Péter Szijjártó : Merci de votre patience ! Nous tenons à saluer tout spécialement celles et ceux qui nous suivent en direct depuis la Hongrie. Nous souhaitons également la bienvenue aux téléspectateurs de la télévision publique, d’ATV, de Hír TV, de Patrióta, de Mandiner et de Magyar Nemzet. Il y a peu s’est achevée la sixième rencontre bilatérale entre le Premier ministre et le président Donald Trump ; la deuxième qui se tient ici, à la Maison-Blanche. Le Premier ministre est revenu dans le Bureau ovale après six années d’absence. L’entretien a duré plus longtemps que prévu, et le Premier ministre va maintenant vous en présenter les résultats, avant que nous ne passions aux questions et, bien sûr, aux réponses. Monsieur le Premier ministre !
Merci, Péter. Bonjour à toutes et à tous !
Merci de votre attention soutenue et de votre intérêt – je sais qu’il se fait tard, en Hongrie. Aujourd’hui, c’est une journée hongroise à Washington ; elle se poursuit d’ailleurs encore à cette heure. Plusieurs ministres sont toujours en négociation. Ce n’était donc pas seulement un sommet entre un Premier ministre et un président : dans tous les domaines où la Hongrie a des intérêts importants relevant des compétences gouvernementales, des discussions bilatérales ont eu lieu au niveau ministériel. Je citerai simplement le ministre de l’Économie, celui de la Défense, et le ministre chargé de la Culture et de l’Innovation, qui est encore en réunion en ce moment même. Des entrepreneurs hongrois sont également sur place, et nous recevrons ce soir, heure locale, le compte rendu de leurs entretiens.
S’agissant de ma propre mission, la première chose à laquelle je tiens, c’est de rendre compte de la considération que le président des États-Unis a exprimée envers la Hongrie, dès notre arrivée à la Maison-Blanche. Il a tenu à saluer le peuple hongrois, à dire l’estime dans laquelle il tient notre pays, peut-être même plus grande que celle que nous avons parfois de nous-mêmes. Il connaît des noms hongrois illustres, des personnes qui ont contribué au développement des États-Unis. Pour lui, la Hongrie n’est pas une nation lointaine : il la voit comme un pays dont les enfants, venus ici, ont apporté gloire et réussite à l’Amérique. Son respect n’est donc pas une simple formule diplomatique, mais une reconnaissance sincère et profonde. J’y ai ressenti une amitié et une reconnaissance sincères envers la Hongrie.
Concernant le ton et le cadre de nos échanges : il s’est agi d’une discussion entre deux dirigeants alliés. Nous n’avons identifié aucun sujet majeur où nos positions divergeraient, ni le moindre point de conflit entre nos deux nations, grande et petite, unies par un lien d’alliance. Aucune divergence stratégique, donc, mais de nombreux points d’accord, et aussi plusieurs dossiers à régler. Nous les avons abordés en détail.
