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Conférence de Viktor Orbán à la XXXIIIème Université libre et Camp d’étudiants de Bálványos

Bonjour à tous !

Chers Participants du Camp, Chers Invités,

La première bonne nouvelle est que cette année, ma venue n’a pas suscité autant d’agitation que l’année dernière. Cette année, Bucarest n’a lancé aucune démarche diplomatique à notre égard, à mon égard, en revanche, j’ai reçu une invitation à une réunion de premiers ministres, qui a eu lieu hier. L’année dernière, lorsque j’ai eu l’occasion de rencontrer le premier ministre roumain, j’ai dit après la rencontre qu’il s’agissait du « début d’une belle amitié », et cette année, à la fin de la réunion, j’ai pu dire « nous faisons des progrès ». Si nous regardons les chiffres, il apparaît que nous sommes en train de battre de nouveaux records dans les relations économiques et commerciales entre les deux pays. La Roumanie est désormais le troisième partenaire économique de la Hongrie. Avec le premier ministre, nous avons discuté entre autres d’une ligne ferroviaire à grande vitesse, une ligne TGV, reliant Budapest et Bucarest et de l’adhésion de la Roumanie à l’espace Schengen. Je me suis engagé à inscrire cette question à l’ordre du jour du Conseil « Justice et affaires intérieures » d’octobre et, si besoin est, de décembre, et à la faire passer si possible.

Mesdames et Messieurs,

Bucarest ne nous a pas tenté de démarche mais Bruxelles oui, afin de ne pas nous laisser nous ennuyer. Les efforts de la mission de paix hongroise ont été condamnés. J’ai essayé d’expliquer, sans succès, qu’il existait un devoir chrétien, que si on voyait quelque chose de mauvais dans le monde, surtout si on voyait quelque chose de très mauvais, et qu’on avait reçu les moyens, c’était un devoir chrétien d’agir sans tergiverser, ni considérer quoi que ce soit. La mission de paix hongroise porte sur ce devoir. Je rappelle que l’Union a un traité fondateur qui contient littéralement la phrase suivante : « L’Union a pour but de promouvoir la paix. » Bruxelles nous reproche de qualifier ce qu’ils font de politique pro-guerre. Ils estiment qu’ils soutiennent la guerre pour préserver la paix. Les Européens centraux, comme nous, pensent immédiatement à Vladimir Ilitch Lénine, qui enseignait que l’État mourrait avec l’avènement du communisme, mais qu’avant de mourir, l’État deviendrait de plus en plus fort. Bruxelles souhaite également instaurer la paix en soutenant constamment la guerre. De même que nous n’avons pas compris la thèse de Lénine lors du séminaire universitaire sur « l’Histoire du mouvement ouvrier », je ne comprends pas les Bruxellois lors des réunions du Conseil européen. Cela étant, Orwell a peut-être raison de dire que dans la novlangue, la paix, c’est la guerre, et la guerre, c’est la paix. Rappelons que, malgré toutes les critiques, depuis le début de notre mission de paix, les ministres de la Défense américain et russe ont échangé, les ministres des Affaires étrangères suisse et russe se sont entretenus, le président Zelensky a enfin appelé le président Trump, et le ministre des Affaires étrangères ukrainien s’est rendu à Pékin. La fermentation a donc commencé. Nous passons lentement mais sûrement d’une politique européenne pro-guerre à une politique pro-paix. C’est nécessaire, puisque le temps joue en faveur de la paix. Ça a déjà fait tilt chez les Ukrainiens, il appartient maintenant aux Européens de revenir à la raison, avant qu’il ne soit trop tard. Trump ante portas. Si l’Europe n’adopte pas une politique de paix dès maintenant, elle devra le faire après la victoire de Trump, en admettant sa défaite, avec un sentiment de honte et en assumant seule la responsabilité de sa politique.

Mais, Mesdames et Messieurs, le sujet de ma conférence d’aujourd’hui n’est pas la mission de paix. Veuillez considérer ce que j’ai dit jusqu’à présent comme une parenthèse. En fait, trois grandes questions se posent aujourd’hui à ceux qui réfléchissent à l’avenir du monde et à celui des Hongrois. La première est la guerre. Plus précisément, un effet secondaire imprévu de la guerre. En effet, la guerre révèle la réalité dans laquelle nous vivons. Cette réalité n’était pas visible et ne pouvait pas être décrite auparavant, mais elle l’est devenue à la lumière des projectiles. La deuxième grande question qui se pose est la suivante : que se passera-t-il après la guerre ? Un nouveau monde verra-t-il le jour ou l’ancien continuera-t-il à exister ? Et si un nouveau monde arrive, et c’est notre troisième grande question, comment la Hongrie doit-elle se préparer à ce nouveau monde ? La situation est telle que je dois parler de ces trois questions, et je dois en parler ici. Tout d’abord, parce qu’il s’agit de questions importantes qu’il est préférable d’aborder dans le cadre d’une université libre. Deuxièmement, nous avons besoin d’une approche pan-hongroise : examiner ces questions uniquement du point de vue de la petite Hongrie serait trop étroit, il est donc justifié de parler de ces questions devant les Hongrois vivant hors des frontières.

Chers Participants du Camp,

Il s’agit de sujets importants avec des corrélations complexes. Il est évident que le grand public ne peut pas avoir toutes les informations de base importantes, je dois donc faire des parenthèses de temps en temps. C’est une tâche difficile, car nous avons trois sujets, une seule matinée et un modérateur rigoureux. J’ai choisi la solution suivante. Je parlerai en profondeur de la situation réelle en matière de puissance en Europe telle qu’elle a été révélée par la guerre. Ensuite, je donnerai quelques aperçus du nouveau monde en gestation et, enfin, j’évoquerai, essentiellement sous forme d’énumération, sans explication ni argumentation, les projets hongrois en la matière. Cette présentation a l’avantage de fixer le thème de la conférence de l’année prochaine.

Cette entreprise est ambitieuse, voire audacieuse. Nous devons nous interroger pour savoir si nous pouvons l’entreprendre, si elle n’est pas au-dessus de nos moyens. Je pense qu’il s’agit d’une expérience que nous pouvons tenter, étant donné qu’au cours des deux ou trois dernières années, d’excellentes études et d’excellents livres ont été publiés en Hongrie et à l’étranger, que des traducteurs ont mis à la disposition du public hongrois. D’autre part, avec la modestie qui s’impose, nous devons nous rappeler que nous sommes, après tout, le gouvernement en fonction depuis le plus longtemps en Europe et que moi-même, je suis le dirigeant européen en fonction depuis le plus longtemps. Je tiens également à préciser entre nous que je suis également le responsable politique qui a passé le plus de temps dans l’opposition. Par conséquent, ce dont je m’apprête à parler, je l’ai vu de mes propres yeux. Je parle de quelque chose que j’ai vécue et que je vis continuellement. Quant à savoir si je l’ai compris, c’est une autre question, et nous le saurons à la fin de la conférence.

Donc, d’abord sur la réalité révélée par la guerre. Chers Amis, La guerre est notre pilule rouge. Il faut penser au film « Matrix ». Le protagoniste est confronté à un choix : il peut choisir entre deux pilules. S’il avale la pilule bleue, il peut rester dans le monde des apparences, s’il avale la pilule rouge, il peut découvrir la vérité et plonger dans la réalité. La guerre est notre pilule rouge. C’est ce qui nous a été offert. Nous devons l’avaler et, enrichis de nouvelles expériences, nous devons maintenant parler de la réalité. C’est un cliché de dire que la guerre est la continuation de la politique par des moyens différents. Il est important d’ajouter que la guerre est la continuation de la politique dans une perspective différente. La guerre, avec son caractère inexorable, nous conduit à un nouveau point de vue, sur un mirador pour nous offrir une perspective complètement différente que nous n’avons jamais connue auparavant. Nous nous trouvons dans un nouveau milieu, dans un nouveau champ de force épuré. Dans cette véritable réalité, les idéologies perdent leur pouvoir. Les manœuvres statistiques perdent leur pouvoir. Les biais médiatiques et les tromperies tactiques des responsables politiques perdent de leur pouvoir. Fini les idées reçues largement répandues, voire les théories du complot, il ne reste que la réalité crue et brutale. Il est dommage que notre ami Gyula Tellér ne soit plus parmi nous, nous aurions pu entendre des choses surprenantes de sa part. Comme il n’est plus parmi nous, il faudra se contenter de moi, mais je pense que l’étonnement ne manquera pas. Par souci de clarté, j’ai repris sous forme de liste à puces tout ce que nous avons vu depuis l’ingestion de la pilule rouge, au début de la guerre, en février 2022.

