Bonjour, Mesdames et Messieurs,
Chers participants de l’Université d’été,
Nous voici réunis pour ce qui sera, dans le cycle gouvernemental actuel, notre dernier exposé ici : un discours de clôture de mandat. Mon intention, c’est que l’an prochain, nous nous retrouvions pour une allocution d’ouverture de nouveau cycle. Clôture d’un cycle signifie aussi, d’une manière ou d’une autre, faire un bilan. Je n’y échapperai pas. D’autant que le monde marche sur la tête, et que l’actualité est agitée, passionnante même, ce qui me donne beaucoup à dire. Le temps, lui, est compté. Et notre modérateur est strict. Je vous propose donc de commencer par les points d’actualité incontournables, et de plonger ensuite dans des eaux plus profondes. Voyons jusqu’où nous pouvons aller – ou plutôt, jusqu’où vous pouvez tenir, en plein soleil.
Premier point d’actualité : les élections de l’an prochain, en Hongrie. La démocratie, c’est cela : chaque élection est ouverte. C’est ce qui en fait la beauté, mais aussi le danger. Il n’existe aucune garantie. Celui qui veut des garanties de victoire s’est trompé d’adresse. Ce sera la décision des citoyens. Aujourd’hui, je peux vous dire que, selon nos propres sondages internes, à huit mois du scrutin, si les élections avaient lieu dimanche prochain, nous remporterions 80 des 106 circonscriptions individuelles. Ce serait une victoire nette, une majorité écrasante, mais je ne m’en contente pas. Je vous demande de ne pas l’être non plus, puisqu’en 2022, nous avons remporté 87 circonscriptions électorales. Pourquoi devrions-nous nous contenter de moins en 2026 ? Nous ne nous contenterons pas de moins ! Rappelez-vous : à chaque élection hongroise, ce sont toujours les Hongrois de l’étranger qui ont le plus à perdre. Il y a toujours deux destins qui s’opposent. L’opposition hongroise, aux ordres de Bruxelles, a clairement énoncé son credo lorsqu’elle est venue à Nagyvárad (Oradea) : elle a simplement déclaré que c’était « une terre roumaine ». Ceux qui ont des oreilles pour entendre comprendront ce que cela signifie. Nous, nous représentons l’exact contraire. Nous disons que l’État a des frontières, mais la nation n’en a pas. C’est pourquoi l’on peut toujours compter sur un gouvernement national : nous défendons les Hongrois, nous continuerons à nous battre pour vous aussi, et je vous invite à vous battre, vous aussi, pour votre avenir.
Deuxième point d’actualité : avant-hier, mercredi soir, j’ai eu un entretien avec le nouveau Premier ministre de Roumanie. Je voudrais en dire quelques mots. C’est mon 24ème homologue. Mais nous, les Hongrois, nous n’avons pas totalement perdu le sens de l’équité, j’espère. Il faut donc ajouter que, dans le système politique roumain – contrairement au nôtre, ce n’est pas la stabilité gouvernementale ou la permanence du chef de gouvernement qui assurent l’équilibre, mais celle du président de la République. Il faut donc manier ces chiffres avec prudence. Les Roumains ont eux aussi les capacités politiques nécessaires pour assurer la stabilité de leur propre système. Je peux vous dire que j’ai rencontré un homme politique de poids, un homme originaire de Nagyvárad (Oradea), qui évolue dans le même système de références et les mêmes codes culturels que nous. J’ai rencontré un patriote roumain, qui se battra pour les intérêts nationaux de la Roumanie, cela ne fait aucun doute, mais qui souhaite également des réussites communes entre la Roumanie et la Hongrie, qui y a un intérêt, et qui agira en ce sens. Il y a donc une vraie chance de coopération, si la Roumanie parvient à maîtriser la situation économique difficile dans laquelle elle se trouve – situation que je ne suis pas en position d’évaluer, mais je peux dire que j’ai rencontré un Premier ministre capable de relever ce défi.