La première et plus importante décision concerne la protection de la politique de plafonnement des prix de l’énergie en Hongrie. Nous avons obtenu les garanties nécessaires pour que la Hongrie conserve les tarifs énergétiques les plus bas d’Europe. Concrètement, cela signifie que, pour le gazoduc TurkStream et l’oléoduc Droujba (« Amitié »), nous bénéficions d’une exemption totale et illimitée de sanctions. Aucune mesure ne viendra restreindre ou renchérir l’approvisionnement de la Hongrie. Il s’agit d’une exemption générale et illimitée dans le temps. Nous avons également conclu des accords dans le domaine de la coopération nucléaire. Les États-Unis, par l’entreprise Westinghouse, vont pour la première fois participer à l’industrie nucléaire hongroise. Les Américains n’ont jamais participé à l’industrie nucléaire hongroise, mais c’est désormais le cas. Nous achèterons d’abord du combustible nucléaire américain. Ensuite, nous introduirons en Hongrie une technologie basée sur des réacteurs nucléaires de petite taille, appelés dans vos écrits « modulaires », qui représentent une technologie totalement nouvelle dans l’histoire de l’énergie et pour lesquels les Américains disposent d’une technologie de pointe. Nous n’avons pas de technologie propre dans ce domaine, et nous avons décidé d’adopter la technologie américaine. Dès la semaine prochaine, nous modifierons plusieurs lois pour ouvrir la voie à l’installation de ces minicentrales nucléaires dans notre pays. Enfin, nous avons obtenu l’accès à une technologie américaine, qui est plus performante que la nôtre, plus moderne que celle que nous utilisons, et qui nous permettra de stocker les combustibles usés dans des conditions sécurisées. Un obstacle majeur à la coopération nucléaire était la série de sanctions imposées par l’administration Biden au projet Paks II. Nous avions précédemment obtenu une dérogation temporaire, dont l’échéance approchait dangereusement. Nous avons convenu non pas de prolonger l’exemption, mais d’abroger purement et simplement ces sanctions. Il n’y a donc aucune objection américaine à la construction de la centrale nucléaire Paks II en Hongrie, et aucune mesure ne sera prise pour l’empêcher. Si de telles sanctions ont été imposées jusqu’à présent, elles appartiennent désormais au passé.
Autre point essentiel : la stabilité financière de la Hongrie. Les États-Unis ont un intérêt direct à ce que la Hongrie reste stable, et nous pourrons compter sur leur coopération pour renforcer et préserver cette stabilité. Nous allons donc créer de nouvelles formes de partenariat financier entre nos deux pays. Nous nous sommes mis d’accord sur ces points, et les négociations sont en cours et se poursuivent.
Nous avons ensuite passé en revue les investissements américains en Hongrie. Nous avons demandé au président Trump de soutenir ces investissements et d’encourager de nouveaux projets. Nous avons obtenu ce soutien, ce qui signifie que de nouveaux investissements américains seront réalisés en Hongrie. Pour bien comprendre l’importance de cette question dans le contexte mondial, il est utile de savoir qu’il y a aujourd’hui environ 1 400 entreprises américaines en Hongrie, employant près de 100 000 de nos compatriotes qui gagnent leur vie et celle de leur famille dans ces entreprises. Le nombre de ces possibilités d’emploi va augmenter. Ces investissements, de haute technologie pour la plupart, ne créent pas seulement des emplois : ils élèvent le niveau technologique de notre économie, et ils continueront de le faire.
Enfin, nous avons conclu un accord dans les domaines de la défense et de l’industrie spatiale. Les partenaires ont été désignés, les discussions sont en cours. Cela inclut la participation américaine à des projets d’investissement spatial, ainsi qu’une coopération militaire ouvrant à la Hongrie l’accès aux systèmes d’armes de défense les plus modernes, accès qui était auparavant bloqué par l’administration Biden.
Et bien sûr, nous avons longuement parlé de la question de la guerre et de la paix. Pour résumer ces échanges complexes en deux phrases : premièrement, nos deux gouvernements sont résolus à poursuivre les efforts pour instaurer la paix. La Hongrie offre ses capacités diplomatiques pour aider le président des États-Unis à progresser vers un règlement pacifique du conflit russo-ukrainien. Deuxièmement, la rencontre de Budapest reste à l’ordre du jour ; lorsque les conditions seront réunies, impossible encore de dire quand, elle aura bien lieu dans notre capitale.
Péter, c’est tout, n’est-ce pas ?
Péter Szijjártó : Exactement, merci beaucoup ! Merci, Monsieur le Premier ministre. Et maintenant, en récompense de votre patience… place aux questions ! J’ai d’ailleurs eu l’occasion d’observer, au début de la rencontre du Premier ministre avec le président Trump, comment on anime une conférence de presse dans des conditions assez musclées, alors je vais tenter d’être à la hauteur.
En tout cas, je crois qu’on peut dire qu’en comparant avec vos collègues américains, vous êtes plutôt bien lotis… Nous l’avons tous constaté.