Tout d’abord, les parties à la guerre subissent des pertes énormes, chiffrées à plusieurs centaines de milliers de personnes. Je viens de les rencontrer et je peux dire avec certitude que, malgré cela, elles ne veulent pas se réconcilier. Pourquoi ? Pour deux raisons. La première est qu’elles sont toutes les deux convaincues qu’elles peuvent gagner et qu’elles veulent se battre jusqu’à la victoire. De plus, chacune d’entre elles est portée par sa propre vérité, réelle ou ressentie. Les Ukrainiens estiment qu’il s’agit d’une invasion russe, d’une violation du droit international, d’une violation de leur souveraineté territoriale, et qu’ils sont en fait en état de légitime défense, menant une guerre d’indépendance. Les Russes estiment qu’il y a eu d’importantes évolutions militaires de l’OTAN en Ukraine, que l’Ukraine a reçu la promesse d’adhérer à l’OTAN et qu’ils ne veulent pas voir de troupes ou d’armes de l’OTAN à la frontière russo-ukrainienne, donc la Russie, selon eux, a le droit de se défendre, et qu’il s’agit en fait d’une guerre provoquée. Ainsi, chacune des parties a sa propre vérité, réelle ou ressentie, aucune d’elles n’abandonnera la guerre : c’est une voie toute tracée vers une escalade. Si cela tient des deux parties, il n’y aura pas de paix. La paix ne peut être instaurée que de l’extérieur.

Deuxièmement, ces dernières années, nous étions habitués à ce que les États-Unis déclarent que la Chine était le principal rival ou adversaire, mais aujourd’hui, nous les voyons mener une guerre par procuration contre la Russie. Parallèlement, les États-Unis accusent constamment la Chine de soutenir secrètement la Russie. Si tel est le cas, la question à laquelle il faut répondre est la suivante : quel est l’intérêt de mettre deux pays aussi importants dans le même camp adverse ? Cette question n’a pas encore trouvé de réponse valable.

Troisièmement : la force et la résistance de l’Ukraine dépassent toutes les attentes. Après tout, depuis 1991, 11 millions de personnes ont quitté ce pays, il a été dirigé par des oligarques, la corruption est omniprésente, l’État n’a pratiquement pas fonctionné, et pourtant nous assistons aujourd’hui à une résistance réussie et sans précédent de leur part. L’Ukraine, malgré les conditions évoquées précédemment, est en fait un pays fort. La question est de savoir pourquoi. Au-delà de son histoire militaire et de l’héroïsme personnel, il y a là quelque chose qui mérite réflexion. En effet, l’Ukraine s’est trouvé une vocation, elle a découvert un nouveau sens à son existence. Jusqu’à présent, l’Ukraine s’est considérée comme une zone tampon. Être une zone tampon procure un état d’esprit déprimant. Un sentiment d’impuissance s’installe. Les citoyens ont l’impression que leur destin n’est pas entre leurs mains. C’est une conséquence de la condition d’une zone tampon. Mais aujourd’hui, la perspective d’appartenir à l’Occident se dessine. L’Ukraine a une nouvelle mission, une mission qu’elle s’est imposée, celle d’être la frontière Est de l’Occident. Le sens et l’importance de son existence ont augmenté à ses propres yeux et aux yeux du monde entier. Cela l’a amenée à un état d’activité et d’action que nous, non-Ukrainiens, considérons comme agressif et exigeant ; ce qui est sans aucun doute très agressif et exigeant, est en fait la demande des Ukrainiens d’une reconnaissance internationale officielle de leur vocation. Cela leur donne la force de résister d’une manière sans précédent.

Quatrièmement : la Russie est différente de ce que nous avons vu et de ce qui nous a été présenté comme étant la Russie. La viabilité économique de ce pays est exceptionnelle. J’assiste aux réunions du Conseil européen, aux sommets des premiers ministres, et je me souviens de l’époque où, accompagné d’un gestuel varié, les grands dirigeants européens disaient assez prétentieusement que les sanctions contre la Russie et l’exclusion de la Russie du système SWIFT, du réseau de communication interbancaire, mettraient l’économie russe, et par là même la politique russe, à genoux. En observant les événements, la sagesse de Mike Tyson me revient à l’esprit, qui a dit un jour : « Tout le monde a un plan jusqu’au premier coup de poing ». Car la réalité est que les Russes ont tiré les leçons des sanctions imposées après l’annexion de la Crimée en 2014. Et ils ne se sont pas contentés de tirer des leçons, ils les ont traduites en actions. Ils ont mis en œuvre les améliorations informatiques et bancaires nécessaires. C’est pourquoi le système financier russe ne s’effondre pas. Ils ont développé une capacité d’adaptation dont nous avons été les victimes après 2014, car que nous exportions une part importante des denrées alimentaires hongroises vers la Russie, ce que nous n’avons pas pu faire en raison des sanctions, les Russes ont donc dû moderniser leur agriculture, et nous parlons aujourd’hui de l’un des plus grands exportateurs de denrées alimentaires au monde, un pays qui avait besoin d’en importer auparavant. Il est donc faux de décrire la Russie comme une autocratie rigide et néostalinienne. Nous parlons en fait d’un pays qui fait preuve de flexibilité technique, économique et, nous le verrons, peut-être sociétale.

Cinquième nouvelle réalité importante : la politique européenne s’est effondrée. En effet, l’Europe a renoncé à défendre ses propres intérêts. Aujourd’hui, l’Europe ne fait rien d’autre que de suivre la politique étrangère américaine du parti démocrate, sans condition, même au prix de l’autodestruction. Les sanctions que nous avons imposées portent atteinte aux intérêts fondamentaux de l’Europe, font grimper les prix de l’énergie et rendent l’économie européenne non compétitive. Le fait que nous laissions sans réaction le dynamitage du gazoduc Nord Stream, que l’Allemagne elle-même laisse sans réagir un acte de terrorisme contre ses propres biens, manifestement sous la direction des Américains, et que nous ne fassions pas de bruit, que nous n’enquêtions pas, que nous ne voulions pas clarifier la situation, que nous ne voulions pas soulever la question sur le plan juridique, tout comme nous n’avons pas fait ce qu’il fallait dans le cas de la mise sur écoute d’Angela Merkel, avec l’aide du Danemark, n’est rien d’autre qu’un acte de soumission. Il y a encore une corrélation compliquée, que je vais essayer de vous présenter de manière nécessairement simplifiée, mais complète. L’une des raisons pour lesquelles la politique européenne s’est effondrée depuis le début de la guerre russo-ukrainienne, c’est que l’axe Paris-Berlin était au cœur de la structure du pouvoir européen. Il était incontournable, c’était le centre et c’était l’axe. Depuis la guerre, un autre centre, un autre axe de puissance a été établi. L’axe Berlin-Paris n’existe plus, ou s’il existe, il n’est plus significatif et est devenu contournable. Le nouveau centre et axe de pouvoir est constitué par Londres, Varsovie, Kiev, les pays baltes et les pays scandinaves. Ne croyez pas que lorsque, à la stupéfaction des Hongrois, le chancelier allemand annonce n’envoyer que des casques à la guerre, alors qu’une semaine plus tard il annonce que non, il envoie également des armes, et lorsque le chancelier allemand annonce qu’il peut y avoir des sanctions, mais qu’elles ne doivent pas porter sur l’énergie, alors que deux semaines plus tard il est lui-même à la tête de la politique de sanctions, ne croyez pas que cet homme a perdu la tête. Au contraire ! Il est très lucide ! Il sait très bien que les Américains et les institutions libérales de formation de l’opinion sous leur influence, les universités, les groupes de réflexion, les instituts de recherche, les médias, utilisent l’opinion publique pour sanctionner la politique franco-allemande qui ne sert pas les intérêts des États-Unis. C’est ce qui explique le phénomène dont j’ai parlé et les ruades du chancelier allemand. Changer le centre du pouvoir en Europe et contourner l’axe franco-allemand n’est pas une idée nouvelle, mais la guerre l’a rendue possible. Cette idée existait déjà auparavant, il s’agit en fait d’un vieux projet polonais qui veut résoudre le problème de la Pologne, à savoir le fait que la Pologne soit coincée entre un grand État allemand et un immense État russe, en faisant de la Pologne la première base américaine en Europe. On pourrait dire, en invitant les Américains à se placer entre les Allemands et les Russes. Aujourd’hui, 5 % du PIB de la Pologne sont consacrés aux dépenses militaires, et l’armée polonaise est la deuxième d’Europe derrière la française. Il s’agit de centaines de milliers d’hommes ! C’est un vieux projet : affaiblir la Russie et dépasser l’Allemagne en matière de développement. À première vue, dépasser les Allemands relève du fantasme. Mais si nous considérons la dynamique de développement de l’Allemagne et de l’Europe centrale, de la Pologne, cela ne semble pas si impossible, surtout si l’Allemagne liquide en même temps son industrie de niveau mondiale. La Pologne a renoncé à la coopération avec le groupe V4 pour cette stratégie. Le V4 signifiait autre chose. Le V4 signifie reconnaître qu’il y a une Allemagne forte, qu’il y a une Russie forte et qu’entre les deux, par une coopération entre les États d’Europe centrale, nous créons un troisième pôle. Les Polonais ont fait marche arrière et, au lieu d’une stratégie V4 qui acceptait l’axe franco-allemand, ils ont commencé à mettre en œuvre une autre stratégie excluant l’axe franco-allemand. En parlant de nos frères polonais, nous devons mentionner certaines choses tout bas, surtout maintenant qu’ils nous ont bien botté le derrière, alors nous pouvons peut-être nous permettre de dire quelques mots fraternels, tout simplement et honnêtement. Les Polonais mènent la politique la plus hypocrite et la plus insidieuse de toute l’Europe. Ils nous donnent des leçons de morale, ils nous critiquent pour nos relations économiques avec la Russie et, en même temps, ils font des affaires avec les Russes et achètent du pétrole, certes, par les biais d’intermédiaires, pour faire tourner l’économie polonaise. Mieux valent les Français qui, soit dit en passant, nous ont devancés le mois dernier quant au volume de gaz acheté aux Russes, mais au moins ils ne nous font pas la leçon sur le plan moral. Les Polonais font des affaires, et en plus, ils nous font la morale. Au cours des dix dernières années, je n’ai pas vu en Europe une politique aussi profondément hypocrite. L’ampleur de ce changement, de ce contournement de l’axe franco-allemand, peut être véritablement mesurée en rappelant, les plus âgés s’en souviendront peut-être, qu’il y a vingt ans, lorsque les Américains ont attaqué l’Irak et ont appelé les pays européens à les rejoindre, nous, par exemple, en tant que membre de l’OTAN, nous les avons rejoints, Schröder, alors chancelier allemand, Chirac, alors président français, et Poutine, président russe, ont tenu une conférence de presse commune pour s’opposer à la guerre en Irak. À cette époque, il existait une logique franco-allemande indépendante de réfléchir sur les intérêts européens.

