moment.

Permettez-moi de poser une autre question de politique intérieure. Il est évident que le gouvernement et le Fidesz disposent de sondages internes concernant la popularité et le soutien électoral. Des déclarations divergentes circulent quant aux chiffres qu’ils montreraient concernant l’opposition, le Parti Tisza et le Fidesz. Vous aviez déjà donné une estimation cet été. Ma question est : avez-vous déjà vu un sondage interne donnant l’avantage au Parti Tisza ? Ou est-il arrivé qu’on vous communique des chiffres inexacts, qui auraient ensuite été démentis ?

Cela n’est jamais arrivé. Depuis 2006 ou 2007, je n’ai vu qu’une seule enquête où la coalition Fidesz–KDNP n’était pas en tête. C’était en 2021, lorsque l’opposition de gauche s’était réunifiée après sa primaire. À ce moment-là, elle était légèrement devant nous. Depuis, toutes les enquêtes fiables que j’ai vues montrent un avantage solide, mais exigeant, pour le parti gouvernemental.

Vous aviez déjà critiqué la mobilisation, lors d’un événement appelé « Club des Combattants », en disant qu’il restait du travail à accomplir pour que le gouvernement ou le Fidesz-KDNP se mobilise davantage. Pourquoi y a-t-il, selon vous, des lacunes importantes dans ce domaine, et que faut-il faire pour les combler ?

Les sondages reflètent cela. Il y a ici des experts qui comprennent cela mieux que moi, mais les données montrent que la disposition à participer aux élections est aujourd’hui nettement plus forte chez les électeurs de l’opposition que chez les électeurs pro-gouvernement. Mais c’est toujours ainsi. L’opposition est toujours dans un état d’excitation politique plus élevé. Cet équilibre se rétablit en fin de campagne. Je ne serais pas heureux que les électeurs pro-gouvernement soient déjà, aujourd’hui, au niveau d’intensité qu’il faudra atteindre dans cinq mois. On ne peut pas conduire une voiture en cinquième vitesse pendant cinq mois d’affilée. Il y a une technique, un savoir-faire. Et nous sommes bien positionnés à ce stade. Ma seule inquiétude est de savoir si nous avons fait tout ce qu’il faut pour obtenir la croissance nécessaire en janvier, février, mars. C’est cela que je dois surveiller. Je rappelle que je suis avant tout le Premier ministre de la Hongrie, même si je suis aussi le président du parti. Je dois mesurer précisément combien de temps je peux consacrer aux questions de campagne, de sondages, ou à l’adversaire politique, et combien je dois consacrer à la gouvernance du pays. L’élection est encore loin. Je dois connaître les enjeux de la campagne, mais la majorité de mon travail reste la gestion gouvernementale. Par exemple : je dois aller à Washington. En décembre, je dois aller à Bruxelles pour négocier. Nous devons organiser un sommet pour la paix en Hongrie. Nous avons adopté plusieurs décisions économiques, des mesures de soutien aux familles, à l’accession au logement, qu’il faut encore intégrer au budget 2026. Donc, mon système nerveux, mon travail, mon attention sont encore davantage accaparés par la gouvernance que par la préparation des élections. L’opposition est dans une autre situation : être dans l’opposition a des avantages et des inconvénients, et l’un des avantages est qu’elle n’a pas besoin de gouverner ; elle peut se consacrer entièrement à la campagne. Nous, nous devons répartir nos forces intelligemment.

Permettez-moi de poser une dernière question sur la campagne. Je n’avais pas eu le temps de la poser lors de notre précédent entretien. J’appartiens à la génération qui a pu voter pour la première fois lorsque vous avez remporté les élections, et depuis quinze ans, le Fidesz gouverne. Comment convaincriez-vous les gens de ma génération qui se demandent : pourquoi ne pas essayer quelque chose de différent ?

Parce que ce qui n’est pas cassé n’a pas besoin d’être réparé.

Merci pour l’entretien !

Avec plaisir !

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