Péter Szijjártó : Par exemple, vous, au moins, vous êtes assis. Alors, allons-y ! Celles et ceux qui ont des questions peuvent se manifester. Nous allons commencer avec Ildikó. Ildikó, à vous !
Ildikó Csuhaj : Merci beaucoup. Ildikó Csuhaj, médias public hongrois. Lors de la partie ouverte à la presse, à la Maison-Blanche, quand le président Trump a été interrogé sur les sanctions américaines visant le pétrole et le gaz russes, il a répondu qu’il examinerait la question « au regard des pays européens ». Monsieur le Premier ministre, ai-je bien compris que, durant votre entretien, le président Trump a déclaré que la Hongrie serait exemptée, sans limite de temps, de toutes les sanctions relatives au pétrole et au gaz russes ?
Ce qui s’est passé, c’est exactement ce que le président avait annoncé devant la presse : nous nous sommes assis et nous avons examiné la question. Et, après cet examen, nous avons conclu que la situation de la Hongrie est fondamentalement différente de celle des autres pays européens. Il serait impossible d’assurer un approvisionnement énergétique sûr et de garantir des prix abordables pour les familles et les entreprises hongroises si des sanctions continuaient de s’appliquer à ces deux pipelines essentiels. Nous avons donc étudié le dossier, tiré les conclusions, et nous avons demandé au président de lever ces sanctions. Nous avons sollicité une exemption totale pour deux conduites : celle qui apporte le gaz depuis le Sud, et celle qui amène le pétrole depuis l’Est. Nous avons trouvé un accord : le président a décidé que les sanctions américaines ne s’appliqueraient pas à ces deux pipelines.
Ildikó Csuhaj : Merci ! On nous avait dit qu’une seule question était autorisée… mais peut-être aussi une pour le ministre Szijjártó ?
Péter Szijjártó : Ah, c’est dans ce sens que vous l’aviez compris ? Voilà une interprétation… innovante ! Disons donc : une question pour chacun, mais puisque vous avez la parole, Ildikó, allez-y.
Ildikó Csuhaj : Merci beaucoup !
Péter Szijjártó : Je ne peux répondre qu’avec l’autorisation du Premier ministre… donc, commençons par là.
Ildikó Csuhaj : Monsieur le Ministre, vous avez signé avec le secrétaire d’État Marco Rubio un accord sur la coopération nucléaire. Bloomberg écrit, sans que je sache si les chiffres sont exacts, que les petits réacteurs modulaires coûteraient environ 20 milliards de dollars, que l’approvisionnement en combustible Westinghouse pour Paks représenterait 100 milliards, et qu’on évoque encore plusieurs centaines de milliards pour l’achat de gaz naturel liquéfié américain. Pouvez-vous confirmer ces montants ? J’ai une autre question à ce sujet, si vous me le permettez : le président polonais a récemment rencontré à Bratislava son homologue slovaque, Peter Pellegrini, et l’a assuré que la Pologne était prête à fournir du gaz naturel liquéfié américain à la Slovaquie. La Hongrie est-elle intéressée par une telle possibilité ? Merci !
Péter Szijjártó : Eh bien, je crois que j’ai déjà échoué à mon premier test de modérateur de conférence de presse… Disons que, si ça s’était passé comme ça pendant le déjeuner de travail, ça n’aurait pas très bien tourné. Avec la permission du Premier ministre, je vais donc répondre brièvement à la question sur la coopération nucléaire. Nous avons signé l’accord avec mon homologue, le secrétaire d’État américain. Les informations de presse sont partiellement exactes : l’accord comporte bien trois volets, mais pour le reste, c’est faux. Le poste concernant la fourniture de combustible nucléaire représente environ 100 millions de dollars, et non pas 100 milliards, il n’y a donc aucune comparaison possible.
100 millions de dollars.
Péter Szijjártó : Exactement, 100 millions de dollars. Et honnêtement, si on a le choix, je préfère. Cette coopération est nécessaire, car dans les années à venir, la demande énergétique de l’économie hongroise va croître, tout comme nos capacités nucléaires. Nous allons donc acheter des éléments combustibles américains tout en maintenant nos relations d’approvisionnement existantes.