Troisième actualité : l’opinion publique hongroise a été troublée par notre décision d’interdire l’entrée sur le territoire d’un groupe de rock antisémite et faisant l’apologie du terrorisme. Il est important de rappeler que la Hongrie est une île de liberté et de paix dans un monde bouleversé ; chez nous, il est inacceptable d’agresser qui que ce soit en raison de ses origines ou de sa religion, même verbalement. Les organisateurs auraient pu faire preuve d’un minimum de bon sens, ne pas les inviter, et ne pas mettre la Hongrie dans une telle position. Mais cela révèle un phénomène bien visible dans le monde du show-business en Hongrie. L’un traite ceux qui ne lui plaisent pas de protozoaires, l’autre tire une balle dans la tête du Premier ministre sur scène, le troisième invite un groupe antisémite, pro-terroriste. Quelque chose, manifestement, a dérapé dans le show-business hongrois à l’approche des élections. Je comprends bien que tout le monde vit de quelque chose, certes, mais il y a des limites à ce qu’on est prêt à faire pour de l’argent.
Quatrième actualité : je profite de cette occasion, de l’attention accrue de ce jour, pour annoncer le lancement des cercles citoyens numériques. Nous avons déjà fondé le premier cercle citoyen numérique. Quand je poserai ce micro à la fin de mon discours, ce cercle numéro un sera actif, avec un site web opérationnel et toutes les informations disponibles en ligne. La création de ces cercles citoyens numériques a une importance pour les élections, mais va bien au-delà. Nous, communauté de droite, citoyenne, chrétienne, conservatrice et nationale, devons en Hongrie aussi faire quelque chose de ce que l’on appelle l’espace virtuel. Aujourd’hui, cet espace est un territoire hostile, et cela ne peut pas durer. Nous avons besoin d’une force citoyenne numérique ! Vous l’avez sans doute remarqué : quelque chose a changé dans le monde ces quinze dernières années. Nous avons remplacé les cafés par des webcams, les réunions entre amis par des forums, les conversations par des fenêtres de chat. Aujourd’hui, si quelque chose ne naît pas sur Internet, il n’ira nulle part. Ce changement a balayé tout l’Occident. Il n’a rien de spécifiquement hongrois. Mais ce qui, en revanche, est proprement hongrois, a grossièreté, les insultes, le trolling et la violence numérique. Celui ou celle qui assume des convictions civiles, non de gauche, non progressistes, non libérales, est immédiatement pris pour cible : on l’attaque, on le ridiculise, on l’humilie. Le monde numérique est dominé par le trolling, la destruction, la division, et les communautés bâties sur cette logique. Nous devons donc réagir : il faut réorganiser nos communautés pour les adapter à l’ère moderne. Il faut accepter une réalité simple : une communauté ne fonctionne plus sans ancrage numérique. Il faut créer un contrepoids à la culture de la dévastation : une culture de la construction, de l’édification du pays, de la création, et de l’amour de la patrie, y compris dans l’espace numérique. Contre l’agression numérique de Tisza, nous avons déjà lancé le Club des Combattants, c’est important, mais le combat n’est pas fait pour tout le monde. Beaucoup en ont assez des conflits. Il faut donc un lieu, un espace aussi pour ceux qui ne veulent pas s’engager dans des batailles politiques directes, mais qui veulent tout de même prendre part à l’édification du pays. Il faut un espace, un soutien, une protection politique et communautaire. Il faut de nombreux cercles citoyens numériques.
Chers Participants du Camp,
Tout cela a aussi une signification du point de vue de la souveraineté nationale, car les globalistes, les forces de gauche, les partisans de la guerre sont déjà en train de sévir dans l’espace numérique. Nous aussi, nous avons besoin d’une conquête numérique. Il nous faut créer notre système immunitaire, il nous faut formuler notre propre code moral et notre propre algorithme national. En avant, cercles citoyens numériques !
Cinquième actualité : un débat agite actuellement la Hongrie : qu’est-ce que les Hongrois ont gagné avec la victoire de Donald Trump ? J’aimerais y répondre et vous dire ceci : d’abord, grâce à sa victoire, nous avons évité la guerre mondiale, pour l’instant. Ensuite, la discrimination politique à l’égard de la Hongrie a été supprimée, les sanctions économiques contre la centrale nucléaire de Paks ont été levées, ce qui nous permet d’achever le chantier, et enfin, les investissements américains ont commencé à affluer en Hongrie : quatre projets remarquables dans le domaine de la recherche-développement sont déjà réalisés, et trois nouveaux sont attendus en septembre.