Mesdames et Messieurs,

La mission de paix, au-delà de l’objectif d’instaurer la paix, appelle également l’Europe à mener enfin une politique indépendante. Pilule rouge, point six : la solitude intellectuelle de l’Occident. Jusqu’à présent, l’Occident a raisonné et s’est comporté en se considérant comme une référence, comme une sorte d’étalon mondial. Il fournit les valeurs que le monde doit accepter. Par exemple, la démocratie libérale ou la transition verte. Le monde en a largement pris acte, mais depuis deux ans, nous assistons à un revirement de 180 degrés. L’Occident a de nouveau émis ses attentes, ses instructions, selon lesquelles, pour des raisons morales, le monde devait prendre position contre la Russie et être en faveur de l’Occident. Or, la réalité est que tout le monde se rallie peu à peu au soutien de la Russie. Que la Chine et la Corée du Nord le fassent n’est peut-être pas une surprise, mais que l’Iran le fasse, connaissant l’histoire de l’Iran et ses relations avec la Russie, est quelque peu surprenant. Mais que l’Inde, que le monde occidental considère comme la démocratie la plus peuplée, soit également du côté des Russes est une véritable surprise. Le fait que la Turquie, membre de l’OTAN, refuse d’accepter les attentes morales de l’Occident est surprenant, et le fait que le monde musulman considère la Russie non pas comme un adversaire mais comme un partenaire est totalement inattendu.

Septièmement, la guerre a mis en évidence le fait que le plus grand problème auquel le monde est confronté aujourd’hui est la faiblesse et la désintégration de l’Occident. Ce n’est évidemment pas ce que disent les médias occidentaux ; en Occident, on dit que le plus grand danger et le plus grand problème du monde est la Russie et la menace qu’elle représente. C’est faux ! La Russie est trop grande pour sa population, elle est dirigée de manière extrêmement rationnelle, c’est un pays qui est dirigé, il n’y a rien de mystérieux dans ce qu’il fait, cela découle logiquement de ses intérêts, et c’est donc compréhensible et prévisible. En revanche, le comportement de l’Occident, comme il ressort sans doute clairement de ce que j’ai dit jusqu’à présent, n’est pas compréhensible, n’est pas prévisible. L’Occident n’est pas dirigé, son comportement n’est pas rationnel et il ne peut pas faire face à la situation que j’ai décrite, ici-même l’année dernière lors de ma présentation qy’il y a deux soleils dans le ciel : un défi qui est apparu devant l’Occident sous la forme de la montée en puissance de la Chine et de l’Asie. C’est quelque chose que nous devrions gérer, mais nous n’y parvenons pas.

Huitième point. Par conséquent, notre véritable tâche consiste à essayer de comprendre à nouveau l’Occident à la lumière de la guerre. En effet, nous, Européens centraux, considérons l’Occident comme irrationnel. Mais, mes chers amis, que se passe-t-il s’ils se comportent de manière logique, mais que nous ne comprenons pas leur logique ? Si leur façon de penser et d’agir est logique, nous devons nous demander pourquoi nous ne les comprenons pas. Et si nous pouvions trouver la réponse à cette question, nous comprendrions également pourquoi la Hongrie se heurte régulièrement aux pays occidentaux de l’Union européenne sur des questions de géopolitique et de politique étrangère. Ma solution est la suivante. Il faut imaginer que nous, les Européens centraux, nous avons une vision du monde fondée sur les États-nations. Alors que l’Occident, d’une manière impensable pour nous, estime que les États-nations n’existent plus, le système de coordonnées utilisé par l’Europe centrale n’est pas du tout pertinent. Pour nous, le monde est composé d’États-nations qui exercent le monopole de la force physique légitime à l’intérieur de leurs frontières et instaurent ainsi une paix publique. Dans ses relations avec les autres États, l’État-nation est souverain, c’est-à-dire qu’il a la capacité de définir sa politique étrangère et intérieure en toute indépendance. Selon notre conception, l’État-nation n’est pas une abstraction juridique, ni une construction juridique, mais un État-nation enraciné dans une culture particulière. Il possède un ensemble de valeurs communes, à savoir une profondeur anthropologique et historique, d’où découlent des exigences morales communes basées sur un accord commun. C’est ce que nous appelons un État-nation. De plus, nous ne considérons pas qu’il s’agisse d’un phénomène développé au XIXème siècle. Nous pensons que les États-nations ont une base biblique parce qu’ils font partie de l’ordre de la création, parce que nous lisons dans les Écritures que non seulement les individus mais également les nations seront soumises au jugement dernier. Par conséquent, selon nous, il ne s’agit pas de structures temporaires. Cependant, les Occidentaux, d’une manière totalement différente, estiment que les États-nations n’existent plus. Ils nient donc l’existence d’une culture commune et d’une moralité publique qui en découle. Il n’y a pas de moralité publique. Si vous avez regardé la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques hier, vous avez pu le constater. C’est pourquoi ils ont également une vision différente des migrations. Ils considèrent que les migrations ne sont pas une menace ou un problème, mais en fait un moyen de se débarrasser de l’homogénéité ethnique qui est la base d’une nation. C’est l’essence même de la conception progressiste libérale internationale de l’espace. C’est pourquoi ils ne trouvent pas absurde le fait que, lorsque des centaines de milliers de chrétiens s’entretuent à l’est de l’Europe, nous laissions entrer des centaines de milliers de personnes d’une civilisation étrangère à l’ouest de l’Europe, ce qui est, de notre point de vue d’Européens centraux, une absurdité. À l’Ouest, une telle idée n’est même pas concevable ! Je note entre parenthèses que les États européens ont perdu au total quelque 57 millions d’Européens autochtones au cours de la Première et de la Seconde Guerre mondiale. Si eux, leurs enfants et leurs petits-enfants étaient encore en vie, l’Europe n’aurait pas de problèmes démographiques aujourd’hui. L’Union européenne ne fait pas que penser ce que je viens de dire, elle le déclare. Si nous lisons correctement les documents européens, il est clair que l’objectif est de transcender la nation. Il est vrai que c’est écrit et dit d’une manière étrange : nous devons dépasser les États-nations, mais il doit en rester un peu. L’essentiel est que les pouvoirs et la souveraineté soient transférés des États-nations à Bruxelles. C’est la logique qui anime toutes les grandes mesures. Dans leur esprit, la nation est une création historique, ou transitoire, un produit de la période du XVIIIème et XIXème siècle : elle a été créée et elle peut disparaître. Pour eux, la moitié occidentale de l’Europe est déjà postnationale. Il ne s’agit pas seulement d’une situation politiquement différente, mais comme j’essaie de l’exprimer devant vous, il s’agit d’un nouvel espace mental. Si nous ne regardons pas le monde du point de vue des États-nations, une réalité complètement différente apparaît, et c’est là le cœur du problème, la raison pour laquelle nous ne comprenons pas, pourquoi les pays de la moitié occidentale et de la moitié orientale de l’Europe ne parviennent pas à travailler de manière harmonieuse vers un même but.