Excuse-moi, Péter, cela signifie que nous utiliserons du combustible russe…
Péter Szijjártó : Exactement !
…que nous utiliserons aussi du combustible français…
Péter Szijjártó : C’est bien ça !
…et désormais, du combustible américain.
Péter Szijjártó : Tout à fait, du combustible américain aussi.
Nous aurons donc trois piliers.
Péter Szijjártó : Exactement. Voilà, la vraie définition de la diversification. La diversification, ce n’est pas remplacer une source par une autre, mais ajouter une nouvelle source à celles que l’on a déjà, ce qui permet de garantir la sécurité.S’agissant des petits réacteurs modulaires, leur coût dépendra du nombre d’unités que nous déciderons de construire. Ce sera une décision stratégique, en fonction des besoins économiques. L’économie hongroise bat record sur record en matière d’investissements : d’immenses usines se construisent, des milliers, voire des dizaines de milliers d’emplois sont créés, et ces nouvelles centrales pourront alimenter ces zones industrielles. Donc, tout dépendra du volume : 20 milliards de dollars, c’est un ordre de grandeur réaliste pour dix à douze unités ; pour cinq à six unités, on serait plutôt autour de 10 milliards. Enfin, la technologie de stockage du combustible usé représente un investissement de 100 à 200 millions de dollars, donc là encore, pas de milliards. C’est une technologie qui nous permettra de ne pas avoir à transporter le combustible usé hors du site de Paks. Et cela signifie que, dans notre utilisation de l’énergie nucléaire, la sécurité, la santé des Hongrois et la protection de l’environnement restent nos priorités absolues. Voilà pour l’ensemble du dossier nucléaire.
Sur le gaz naturel liquéfié.
Péter Szijjártó : Pour ce qui est du gaz naturel liquéfié, c’est-à-dire le LNG, le même principe s’applique : comme le Premier ministre l’a dit, nous diversifions nos sources. Autrement dit, nous ajoutons de nouvelles voies d’approvisionnement aux sources existantes. Notre compagnie énergétique nationale, MVM, a déjà signé deux contrats à long terme d’importation de LNG vers l’Ouest : l’un avec ENGIE, en France, l’autre avec Shell. Et nous menons actuellement des négociations avancées avec une entreprise américaine, afin de conclure un contrat similaire, d’une durée de cinq ans. Cela représenterait environ 2 milliards de mètres cubes au total, soit 400 millions de mètres cubes par an. Quant au montant, je préfère ne pas le communiquer pour le moment, car les discussions sur le prix sont encore en cours… et si je donnais un chiffre maintenant…
Oui, laissons ça pour plus tard.
Péter Szijjártó : …voilà, c’est ainsi que se présente la situation. Et à partir de maintenant, rappelons la règle : une seule question par personne, et pas une question par tête, mais bien une question par journaliste.
Dániel Bohár : Monsieur le Premier ministre, lors de notre voyage ici, vous aviez dit qu’il existait un danger qu’il fallait conjurer. Si je comprends bien, ce danger a été écarté grâce à la protection de la politique de plafonnement des prix de l’énergie. Quelle est l’importance concrète de cela pour la vie quotidienne des Hongrois ?