Eh bien, chers Participants du Camp, c’est à ce moment-ci que nous disons au revoir aux curieux occasionnels et aux journalistes, et que nous plongeons au cœur des sujets sérieux. Y aura-t-il une guerre mondiale ? Il n’y a pas de réponse certaine. Avec l’arrivée du président Trump, la probabilité a diminué, mais elle n’a pas disparu. Ce que j’observe dans les relations internationales, c’est que le monde entier ressent le vent froid de la guerre à venir. Permettez-moi de vous présenter une étude européenne : la question posée était la suivante : « Une troisième guerre mondiale éclatera-t-elle dans les cinq à dix ans ? » Français : oui – 55 % ; Espagnols : oui – 50 % ; Italiens : oui – 46 % ; Américains : oui – 45 % ; Britanniques : oui – 41 % ; Allemands : oui – 41 %. Et pendant ce temps-là, des dizaines d’analyses, d’essais et de livres paraissent sur le risque de troisième guerre mondiale. Ce que je veux vous dire, c’est que le vent de tempête ne débouche pas toujours sur une tempête. Mais des ombres de mauvais augure s’accumulent. J’ai rassemblé les signes avant-coureurs que l’on avait pu identifier avant les précédentes guerres mondiales. En effet, les guerres mondiales n’éclatent que rarement par surprise : ce sont des processus qui y conduisent. Voici les signes que j’ai trouvés : avant chaque guerre mondiale, la rivalité entre grandes puissances s’intensifie. J’en avais parlé ici il y a deux ans, vous vous souvenez sans doute : « Il y a deux soleils dans le ciel ». Aujourd’hui, je vous dis ceci : s’il est question de guerre, ce ne sont plus deux, mais trois soleils qui brillent dans le ciel. Avec la guerre russo-ukrainienne, la Russie est revenue sur la carte du monde. Il y a désormais trois astres majeurs dans le ciel : la Russie, la Chine et les États-Unis. Le Conseil de sécurité de l’ONU a cinq membres permanents. Parmi eux, les Français et les Britanniques représentent une catégorie inférieure en termes de puissance nucléaire. Il ne reste que trois puissances militaires majeures parmi les membres du Conseil : les Russes, les Chinois et les Américains. Un autre signe avant-coureur, c’est que le nombre de conflits armés augmente toujours avant une guerre mondiale. En 1990, on recensait 111 conflits armés dans le monde. En 2024, on en compte 184. Depuis 2010, le nombre de conflits impliquant directement des États, pas seulement des groupes armés, a doublé. Avant chaque grande guerre, on observe aussi une intensification de la course aux armements. J’ai regardé les chiffres : entre 1990 et 2025, les dépenses militaires mondiales ont été multipliées par 1,5, et le chiffre d’affaires des cent plus grandes entreprises d’armement du monde a lui aussi été multiplié par 1,5. De plus, cette course aux armements est en grande partie financée à crédit. Autrement dit, les armes sont considérées comme des investissements. Le retour sur investissement d’une arme, c’est la guerre elle-même. Autre signe annonciateur d’un conflit mondial : le blocage de l’économie mondiale. C’était déjà le cas avant les deux premières guerres mondiales.
Les grands blocs géopolitiques ferment alors leurs marchés les uns aux autres. J’ai compté : en dix ans, le nombre de mesures restreignant le libre-échange dans l’économie mondiale a été multiplié par cinq. Et enfin, l’accélération des déplacements de population, que nous appelons aujourd’hui migration, est également un signe avant-coureur. Par rapport à 1990, la migration globale a doublé : elle concerne aujourd’hui 300 millions de personnes. Donc, ce que je peux dire, avec tout le sens des responsabilités, concernant cette question peut-être la plus importante de toutes, y aura-t-il une troisième guerre mondiale, c’est que la probabilité d’une guerre mondiale ne cesse de croître.