Si nous appliquons tout cela aux États-Unis, c’est réellement la bataille qui est en cours. Que doivent faire les États-Unis ? Doivent-ils redevenir un État-nation ou poursuivre leur marche vers un État postnational ? L’objectif du président Donald Trump est précisément de forcer le peuple américain à quitter l’État libéral postnational et de le ramener, de l’élever au rang de l’État-nation. C’est pourquoi les enjeux de l’élection américaine sont si importants. C’est pourquoi nous assistons à des événements inédits. C’est pourquoi ils veulent empêcher Donald Trump de se présenter aux élections. C’est pourquoi ils veulent le mettre en prison. C’est pourquoi ils lui enlèvent ses biens. Et si cela ne suffit pas, c’est pour cela qu’ils veulent l’assassiner. Il ne fait aucun doute que ce qui s’est passé ne constitue peut-être pas la dernière tentative dans cette campagne.

J’ouvre ici une parenthèse. J’ai parlé au Président hier : il m’a demandé comment j’allais. J’ai répondu que j’allais très bien, parce que je suis ici dans un lieu géographique qui s’appelle la Transylvanie. Expliquer cela n’est pas si facile, surtout en anglais et surtout au président Trump, mais je lui ai dit que j’étais en Transylvanie où j’allais donner une conférence dans la cadre d’une université libre sur la situation dans le monde. Il m’a dit alors de passer ses salutations les plus personnelles et les plus sincères aux participants du camp et de l’université libre.

Maintenant, si nous essayons de comprendre comment cette pensée occidentale, que pour des raisons de simplicité nous appellerons la pensée et la condition postnationales, est née, nous devons revenir à la grande illusion des années 1960. Cette grande illusion des années 60 s’est manifestée sous deux formes : la révolution sexuelle et les émeutes d’étudiants. C’était en réalité l’expression d’une conviction selon laquelle l’individu serait plus libre et plus grand s’il était libéré de toute forme de collectivité. Depuis, il est devenu évident, plus de soixante ans plus tard, que l’individu ne peut devenir grand que par et dans une communauté, qu’il ne sera jamais libre seul, qu’il sera toujours solitaire et voué au déclin. En Occident, les liens métaphysiques, à savoir Dieu, les liens nationaux, à savoir la patrie, et également les liens familiaux, je me réfère encore à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris, soit la famille, ont été abolis l’un après l’autre. Aujourd’hui, après avoir réussi à se débarrasser de tout cela en espérant devenir des individus plus grands, ils éprouvent un sentiment de vide. Ils ne sont pas devenus grands, ils sont devenus petits. En effet, en Occident, ils n’aspirent plus à de grands idéaux ni à des objectifs communs, grands et inspirants.

Nous devons parler à présent du secret de la grandeur. Quel est le secret de la grandeur ? Le secret de la grandeur est de pouvoir servir quelque chose de plus grand que soi. Pour cela, il faut d’abord reconnaître qu’il y a quelque chose ou des choses dans le monde qui sont plus grandes que soi, et ensuite se consacrer à servir ces choses plus grandes. Ces choses-là ne sont pas nombreuses. Il y a ton Dieu, ta patrie et ta famille. Si tu ne le fais pas, si tu te concentre plutôt sur ton propre grandeur, sur le fait que tu sois plus intelligent, plus beau, plus talentueux que la majorité des gens, si tu t’efforce de reconnaître tout cela par les autres, alors ce que tu obtiens, ce n’est pas de la grandeur, mais de l’orgueil. C’est pourquoi aujourd’hui, dans chaque geste accompli lors de nos conversations avec les Européens de l’Ouest, nous ressentons cet orgueil et non la grandeur. Je dois dire que nous avons atteint une situation que nous pouvons qualifier de vide, de sentiment de superflu, qui donne naissance à une agressivité. D’où l’émergence d’un nouveau type d’homme, le nain agressif.

En résumé, ce que je veux vous dire, c’est que lorsque nous parlons d’Europe centrale et d’Europe occidentale, il ne s’agit pas de divergences d’opinion, mais de deux visions du monde différentes, de deux mentalités, de deux systèmes pulsionnels et, par conséquent, de deux raisonnements différents. Chez nous, l’État-nation nous oblige à être réalistes sur le plan stratégique. Chez eux, la chimère postnationale, insensible à la souveraineté nationale, ne connaît pas la grandeur nationale et n’a pas non plus d’objectifs nationaux communs. Telle est la réalité à laquelle nous devons faire face.

Enfin, le dernier élément de la réalité est que cette condition postnationale que nous observons en Occident a une conséquence politique grave, je dirais même dramatique, qui ébranle la démocratie. Les sociétés s’opposent de plus en plus à la migration, au genre, à la guerre et à la mondialisation. Cela crée un problème politique entre l’élite et le peuple, l’élitisme et le populisme. Aujourd’hui, c’est le phénomène déterminant de la politique occidentale. Si vous lisez des textes, sans forcément les comprendre, parce qu’ils n’ont pas toujours de sens, mais si vous lisez les mots, ce sont les expressions que vous trouverez le plus souvent. Cela signifie que les élites condamnent le peuple parce qu’il dérive vers la droite. Les sentiments et les pensées du peuple sont qualifiés de xénophobie, d’homophobie et de nationalisme. Le peuple, en réponse, accuse les élites de ne pas se préoccuper de ce qui est important pour lui, mais de sombrer dans une sorte de globalisme abrutissant. Par conséquent, les élites et le peuple ne peuvent pas s’entendre pour coopérer. Je pourrais citer de nombreux pays. Mais si le peuple et les élites ne peuvent pas se mettre d’accord pour travailler ensemble, comment devenir une démocratie représentative ? Parce que nous avons une élite qui ne veut pas représenter le peuple, et qui est fière de ne pas vouloir le représenter, et nous avons le peuple qui n’est pas représenté. En fait, nous nous trouvons dans une situation où les personnes ayant fait des études supérieures, qui sortent en masse, ne représentent plus moins de 10 %, mais 30 à 40 % des sociétés du monde occidental, et ces personnes ne respectent pas les personnes moins éduquées, typiquement les travailleurs, les personnes qui vivent de leur travail, à cause de leurs opinions. Pour les élites, seules les valeurs des diplômés sont acceptables, seules celles-ci sont légitimes. Les résultats des élections du Parlement européen peuvent être appréhendés également sous cet angle. Le Parti populaire européen a recueilli les votes populaires de droite en faveur du changement, puis a porté ces votes à gauche en concluant un accord avec les élites de gauche intéressées par le statu quo. Cela entraîne des conséquences pour l’Union européenne. La conséquence est que Bruxelles est toujours sous l’occupation d’une oligarchie libérale, qui la tient sous son emprise. Cette élite libérale de gauche organise en réalité une élite transatlantique, elle n’est pas européenne mais mondiale, elle n’est pas en faveur des États-nations mais fédérale, elle n’est pas démocratique mais oligarchique. Cela entraîne également des conséquences pour nous, car à Bruxelles, les trois catégories, les interdits, les tolérés et les soutenus, sont de retour. Nous appartenons à la catégorie des interdits. Les Patriotes pour l’Europe ont donc été exclus de la répartition de toutes positions. Nous vivons le monde de la communauté politique tolérée, tandis que nos adversaires nationaux appartiennent à la catégorie fortement soutenue, en particulier les nouveaux membres du Parti populaire européen.