Quand nous sommes partis pour Washington, la situation était grave : nous étions au cou, sinon au-delà, dans les difficultés. Mais aujourd’hui, nous nous en sommes sortis. Nous avons réussi à redresser la situation, et heureusement, cela n’a pas duré longtemps. Il faut rappeler que les Américains ont annoncé, il y a deux semaines à peine, un nouveau régime de sanctions générales visant l’énergie russe, sans distinction selon les pays concernés. Et nous n’étions pas les premiers à demander une exemption. D’autres États l’avaient fait avant nous : par exemple, l’Allemagne, qui avait sollicité une dérogation pour une de ses raffineries. Mais dans notre cas, ce régime général de sanctions nous aurait frappés de plein fouet. Concrètement, cela aurait signifié que dès la fin novembre, chaque foyer hongrois aurait vu sa facture d’énergie multipliée par deux et demi, voire par trois, par rapport à ce qu’il paie en octobre ou novembre. Une hausse insoutenable pour les familles ; et, pour beaucoup d’entreprises, une condamnation à la faillite. Des centaines auraient fermé, des milliers d’emplois auraient été perdus. C’était cela, le danger. Je n’ai pas voulu dramatiser, nous n’en avons d’ailleurs pas beaucoup parlé publiquement. J’en ai parlé avec le sérieux nécessaire seulement dans l’avion, en venant ici. Mais la réalité, c’est que nous étions pris dans un étau, ou, pour le dire autrement, la corde était déjà autour de notre cou. Il fallait trouver une issue, manœuvrer intelligemment pour s’en dégager. Et c’est ce que nous avons accompli aujourd’hui. Nous avons réussi, et, je tiens à le souligner, nous le devons avant tout au ministre Péter Szijjártó, car c’est lui qui a préparé la décision finale. Au moment de l’entretien avec le président, après une discussion plutôt longue, les arguments étaient prêts, solides, convaincants, et ils ont su emporter l’adhésion du président américain. À partir de là, je peux vous dire que des montagnes entières sont tombées des épaules de notre délégation. Nous n’avons plus eu besoin d’élaborer de plans B, C ou D de gestion de crise, parce que, tout simplement, le problème a été résolu.
Eszter Zavaros (TV2) : Bonjour, et merci beaucoup de me donner la parole, Monsieur le Ministre. J’aimerais poser une question au Premier ministre concernant la convention sur la non-double imposition. Sa réactivation figurait parmi les objectifs importants du gouvernement hongrois pour ce déplacement à Washington. Où en est ce dossier ? Une décision a-t-elle été prise à ce sujet ?
Non, aucune décision n’a encore été prise. Le dossier reste en discussion.
Vilmos Velkovics (HírTV) : Monsieur le Premier ministre, le fait que l’organisation du sommet de la paix à Budapest reste à l’ordre du jour, cela veut-il dire que nous nous en rapprochons, ou bien que la situation stagne ? Comment pourrait-on le mesurer… en centimètres, en minutes, en heures ?
Je crois que, lors de la conférence de presse précédant notre entretien, ou était-ce une conversation avec la presse…, le président Trump a répété à deux reprises que nous étions assez proches d’un aboutissement, que cela pourrait survenir bientôt. Mais nous ne sommes pas plus proches aujourd’hui que nous ne l’étions hier ou avant-hier. Les questions ouvertes qui empêchent la conclusion d’un cessez-le-feu ou d’un accord de paix restent exactement les mêmes qu’il y a une ou deux semaines.
Vilmos Velkovics (HírTV) : Donc, il s’agit d’obstacles indépendants de la Hongrie.
Tamás Cs. Király (Ultrahang) : La tentation est grande de vous demander où est Karoline… Mais je ne poserai pas cette question. Je voudrais plutôt comprendre : si j’ai bien suivi, les sanctions américaines ne visaient pas directement les pipelines, mais les entreprises énergétiques elles-mêmes. Dans ce cas, comment cela va-t-il fonctionner ? Le pétrole et le gaz russes, ceux de Lukoil ou d’autres compagnies, pourront-ils continuer à arriver par ces conduites ?
Oui.
Tamás Cs. Király (Ultrahang) : Merci beaucoup !
Voilà pourquoi c’est un art.
Tamás Cs. Király (Ultrahang) : Donc, pour être clair : les entreprises russes sont elles aussi exemptées des sanctions, du moins pour ce qui concerne la Hongrie ?
Disons que nous avons présenté une proposition qu’ils ont pu accepter facilement, mais dont les bénéfices pour nous sont immenses. En effet, tout peut circuler dans ces pipelines.
Máté Kulifai (Hetek) : Monsieur le Premier ministre, pendant la conférence de presse, vous avez laissé entendre que vous aviez des idées ou des propositions pour rapprocher les parties dans le conflit en Ukraine. En avez-vous parlé avec le président Trump ? Lesquelles d’entre elles pourraient être rendues publiques ? Et comment le président américain a-t-il accueilli ces idées ?
