Csongor Gáll : Monsieur le Premier ministre, vous avez plusieurs fois qualifié Donald Trump d’homme d’affaires, et même d’excellent homme d’affaires. Vous arrivez une nouvelle fois à Washington pour une négociation à caractère économique avec la délégation hongroise. Quelle est la proposition du gouvernement hongrois pour que nous sortions de ces discussions en position favorable, et, le cas échéant, obtenions une exemption des sanctions ?
Nous avons une proposition concernant les sanctions : nous demandons tout simplement, sans contrepartie et par simple compréhension, que les États-Unis reconnaissent qu’il n’est pas dans leur intérêt de prendre des décisions qui nous ruineraient. Pour nous, ce n’est pas une affaire commerciale, c’est une question de vie ou de mort. Et un ami ne fait pas du commerce avec une question de vie ou de mort. Donc, à mon sens, ce n’est pas un sujet transactionnel ; il n’y a pas à mettre d’offre en échange. En revanche, nous avons d’autres propositions de coopération, dans lesquelles chacun gagne : les Américains comme nous. En examinant l’ensemble des thèmes de la négociation, on voit qu’elle recèle des avantages substantiels pour les deux parties. Ce sont avant tout des questions économiques. Et naturellement, puisque la paix est aujourd’hui la question la plus importante, et que nous sommes plus proches du front que le président américain, même si ses services de renseignement sont évidemment bien plus vastes que les nôtres, nous disposons d’un certain type d’informations et de certaines analyses qui peuvent être utiles aux États-Unis.
Que pensez-vous du fait que les États-Unis sanctionnent désormais des entreprises et non plus des secteurs entiers ?
Ils doivent avoir leurs raisons. Un politicien y penserait moins spontanément qu’un homme d’affaires. J’ai donc dû élaborer une solution que je présenterai : elle ne demande pas une exemption pour chacune des entreprises sanctionnées, mais la reconnaissance d’un fait simple : la Hongrie doit pouvoir accéder à l’énergie par certaines voies, quels que soient les fournisseurs utilisant ces voies. Je dois obtenir que nos deux pipelines essentiels, l’un venant de l’Est, l’autre du Sud, puissent, quel que soit le pétrole qui y circule, quelle que soit l’entreprise qui l’achemine, parvenir jusqu’en Hongrie sans être affectés par les sanctions américaines. C’est, en substance, ma proposition.
D’après nos informations issues d’entretiens off, le nucléaire pourrait devenir un élément majeur de coopération. Techniquement, le combustible ou la technologie nucléaire américaine peuvent-ils s’intégrer dans le système de Paks ?
Dans le nucléaire, plusieurs sous-questions se posent. Premièrement, la question des sanctions. Nous devons absolument obtenir ce que les Américains appellent une general licence, c’est-à-dire une exemption générale du régime de sanctions américaines pour la centrale nucléaire de Paks. Les chances sont bonnes. C’est plus difficile que pour le gaz ou le pétrole, mais je pense que cela aboutira. Deuxièmement, les États-Unis possèdent une technologie nucléaire, mais il n’existe actuellement aucune coopération technologique nucléaire entre nos deux pays. La question est donc : peut-il y en avoir une, et si oui, laquelle ? Et là, bien sûr, entrent en jeu des intérêts. Ils disposent de combustible nucléaire. Fait intéressant, nous ne voulons plus faire fonctionner Paks uniquement avec du combustible russe : nous voulons aussi utiliser du combustible français et américain. Cela comporte toujours un risque, mais nous avons réussi à le réduire au minimum. Aujourd’hui, nos experts nucléaires affirment qu’il est possible de mettre en place une coopération en matière de combustible avec Westinghouse, une entreprise américaine. Deuxièmement, il existe une technologie dont nous avons besoin : une technologie américaine de stockage du combustible usé. Nous en avons une, mais elle est plus rudimentaire. Nous utilisons un système, mais celui de Westinghouse est supérieur. Donc si les Américains veulent nous fournir du combustible, et si nous leur offrons en retour une ouverture dans ce domaine, eux peuvent nous fournir cette technologie. Nous sommes très proches d’un accord : je pense qu’une intention commune a déjà été établie. En résumé : Westinghouse entrerait dans le domaine du combustible, et en échange nous obtiendrions une technologie permettant un stockage du combustible usé plus moderne que ce que nous faisons aujourd’hui. Voilà comment ce paquet se structure.
Lundi, le prix du carburant sera-t-il plus cher ou moins cher dans les stations-service ?
Si cela ne tient qu’à moi : moins cher.