Permettez-moi d’aborder un dernier point, le dixième, qui concerne la façon dont les valeurs occidentales, qui constituaient l’essence de ce que l’on appelle le soft power, sont devenues un boomerang. Il s’est avéré que ces valeurs occidentales, qu’ils croyaient universelles, étaient manifestement inacceptables et rejetées par de plus en plus de pays du monde. Il s’avère que la modernité, le développement moderne, n’est pas occidental, ou du moins pas exclusivement occidental, puisqu’il y a la Chine qui est moderne, l’Inde qui devient moderne, les pays arabes et turcs sont sur la voie de la modernisation, mais ne deviennent pas pour autant modernes selon les valeurs occidentales. Et entre-temps, ce soft power occidental est devenu un soft power russe, car la clé de la diffusion des valeurs occidentales est désormais le mouvement LGBTQ, et toute personne qui ne l’accepte pas est classée par le monde occidental dans la catégorie des rétrogrades. Je ne sais pas si vous avez suivi l’actualité, mais je trouve remarquable qu’au cours des six derniers mois, des pays comme l’Ukraine, Taïwan et le Japon aient adopté des lois pro-LGBTQ. Or, le monde n’est pas d’accord avec cela. Par conséquent, aujourd’hui, l’arme tactique la plus puissante de Poutine est la résistance à l’imposition de l’idée LGBTQ par l’Occident, et cette résistance est devenue la plus forte attraction internationale de la Russie, de sorte que, comme un boomerang, l’ancien soft power occidental s’est maintenant transformé en soft power russe.

En résumé, Mesdames et Messieurs, je peux dire que la guerre nous a aidés à comprendre la véritable situation du pouvoir dans le monde, qu’elle est le signe que l’Occident se casse le cou en voulant accomplir ce à quoi il s’est engagé, tout en accélérant les changements qui sont en train de transformer le monde. La première conférence est terminée, la seconde commence.

Quelle est la suite ? Il faut faire plus court, dit Zsolt Németh. Le thème de la deuxième conférence est donc : quelle est la suite ? Tout d’abord, il faut faire preuve de courage intellectuel. Nous devons donc travailler à grands traits, car je suis convaincu que le destin des Hongrois dépendra de leur capacité à comprendre ce qui se passe dans le monde, et de notre capacité à comprendre ce que sera le monde après la guerre. À mon avis, un monde nouveau est en train de naître. Il est difficile de nous accuser d’avoir une imagination bornée ou de souffrir de déficience intellectuelle. Mais même nous, moi y compris, avons sous-estimé l’ampleur du changement actuel et dans lequel nous vivons ces dernières années, lorsque j’ai pris la parole devant vous.

Chers Amis, Chers Participant du camp,

Nous sommes au cœur d’un changement, un changement qui s’annonce, comme il n’y en a pas eu depuis 500 ans. Nous ne l’avons pas remarqué parce qu’au cours des 150 dernières années, de grands changements se sont produits autour de nous, mais dans ces changements, la puissance dominante du monde a toujours été l’Occident. Nous sommes donc partis du principe que les changements auxquels nous assistons aujourd’hui sont susceptibles de suivre la logique occidentale. Or, il s’agit d’une situation nouvelle. Dans le passé, les changements se sont déroulés à la manière de l’Occident : C’était la montée en puissance des Habsbourg, puis leur déclin, la montée en puissance de l’Espagne, qui est devenue le centre du pouvoir, puis son déclin, la montée en puissance des Britanniques, la fin des monarchies après la Première Guerre mondiale, les Britanniques ont été remplacés par les Américains en tant que leaders mondiaux, puis la guerre froide entre les États-Unis et la Russie a été remportée par les Américains, mais tout cela est resté dans notre logique occidentale. Mais aujourd’hui, ce n’est plus le cas. C’est ce à quoi il faut en réalité faire face, car le monde occidental n’a pas été défié à l’intérieur du monde occidental, et la logique du changement a donc été bouleversée. Ce dont je parle et ce à quoi nous sommes confrontés est en fait un changement de système mondial. Et c’est un processus qui part de l’Asie. En termes courts et primitifs : dans les très longues décennies, voire les siècles à venir (le système mondial précédent a duré 500 ans !), l’Asie sera le centre de gravité du monde. La Chine, l’Inde, le Pakistan, l’Indonésie, et ainsi de suite. Ils ont déjà mis en place leurs structures, leurs plates-formes. Il y a le BRICS qui les regroupe désormais, et il y a l’Organisation de coopération de Shanghai, où ces pays construisent la nouvelle économie mondiale. Je pense qu’il s’agit d’un processus inévitable parce que l’Asie a un avantage démographique, un avantage technologique dans de plus en plus de domaines, un avantage en termes de capitaux, une puissance militaire qui est en train de rattraper celle de l’Occident, elle aura, ou a peut-être déjà, le plus d’argent, elle aura les plus grands fonds financiers, elle aura les plus grandes entreprises du monde, elle aura les meilleures universités, les meilleurs instituts de recherche du monde, les plus grandes bourses, elle aura, ou a déjà, la recherche spatiale la plus avancée et la médecine la plus avancée. De plus, nous, les Occidentaux, nous avons même réussi à diriger les Russes dans cette nouvelle entité qui est en train de prendre forme. La question est de savoir si ce processus est réversible ou non, et si non, à quel moment il est devenu irréversible. Je pense que cela s’est produit en 2001, lorsque nous, Occidentaux, avons décidé d’inviter la Chine à rejoindre l’Organisation mondiale du commerce, mieux connue sous le nom d’OMC. Depuis lors, ce processus est presque inarrêtable et irréversible.

Le président Trump s’efforce de trouver la réponse américaine à cette situation. En réalité, la tentative de Donald Trump est probablement la dernière chance pour les États-Unis de préserver leur suprématie mondiale. Vous pouvez dire que pour cela quatre ans ne suffiront pas. Mais si vous regardez qui il a choisi comme vice-président, un homme jeune et très fort, si Donald Trump gagne maintenant, dans quatre ans ce sera le tour de son vice-président de se présenter, qui peut avoir deux mandats, cela fait douze ans, et en douze ans on peut mettre en place une stratégie nationale. Ma conviction est que pour bon nombre de personnes, si Donald Trump revient, le peuple américain voudra préserver sa suprématie mondiale en voulant maintenir leurs positions dans le monde. Je pense que c’est faux ! Bien sûr, personne ne renonce à des positions de son propre chef, mais ce ne sera pas l’objectif principal. Au contraire, la priorité sera de reconstruire et de renforcer l’Amérique du Nord, c’est-à-dire non seulement les États-Unis, mais aussi le Canada et le Mexique, puisqu’il s’agit du même espace économique. Pour l’Amérique, la place qu’elle occupe dans le monde sera moins importante. Il faut prendre au sérieux ce que dit le président. America first : tout doit venir ici, tout doit venir chez nous ! Aussi renforcent-ils leur capacité à lever des capitaux de partout. Nous en souffrons déjà. Les grandes entreprises européennes n’investissent pas en Europe, elles investissent en Amérique, compte tenue de cette capacité à attirer des capitaux qui, commence d’ores et déjà à se concrétiser. Ils vont presser tout le monde pour payer le prix de tout. Je ne sais pas si vous avez lu ce que le président a dit. Par exemple, qu’ils ne sont pas une compagnie d’assurance et que si Taïwan veut la sécurité, il doit payer. Ils nous feront payer le prix de la sécurité, à nous, les Européens, à l’OTAN, et ils parviendront également à un équilibre commercial avec la Chine par le biais de négociations visant l’amélioration de la balance commerciale en faveur des États-Unis. Ils déclencheront un développement massif des infrastructures américaines, de la recherche militaire, de l’innovation, atteindront ou auront peut-être déjà atteint l’autosuffisance énergétique, l’autosuffisance en matières premières, et finiront par s’améliorer sur le plan idéologique. Ils abandonneront l’exportation de la démocratie. America first : l’exportation de la démocratie est terminée. Telle est l’essence de l’expérience américaine en réponse à la situation décrite précédemment.