Oui, j’ai bien formulé des propositions, mais nous n’en parlerons pas encore publiquement.
Csongor Gáll (Index) : Monsieur le Premier ministre, il y a environ un mois, lors de notre dernière rencontre, vous disiez que la Hongrie était l’un des rares pays d’Europe où les États-Unis investissent plus d’argent qu’ils n’en retirent. Après les accords signés aujourd’hui, est-ce toujours le cas ? Et j’aimerais vous poser une question plus concrète, qui revient souvent : « Très bien, mais est-ce que cela rendra le pain moins cher ? » En d’autres termes, que signifient ces discussions, en termes simples, pour les familles hongroises ?
Je le répète : si cet accord n’avait pas été conclu aujourd’hui, les ménages hongrois auraient vu leurs factures d’énergie multipliées par deux ou trois dès le mois de décembre. C’est ce danger-là que nous avons réussi à éviter. Et les investissements américains, eux, créent des emplois : des emplois stables, bien rémunérés, qualifiés, donc ils améliorent le niveau de vie en Hongrie. Il faut aussi rappeler que la Hongrie investit désormais elle aussi aux États-Unis. Ce n’est pas un hasard si plusieurs entrepreneurs hongrois sont ici aujourd’hui : nos entreprises investissent des montants considérables outre-Atlantique. On en parle moins, mais la Hongrie a dépassé le stade où elle ne faisait qu’accueillir des capitaux étrangers. Désormais, nous investissons également, ce qui est une réalité. Non seulement on investit chez nous, mais nous investissons également ailleurs, notamment aux États-Unis. Ce n’est pas un hasard si j’ai demandé aux dirigeants de nos grandes entreprises de m’accompagner : je suis convaincu que jamais encore les conditions n’avaient été aussi favorables, sur les plans politique et économique, pour que les Hongrois fassent de bonnes affaires aux États-Unis. Nous avons désormais ouvert toutes les portes. Notre étoile est haute, la Hongrie est respectée, et le soutien politique dont nous bénéficions aux États-Unis est visible de tous. À présent, s’il existe de bonnes propositions, des hommes d’affaires talentueux et des projets d’investissement, il est possible de les concrétiser aux États-Unis. Les Hongrois peuvent désormais faire des affaires aux États-Unis. C’est une opportunité unique, et c’est bien sûr une bonne nouvelle pour l’économie hongroise.
Dániel Kacsoh (Mandiner) : Si je comprends bien, la décision américaine d’exempter la Hongrie des sanctions sur le pétrole russe aura forcément un impact sur la politique européenne en matière de sanctions. En effet, il existe désormais un pays européen qui bénéficie d’une dérogation américaine. Avez-vous déjà reçu des appels de vos homologues européens, intéressés à rejoindre ce cercle restreint dont la Hongrie fait pour l’instant seule partie, sachant qu’il n’est pas certain que cette décision ait des conséquences négatives uniquement pour nous ?
Je préfère ne pas réfléchir avec la tête des autres. Je le ferai à la maison. Tout ce que je peux dire pour l’instant afin que les choses soient claires, c’est qu’il existe deux régimes de sanctions concernant l’énergie. L’un américain, et l’autre européen, celui de Bruxelles. Ce dont nous avons parlé aujourd’hui, c’est du système américain ; et nous venons d’en sortir. Quant au système européen, la bataille continue : comment et à quel point nous pourrons y échapper, c’est une autre partie du match, qui se jouera à Bruxelles, probablement en décembre.
Andrea Hagyánek (origo.hu) : Monsieur le Premier ministre, quelle est l’opinion du président Trump sur l’issue possible de la guerre, et comment évaluez-vous, l’un et l’autre, les perspectives de paix ?