Quelle est la réponse européenne au changement de système mondial ? Nous avons deux options. La première est ce que nous appelons le skanzen. C’est ce qui se passe actuellement, c’est ce vers quoi nous nous dirigeons : l’Europe reste dans un rôle subordonné, sous la coupe des États-Unis. Un continent qui émerveille le monde, mais qui n’a plus aucun dynamisme de développement. La deuxième option annoncée par le président Macron est l’autonomie stratégique. En d’autres termes, nous devons entrer dans la course au changement du système mondial, comme le font les États-Unis, selon leur propre logique. Après tout, il s’agit de 400 millions de personnes ! Il est possible de recréer la capacité de l’Europe à attirer des capitaux, il est possible de faire revenir des capitaux d’Amérique, il est possible de faire de grands développements d’infrastructures, notamment en Europe centrale : TGV Budapest-Bucarest, TGV Varsovie-Budapest, pour ne citer que nos propres points de vue. Nous avons besoin d’une alliance militaire européenne avec une industrie de défense européenne puissante, de la recherche et de l’innovation, nous devons créer une autosuffisance énergétique européenne, qui ne fonctionnera pas sans l’énergie nucléaire, et nous devons parvenir à une nouvelle réconciliation avec la Russie après la guerre. Cela signifie que l’Union européenne en tant que projet politique doit renoncer à elle-même, que l’Union en tant que projet économique doit se renforcer et que l’Union en tant que projet de défense doit s’établir. Dans les deux cas, skanzen ou compétition, nous devons nous préparer à ce que l’Ukraine ne soit pas membre ni de l’OTAN ni de l’Union européenne, parce que nous, les Européens, n’avons pas assez d’argent pour le faire. L’Ukraine reviendra à la position d’État tampon et, si elle a de la chance, ce sera maintenant avec des garanties de sécurité internationales, qui seront inscrites dans un accord entre les États-Unis et la Russie, et auquel nous, Européens, pourrons peut-être également participer. L’expérience polonaise échouera, parce qu’ils n’en ont pas les moyens, ils doivent retourner en Europe centrale et dans le V4, alors nous attendons le retour des frères polonais ! La deuxième conférence est terminée, il n’en reste plus qu’une. Celle-ci porte sur la Hongrie.

Que doit faire la Hongrie dans cette situation ? Tout d’abord, rappelons le triste fait qu’il y a 500 ans, lors du dernier changement de système mondial, l’Europe était victorieuse et la Hongrie perdante. C’était une période où, grâce aux découvertes géographiques, un nouvel espace économique s’est ouvert dans la moitié occidentale de l’Europe, auquel nous n’avons absolument pas pu participer. Malheureusement pour nous, un conflit civilisationnel a également frappé à notre porte à la même époque : la conquête de l’islam est arrivée en Hongrie au même moment et a transformé notre pays une zone de guerre pendant de nombreuses années. Il en a résulté une énorme perte de la population, qui a conduit à des réinstallations, dont nous pouvons voir les conséquences aujourd’hui, et malheureusement nous n’avons pas eu la capacité à sortir de cette situation par nos propres moyens. Nous n’avons pas pu nous libérer par nos propres moyens, et nous avons donc dû nous intégrer dans un monde allemand, celui des Habsbourg, pendant de nombreux siècles.

Rappelons-nous également qu’il y a 500 ans, l’élite hongroise comprenait exactement ce qui était en train de se passer. Elle comprenait la nature du changement, mais elle ne disposait pas des moyens nécessaires et ne pouvait pas préparer le pays à ce changement. C’est pourquoi les tentatives visant à élargir l’espace, à élargir les moyens politiques et militaires et à prévenir les difficultés, les incursions réalisées, n’ont pas été couronnées de succès. C’est le cas de la tentative du roi Matthias, dans le sillage de Sigismond, de devenir empereur romain germanique et, à ce titre, d’impliquer la Hongrie dans le changement du système mondial. Cette tentative n’a pas abouti. J’y ajoute le fait que Tamás Bakócz ait été candidat à la fonction de pape, ce qui nous aurait pu donner une nouvelle occasion de participer en tant que vainqueurs à ce changement de système mondial, mais cette tentative a également échoué. Ainsi, le symbole hongrois de cette période, le symbole de l’échec hongrois, est la bataille de Mohács. En d’autres termes, le déclin hongrois coïncide avec le début de l’ascension de l’Occident en tant que puissance mondiale.

C’est important parce que nous devons maintenant clarifier nos relations, et nous avons deux options pour ce nouveau changement de système mondial. S’agit-il d’une menace ou d’une opportunité pour la Hongrie ? S’il s’agit d’une menace, nous devons poursuivre une politique de défense du statu quo, nous devons suivre les États-Unis et l’Union européenne, et nous devons associer nos intérêts nationaux à l’une des deux branches de l’Occident, ou aux deux. Si nous ne voyons pas cela comme une menace mais comme une opportunité, alors nous devons tracer notre propre voie de développement, nous devons évoluer et prendre l’initiative, en d’autres termes, il convient de mener une politique nationale. Je suis un partisan de cette dernière, j’appartiens à cette dernière école. Le changement de système mondial actuel n’est pas une menace, pas essentiellement une menace, mais plutôt une opportunité.

Toutefois, si nous voulons mener une politique nationale indépendante, la question est de savoir s’il y a les conditions limites nécessaires. Autrement dit, ne nous étoufferont-ils pas, ou mieux encore, ne nous marcheront-ils pas dessus ? En d’autres termes, disposons-nous des conditions nécessaires à notre propre évolution dans nos relations avec les États-Unis, l’Union européenne et l’Asie ?

En bref, je peux seulement dire que les événements aux États-Unis se développent en notre faveur. Je ne pense pas que les États-Unis nous fassent une offre économique et politique qui nous donne une meilleure chance que notre appartenance à l’Union européenne. Si nous en recevons une, il faudra l’examiner. Bien sûr, nous devons éviter le piège qui guette les Polonais, qui ont beaucoup misé là-dessus, mais aux États-Unis, le gouvernement était démocrate, qui a certes aidé les Polonais dans leurs objectifs stratégiques nationaux, mais qui leur impose une importation de la démocratie avec le mouvement LGBTQ, les migrations et une politique de transformation sociétale interne, qui risque d’entraîner la perte de l’identité nationale. Donc s’il y a une offre de l’Amérique, nous devons l’examiner attentivement.

Si nous regardons l’Asie et la Chine, il faut dire que les conditions limites y sont également réunies : nous avons reçu l’offre de la Chine, nous avons reçu la meilleure offre possible. Tout cela peut se résumer comme suit. La Chine est loin, et le fait que la Hongrie soit membre de l’Union européenne est précieux pour elle, contrairement à ce que disent les Américains qui ne cessent de nous répéter que nous devrions la quitter. Les Chinois pensent que nous sommes en bonne position, même si être membre de l’UE signifie des restrictions parce que nous ne pouvons pas avoir une politique commerciale indépendante et qu’être membre de l’UE signifie une politique commerciale commune. Ce à quoi les Chinois ajoutent que, si c’est le cas, nous devons participer mutuellement à la modernisation de l’autre. Bien sûr, quand la souris est invitée par les lions, il faut toujours être méfiant : la réalité et l’ordre de grandeur ne doivent pas être négligés. Toujours est-il que l’offre chinoise, annoncée lors de la visite du président chinois en mai, selon laquelle chacun de nos deux pays devrait participer à la modernisation de l’autre, signifie qu’ils sont prêts à investir massivement et à fournir des ressources de développement en Hongrie, et qu’ils sont prêts à nous offrir des opportunités de participation au marché en Chine.

Quelles sont les implications pour les relations entre l’UE et la Hongrie si nous considérons notre appartenance à l’UE comme une condition limite ? À mon sens, la partie occidentale de l’Union européenne ne reviendra plus à la forme de l’État-nation. Elle continuera donc à naviguer dans des eaux qui nous sont inconnues. La partie orientale de l’Union, nous, nous pouvons défendre notre forme d’État-nation, nous en sommes capables. L’Union européenne a perdu la guerre qui est en cours. Les États-Unis l’abandonneront, l’Europe ne pourra pas financer la guerre, elle ne pourra pas financer la reconstruction de l’Ukraine, elle ne pourra pas financer la gestion de l’Ukraine.

Entre parenthèses, alors que l’Ukraine nous demande de nouveaux prêts, des négociations sont en cours pour ne pas rembourser les prêts qui ont été contractés. Aujourd’hui, les créanciers et l’Ukraine négocient pour savoir s’ils doivent rembourser 20 % ou 60 % du prêt qu’ils ont contracté. Telle est la réalité de la situation ! En d’autres termes, l’Union européenne doit payer le prix de cette aventure guerrière. Ce prix sera élevé et nous affectera également. La conséquence pour nous, l’Europe en tant que condition limite, est que l’Union européenne prendra acte du fait que les pays d’Europe centrale resteront dans l’Union européenne tout en conservant les fondements des États-nations et en menant leur propre politique étrangère. Cela ne leur plaira peut-être pas, mais ils devront s’en accommoder. D’autant plus que le nombre de tels pays va augmenter.