Voyez-vous, c’est toujours très instructif pour moi, non seulement ici à Washington, mais aussi lorsque je parle avec des dirigeants européens. Car il y a quelque chose qui, pour nous Hongrois, me semble presque évident. Peut-être que je me trompe, peut-être que ce n’est pas partagé aussi largement que je le crois, mais je pense que pour la plupart d’entre nous, cela va de soi : l’Ukraine ne peut pas vaincre militairement la Russie. C’est, pour un Hongrois, aussi évident que l’alphabet ou les tables de multiplication. Et pourtant, ici aux États-Unis comme dans certains grands pays européens, on pose encore la question comme si l’issue était incertaine : « Qui va gagner ? » Il existe vraiment cette idée selon laquelle l’Ukraine pourrait remporter la guerre sur le front contre la Russie. Et on me demande souvent quelle est la position hongroise à ce sujet, comment nous analysons la situation, ce que nous en pensons. Eh bien, je ne peux que répéter ce que j’ai dit aujourd’hui au président américain. Les Ukrainiens peuvent-ils gagner ? Des miracles, ça existe…
István Pócza (Mandiner) : Monsieur le Premier ministre, le président Trump a mentionné que l’Union européenne suit une voie différente sur plusieurs sujets. Et vous avez répondu que vous alliez gérer cette question. Le président américain a-t-il exprimé le souhait de s’impliquer davantage dans la politique européenne ?
Le président des États-Unis s’intéresse naturellement à la politique européenne, c’est tout à fait normal, puisque nous faisons partie du même camp allié, de cette coopération transatlantique à deux piliers : les Européens s’intéressent à ce qui se passe en Amérique, et les Américains s’intéressent à ce qui se passe en Europe. C’est la logique même d’une alliance. Mais ce que je voulais rendre clair, c’est que je ne demande jamais d’aide extérieure pour régler nos différends au sein de l’Union européenne. Nous sommes assez forts, bien positionnés, et nous disposons de suffisamment d’outils pour défendre nos intérêts par nos propres moyens nationaux. C’est cela que je voulais dire dans les quelques phrases auxquelles vous faisiez allusion. Ce que j’ai compris aujourd’hui, c’est que les États-Unis n’ont pas l’intention d’intervenir dans les affaires européennes. Il y a des dossiers importants pour les deux parties, sur lesquels nous partageons parfois la même opinion, et d’autres où nos points de vue divergent. Et, lorsqu’il y a divergence, les Américains veulent gagner le débat face à l’Europe. Je pense, pour ma part, que la bonne approche européenne, c’est de mettre sur la table des propositions communes, dans le cadre du partenariat américano-européen, qui soient bénéfiques aux deux parties, qui ne condamnent pas l’Europe à la défaite, tout en permettant aux États-Unis d’obtenir ce qu’ils souhaitent. C’est ce qu’on appelle une situation gagnant-gagnant. Et il est toujours possible d’en créer. Je trouve que l’Union européenne a très mal négocié l’accord commercial sur les droits de douane conclu avec les États-Unis. C’est, à mes yeux, un accord de piètre qualité, techniquement faible, honteux même. Je suis convaincu que certaines grandes capitales européennes, et pas seulement Budapest, auraient pu proposer des positions bien plus solides, et parvenir à un bien meilleur accord que celui que la bureaucratie bruxelloise a signé. Mais cela ne veut pas dire que l’un de nous s’immisce dans les affaires de l’autre. Simplement, il existe des domaines où nos intérêts diffèrent, et leur coordination exige un effort intellectuel et politique considérable. Et, sur ce terrain-là, l’Europe ne performe pas bien du tout : pour le dire franchement, les Américains nous roulent littéralement dessus. C’est la réalité d’aujourd’hui.
Ákos Bittó (Blikk) : Monsieur le Ministre, ma question concerne le domaine spatial. La Hongrie va-t-elle continuer à investir dans les technologies de l’espace ? si je ne me trompe pas, nous sommes sur le point de conclure un accord avec une entreprise américaine spécialisée dans ce domaine. Alors, pour dire les choses simplement : y aura-t-il une station spatiale hongroise ? Et quand aurons-nous un nouvel astronaute hongrois ?
Péter Szijjártó : Je peux répondre ?
Bien sûr !
Péter Szijjártó : Aujourd’hui, nous avons rencontré les dirigeants de Voyager Technologies, une entreprise américaine qui est la première à avoir entrepris la construction d’une station spatiale commerciale. Selon les prévisions actuelles, cette station sera mise en orbite en 2029. Comme vous le savez, la durée de vie de la Station spatiale internationale touche à sa fin, et il faut donc préparer la prochaine génération de stations. Voici ce que nous avons convenu aujourd’hui : après 45 ans, la Hongrie a de nouveau réalisé une mission spatiale habitée, cette année, et cela nous a redonné un nom dans le secteur spatial international. Sans aucune prétention, on peut dire que désormais, ce ne sont plus nous qui cherchons des partenaires, mais des partenaires viennent également vers nous. L’accord conclu avec Voyager Technologies prévoit que les entreprises spatiales hongroises contribuent à la construction de la nouvelle station spatiale commerciale qui sera lancée, et que Voyager réalise en conséquence des investissements en Hongrie. Nous allons aussi coopérer à la formation du prochain astronaute hongrois, et mener ensemble des programmes de recherche et d’expérimentation dans l’espace, avec leur suivi scientifique sur Terre. Lors de la mission habitée réussie de cette année, nous avons formé un deuxième astronaute, qui a suivi exactement la même préparation que celui qui a volé. Ne pas lui permettre de partir à son tour serait une occasion perdue considérable. C’est donc une grande coopération hongro-américaine, qui ouvre une nouvelle dimension dans nos relations. Après le nucléaire, le spatial devient un nouveau chapitre de cette success story.
Péter, me permets-tu d’y ajouter quelque chose ? Nous avons principalement discuté de l’énergie jusqu’à présent. Cependant, l’énergie n’est pas l’avenir. L’industrie et l’économie de demain se trouvent ailleurs. C’est de cela que nous avons longuement discuté aujourd’hui, et que nous continuerons à discuter, avec les Américains et d’autres partenaires, dans les mois à venir. Le monde entier est à l’aube d’une révolution technologique d’une rapidité inédite. Nous pensons en comprendre les grandes lignes, et nous voulons nous y insérer pleinement. L’intelligence artificielle, l’industrie spatiale, les télécommunications, voilà quelques-uns de ces secteurs clés. Et l’énergie n’est qu’un prérequis de tout cela. Car, dans ce nouvel ordre technologique qui se dessine sous nos yeux, la demande en énergie va exploser, non pas pour chauffer nos foyers, mais pour faire tourner les infrastructures numériques du futur. Les immenses bases de données qui seront au cœur de la nouvelle économie mondiale exigent des quantités colossales d’énergie pour être stockées, traitées et exploitées. Aujourd’hui, nous avons parlé d’énergie, mais ce n’est pas un but en soi, seulement un moyen. L’objectif, c’est de bâtir une économie hongroise moderne, du XXIe siècle. C’est pourquoi nous négocions sur le spatial, la défense et les technologies les plus avancées. Et il faut parfois, même si chez nous tout est interprété à travers le prisme électoral, il faut savoir lever les yeux pour voir que la Hongrie doit transformer profondément son économie si elle veut rester parmi les nations du monde moderne. Intelligence artificielle, exploration spatiale : voilà les directions à suivre. Alors oui, pour le moment, des mots comme « industrie spatiale » peuvent sembler sortis d’un film de science-fiction, mais ils feront bientôt partie de notre réalité technologique quotidienne. Et c’est pour cela qu’il faut être présents dès aujourd’hui dans ces projets. Merci, Péter !
Péter Szijjártó : Merci, Monsieur le Premier ministre ! Merci à vous tous pour votre patience, et merci aussi à celles et ceux qui nous ont suivis en direct depuis la Hongrie, à cette heure déjà tardive. Merci de votre attention, et à très bientôt – chez nous, à Budapest. Au revoir !
Bonne soirée à tous ! Au revoir !