Dans l’ensemble, je peux donc affirmer que les conditions limites d’une politique nationale indépendante sont réunies tant à l’égard de l’Amérique que de l’Asie et de l’Europe, qu’elles définissent les limites de notre marge de manœuvre et que cet espace est plus large et plus spacieux qu’il ne l’a jamais été au cours des 500 dernières années. La question est donc de savoir ce que nous devons faire pour utiliser cet espace à notre avantage.

S’il y a un changement de système mondial, il faut une stratégie à la hauteur. S’il y a un changement de système mondial, il faut une stratégie hongroise globale. L’ordre des mots est important ! Il ne faut pas une stratégie globale hongroise, mais une stratégie hongroise globale. En effet, nous avons eu jusqu’à présent de petites stratégies, en général avec un horizon de 2030. Ce sont des plans d’action, c’est-à-dire de programmes politiques qui visaient simplement à achever ce que nous avions commencé en 2010. C’est ce que nous appelons la construction d’un parcours national. Ces stratégies doivent être mises en œuvre, mais ce n’est pas suffisant à l’heure où le système mondial change et où nous avons besoin d’une stratégie globale, d’un horizon à plus long terme. Surtout si nous supposons que ce changement de système mondial conduira à une situation stable à long terme qui durera plusieurs siècles. Il appartiendra bien sûr à nos petits-enfants de dire si tel est le cas lors de la rencontre de Tusnádfürdő en 2050.

Où en sommes-nous avec cette stratégie hongroise globale ? Y a-t-il une stratégie hongroise globale dans le tiroir ? Oui, en fait, nous en avons une. Telle est la réponse. En effet, au cours des deux dernières années, la guerre nous a permis d’accélérer la cadence. Il s’est passé des choses que nous avons décidé de faire pour créer cette stratégie globale, même si nous n’en avons pas parlé dans ce contexte. Après les élections de 2022, nous avons immédiatement commencé à travailler sur la stratégie globale. Fait inhabituel, le gouvernement hongrois comprend un directeur politique qui est en fait chargé de mettre au point cette stratégie globale. Nous sommes très impliqués dans le système de rédaction de programmes de l’équipe du président Donald Trump. Des chercheurs de la Banque nationale de Hongrie ont déjà été associés aux travaux d’ateliers stratégiques en Asie, notamment en Chine. Et pour transformer notre désavantage en avantage, après avoir été contraints de changer de ministre, nous avons fait entrer au gouvernement non pas un technocrate, mais un penseur stratégique, et nous avons créé un ministère de l’Union européenne distinct sous la direction de János Bóka, de sorte que nous ne sommes pas passifs à Bruxelles mais que nous y avons élu domicile : nous n’en sortons pas, nous y entrons. Par ailleurs, le gouvernement hongrois dispose d’un certain nombre d’institutions capables de développer le soft power : des groupes de réflexion, des instituts de recherche, des universités, qui ont tourné à plein régime au cours des deux dernières années.

Il existe donc une stratégie hongroise globale. Dans quel état se trouve-t-elle ? Je peux dire qu’elle n’est pas encore dans un bon état. Elle ne l’est pas parce que sa formulation est trop intellectuelle. Or, notre avantage politique et notre avantage concurrentiel viennent précisément du fait que nous sommes capables de créer une unité avec le peuple dans laquelle chacun peut comprendre exactement ce que nous faisons et pour quelles raisons. C’est la base de notre capacité à agir ensemble. En effet, les citoyens ne défendront un projet que s’ils comprennent et voient qu’il est utile pour eux. Dans le cas contraire, sur la base du blablabla de Bruxelles, cela ne fonctionnera pas. Malheureusement, ce que nous avons aujourd’hui n’est pas encore une stratégie hongroise globale qui peut être assimilée et comprise. Il nous faut six bons mois pour l’amener à ce stade. Elle est encore brute et fragile, je dirais qu’elle a été écrite avec un burin plutôt qu’avec un stylo-plume, et nous devons encore utiliser une grande quantité de papier abrasif pour la rendre compréhensible. Mais pour l’instant, je vais vous présenter brièvement ce que nous avons déjà.

L’essence de la stratégie hongroise globale est donc, pour utiliser le langage des intellectuels, la connectivité. Cela signifie que nous ne nous laisserons pas enfermer dans l’une ou l’autre des deux nouvelles économies mondiales qui sont en train de se former. Pas question d’une économie mondiale exclusivement occidentale ou orientale. Nous devons être présents dans les deux : l’occidentale et l’orientale. Il en découlera des conséquences. Premièrement, nous ne participons pas à la guerre contre l’Orient. Nous ne participons à aucune segmentation technique ou commercial contre l’Orient. Nous cherchons à trouver des amis et des partenaires, et non des adversaires économiques ou idéologiques. Nous ne nous rattachons pas à quelqu’un d’autre, ce qui est intellectuellement beaucoup plus facile, mais nous suivons notre propre voie, ce qui est certes difficile, mais ce n’est pas pour rien que l’on dit que la politique est un art.

Le deuxième chapitre de la stratégie globale porte sur les fondements intellectuels dont l’essence est la protection de la souveraineté. J’ai déjà suffisamment parlé de la politique étrangère mais cette stratégie décrit également la base économique de la souveraineté nationale. Ces dernières années, nous avons construit une pyramide. Au sommet de cette pyramide se trouvent les champions nationaux, en dessous se trouvent les moyennes entreprises, compétitives au niveau international, en dessous se trouvent les entreprises produisant pour le marché intérieur et en bas se trouvent les petites entreprises et les entrepreneurs individuels. Telle est l’économie hongroise qui peut servir de base à notre souveraineté. Nous avons des champions nationaux dans les secteurs de la banque, de l’énergie, de l’alimentation, des produits agricoles, des technologies de l’information, des télécommunications, des médias, de la construction, qu’il s’agisse du génie civil ou de la construction de bâtiments, de la promotion immobilière, des produits pharmaceutiques, de la défense, de la logistique et, dans une certaine mesure, de la connaissance, grâce aux universités. Ces champions nationaux ne sont pas seulement des champions nationaux, ils sont tous présents sur la scène internationale et ils ont prouvé qu’ils étaient compétitifs. Viennent ensuite nos entreprises de taille moyenne. Je voudrais vous informer que la Hongrie compte aujourd’hui 15 000 entreprises de taille moyenne, actives au niveau international et donc compétitives. Lorsque nous avons commencé à gouverner en 2010, il y en avait trois mille. Aujourd’hui, elles sont 15 000 ! Bien entendu, nous devons élargir la base des entrepreneurs individuels et des petites entreprises. Si nous parvenons à établir un budget de paix et non un budget de guerre d’ici 2025, nous lancerons un grand programme pour les petites et moyennes entreprises. La base économique de la souveraineté consiste également à renforcer notre indépendance financière, à ramener notre dette à près de 30 %, et non à 50 ou 60 %, et à émerger en tant que créancier régional. Nous nous efforçons déjà de le faire aujourd’hui et, dans la région, la Hongrie accorde des prêts d’État à des pays amis qui lui sont importants pour diverses raisons. Il est important que selon cette stratégie, nous devons rester un centre de production. Nous ne devons pas nous transformer en une économie axée sur les services. Le secteur des services est important, mais nous devons préserver le caractère de la Hongrie en tant que centre de production, car ce n’est que dans ce secteur que la main-d’œuvre nationale peut atteindre un emploi à 100 %. Nous ne devons pas commettre l’erreur de l’Occident d’utiliser des travailleurs étrangers pour effectuer certains travaux de production sous prétexte qu’exercer certains métiers seraient indigne pour les autochtones. Si cela se produit en Hongrie, cela déclenchera une désintégration sociale qu’il sera difficile d’arrêter. La protection de la souveraineté inclut également le développement de centres universitaires et de centres d’innovation.

Le troisième chapitre porte sur le corps de la stratégie globale, à savoir sur la société hongroise. Pour être victorieuse, cette société hongroise doit être solide et résiliente, elle doit avoir une structure sociétale solide et résiliente. La première condition préalable est de stopper le déclin démographique. Nous avons bien démarré mais aujourd’hui nous sommes bloqués. Un nouvel élan est nécessaire. D’ici 2035, la Hongrie doit être autonome sur le plan démographique. Il ne peut être question d’une population remplacée par l’immigration. L’expérience occidentale montre que s’il y a plus d’invités que d’hôtes, la maison n’est plus une maison. C’est un risque qu’il ne faut pas prendre. Par conséquent, si, en 2025, nous pouvons établir un budget de paix, parce que la guerre sera terminée, l’avantage fiscal pour enfants devra être doublé, probablement non pas en une, mais en deux étapes, pour retrouver un élan démographique. Nous devons continuer à attirer les Européens de l’Ouest qui veulent vivre dans un pays chrétien et nationalement intégré. Leur nombre ne cessera d’augmenter. Aucun automatisme n’est envisageable. Maintenant, c’est nous qui sommes sélectifs. Ils l’ont été jusqu’à présent, maintenant c’est nous qui choisissons. Pour que la société soit stable et résiliente elle doit comporter une classe moyenne comme base. Cela signifie que les familles doivent disposer d’un patrimoine propre et d’une indépendance financière. Le plein emploi doit être préservé et la clé de cet objectif est de maintenir la relation actuelle entre le travail et les Roms. Il y a du travail mais on ne peut pas vivre sans travail. Tel est le marché et le contenu de l’offre. Il en va de même pour le système des villages hongrois, qui représente une valeur particulière dans l’histoire hongroise. Il ne s’agit pas d’un symbole de sous-développement, le système des villages hongrois doit être préservé. Nous devons fournir des services de niveau urbain dans les villages également. Les villes doivent en assumer une partie de la charge financière. Nous ne créons pas de mégapoles, nous ne créons pas de grandes villes, nous voulons créer des villes et des zones périurbaines, en préservant l’héritage historique des villages hongrois.

Enfin, voyons l’élément crucial de la souveraineté, qui nous amène ici sur les rives de l’Olt ce qui réduit le risque que Zsolt me prenne la parole au minimum. Il s’agit de l’essence même de la protection de la souveraineté, à savoir la préservation de la diversité nationale. Ne pas s’assimiler, ne pas se subordonner, ne pas se confondre, mais maintenir notre caractère national spécifique. Telle est la base culturelle de la protection de la souveraineté. Préserver la langue, éviter un état de religion zéro. Un état de religion zéro est un état dans lequel la foi a disparu depuis longtemps ainsi que la capacité de la tradition chrétienne à fournir des règles culturelles et morales de comportement qui régissent les relations au travail, à l’argent, à la famille, aux relations sexuelles et à la hiérarchie. Les Occidentaux ont déjà perdu cette capacité. Je pense qu’un état de religion zéro est établi lorsque le mariage entre personnes de même sexe est reconnu comme une institution égale au mariage entre personnes de sexe opposé. Dans un tel cas, la chrétienté ne fournit plus de boussole morale ni d’orientation. C’est quelque chose que nous devons éviter à tout prix. Ainsi, lorsque nous nous battons pour la famille, nous ne nous battons pas seulement pour l’honneur de la famille, mais également pour le maintien d’un état où la chrétienté continue au moins à fournir une orientation morale à notre communauté.

Mesdames et Messieurs,

Enfin, cette stratégie hongroise globale ne doit pas partir de la petite Hongrie. Cette stratégie hongroise globale doit être basée sur un fondement national, elle doit inclure tous les territoires habités par des Hongrois et elle doit embrasser tous les Hongrois vivant dans le monde. Une petite Hongrie ne suffit pas comme cadre. C’est pourquoi je n’ose pas donner de date, car une date doit être respecté, mais dans un avenir prévisible, tout le soutien qui sert la stabilité et la résilience de la société hongroise, comme le système de soutien aux familles, doit être étendu dans son intégralité aux territoires habités par des Hongrois, y compris en dehors des frontières du pays. Ce n’est pas une mauvaise direction, dans la mesure où, si je calcule les montants dépensés par l’État hongrois pour ces territoires jusqu’en 2010, je peux dire que nous avons dépensé en moyenne 100 milliards de forints par an dans ce but. À titre de comparaison, sous le gouvernement Gyurcsány, 9 milliards de forints y ont été consacrés en un an. Aujourd’hui, nous y avons consacré 100 milliards de forints en un an ! C’est donc une augmentation de plus de dix fois.

Il ne reste plus qu’une question : si nous avons une stratégie hongroise globale, quel type de politique peut être utilisé pour en assurer le succès ? Tout d’abord, pour qu’une stratégie globale réussisse, nous devons savoir exactement ce que nous sommes. En effet, la politique que nous souhaitons utiliser pour assurer le succès d’une stratégie doit être adaptée à notre caractère national. Bien sûr, nous pouvons dire que nous sommes très diversifiés. C’est particulièrement vrai pour les Hongrois, mais il existe néanmoins des caractéristiques essentielles communes, et la stratégie doit les cibler, les saisir. Et si nous les avons saisis, nous n’avons pas besoin de faire des compromis ou de consolider mais nous devons adopter une position ferme. Je pense que, outre la diversité, l’essence, l’essence commune que nous devons saisir et sur laquelle nous devons construire la stratégie hongroise globale est la liberté, qui doit également être construite vers l’intérieur. Nous devons non seulement construire la liberté de la nation, mais nous devons également viser la liberté personnelle des Hongrois. En effet, nous ne sommes pas un pays militarisé comme les Russes ou les Ukrainiens. Nous ne sommes pas non plus hyperdisciplinés comme les Chinois. Nous n’aimons pas la hiérarchie autant que les Allemands. Nous n’aimons pas les soulèvements, les révolutions et les blasphèmes comme les Français. Nous ne croyons pas non plus que nous pouvons survivre sans notre État, notre propre État, comme les Italiens ont tendance à le penser. Pour les Hongrois, l’ordre n’est pas une valeur en soi, mais une condition de la liberté dans laquelle ils peuvent vivre sans heurt. Ce qui se rapproche le plus du sens et du terme hongrois de la liberté, szabadság, c’est l’expression « vie paisible ». Ma maison est mon château, comme dit le proverbe. C’est-à-dire c’est ma vie, et c’est moi qui décide de ce qui me permet de me sentir bien dans ma peau. Il s’agit d’un caractère anthropologique, génétique et culturel propre aux Hongrois, et notre stratégie doit s’y adapter. Cela doit donc être le point de départ de la politique à mener pour mettre en œuvre la stratégie globale.

Étant donné que le processus dont nous parlons, ce changement de système mondial, ne se produira pas dans un an ou deux, bien qu’il ait déjà commencé, mais qu’il prendra encore vingt à vingt-cinq ans, il fera l’objet d’un débat constant au cours de ces vingt à vingt-cinq années. Nos adversaires ne cesseront de le remettre en cause. Ils diront que le processus est réversible. Ils diront qu’au lieu d’une stratégie nationale globale, nous devons procéder à l’intégration, et c’est pourquoi ils l’attaqueront constamment et s’efforceront de nous faire changer de cap. Ils remettront constamment en question non seulement le contenu de la stratégie globale mais également sa nécessité. C’est un combat qu’il faut assumer mais le calendrier pose un problème. Car s’il s’agit d’un processus de vingt à vingt-cinq ans, nous devons admettre que le temps passe et que nous ne pourrons pas le terminer. La mise en œuvre de cette stratégie globale, en particulier la dernière phase, ne sera certainement pas réalisée par nous, mais principalement par des jeunes qui ont aujourd’hui entre 20 et 30 ans. Et lorsque nous pensons à la politique, à la manière de mettre en œuvre politiquement une telle stratégie, nous devons être conscients du fait que dans les prochaines générations, tout comme actuellement, il n’y aura essentiellement que deux positions. Il y aura les libéraux et les nationalistes. Je dois dire qu’il y aura d’un côté des responsables politiques libéraux habillés slim fit qui siroteront leur avocado latte sans allergènes en tant qu’experts en auto-promotion, et de l’autre des jeunes nationalistes, cool, qui ont les deux pieds sur terre. C’est pourquoi nous devons commencer à recruter des jeunes, dès maintenant et pour nous ! L’adversaire est organisé et aligné en permanence par le courant libéral de notre époque. Là, il n’est pas nécessaire de recruter, le recrutement se fait tout seul, mais notre camp est différent. Le camp national ne peut sortir qu’au son de la trompette. C’est également le cas des jeunes qui ne peuvent se rallier que sous un drapeau hissé. Nous devons donc trouver de jeunes combattants dotés de sentiments nationalistes et de courage. Jeunes combattants dotés d’un esprit national et de courage, vous êtes les bienvenus !

Je vous remercie de votre précieuse attention !

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