Qu’est-ce que cela signifie pour les Hongrois ? Première conséquence : des nerfs d’acier, de la sérénité, un calme stratégique. Par exemple, même si Bruxelles devait marcher sur la tête, il ne faut pas intégrer l’Ukraine à l’Union européenne, parce que cela reviendrait à importer la guerre au sein de l’Union. Deuxième conséquence de cette situation : nous devons redoubler d’efforts en faveur de la paix. La diplomatie et l’influence politique de la Hongrie ont, cela va sans dire, leurs limites. Je l’ai moi-même constaté il y a un an, lorsque je me suis rendu à Kiev pour rencontrer le président Zelensky, dans l’espoir de le convaincre d’un cessez-le-feu, voire, qui sait, de l’ouverture de pourparlers de paix, en avançant un argument simple, que tout le monde peut comprendre : dans la guerre entre la Russie et l’Ukraine, le temps ne joue pas en faveur de l’Ukraine. Je lui ai donc dit, c’était il y a un an, qu’il serait préférable d’instaurer un cessez-le-feu le plus rapidement possible, car plus la guerre se prolonge, plus l’Ukraine subira de lourdes pertes. Le temps, ai-je dit, n’est pas de votre côté. La réponse qu’il m’a donnée montre bien les limites de notre influence : selon lui, je me trompais. Le temps, a-t-il affirmé, jouait justement en faveur de l’Ukraine, la guerre devait continuer, et ils la gagneraient. Cela montre clairement que, même si cela vaut la peine que la Hongrie poursuive des efforts de paix au niveau mondial, nous devons concentrer nos forces avant tout sur la paix régionale, sur notre voisinage immédiat. Nous devons conclure des alliances de paix avec tous ceux qui le souhaitent. Nous en avons avec les Serbes, avec les Slovaques, j’espère que nous en aurons avec les Roumains, peut-être avec les Tchèques après les élections, la Pologne est déjà à moitié revenue, et il ne faut pas renoncer aux Autrichiens non plus. Ce sont ces alliances régionales pour la paix que nous pouvons construire, et c’est ce que nous pouvons faire concrètement pour préserver la paix.
La troisième conséquence du risque de guerre, c’est que nous devons nous préparer à rester en dehors d’un éventuel conflit. C’est ce que je m’efforce de faire depuis des années ; c’est le principe directeur de la politique étrangère hongroise au plus haut niveau d’abstraction. Être en dehors de la guerre ne se décrète pas. Ce n’est pas une simple déclaration d’intention. Il faut savoir comment en rester à l’écart. Cela s’apprend. Il y a cinq piliers à cette compétence. Si nous voulons rester à l’écart, nous devons nous y préparer. Le premier prérequis, la première tâche, est de ne pas être vulnérables, c’est-à-dire entretenir de bonnes relations avec tous les centres de pouvoir du monde. Aujourd’hui, sur les six grands centres de pouvoir à l’échelle mondiale, nous entretenons de bonnes relations avec cinq. Un seul fait exception. Nous sommes en bons termes avec les Américains, les Russes, les Chinois, les Indiens et le monde turcique. Et nous ne sommes pas en bons termes avec Bruxelles. Quand je dis qu’il faut entretenir de bonnes relations avec tout le monde, je ne pense pas à lever un verre ensemble pour se promettre une amitié mutuelle de principe, ni même à une quelconque sympathie politique. Ce que je veux dire, c’est que chaque grande puissance doit avoir un intérêt économique et matériel dans la réussite de la Hongrie, de sorte qu’aucune ne soit intéressée à sa destruction ou à son affaiblissement.
La condition suivante pour rester en dehors d’une guerre, c’est d’avoir la force de se défendre. Et là, il nous reste encore du travail ! Certes, les dépenses de défense ont déjà atteint 1 750 milliards de forints. Nous avons mis en place un réseau de centres de l’industrie de défense. Si vous regardez la carte, vous verrez : Győr, Zalaegerszeg, Kaposvár, Várpalota, Kiskunfélegyháza, Gyula. Nous avons acheté des hélicoptères de combat et des avions de transport, et nous développons également les forces terrestres. Nous participons même à des projets internationaux de développement technologique militaire de pointe. L’armée hongroise doit acquérir une supériorité technologique : nous avons besoin d’une armée de précision, capable d’assurer notre défense. Il reste encore beaucoup à faire.
La troisième condition pour qu’un pays puisse rester en dehors d’une guerre, c’est de développer ses capacités de résistance aux crises, que l’on peut appeler plus simplement « capacité d’autosuffisance ». Il faut être autosuffisant dans quatre domaines si l’on veut rester à l’écart d’un conflit : l’industrie de défense, l’énergie, l’alimentation et les capacités numériques. Je ne vais pas les détailler tous maintenant, puisque nous en avons déjà parlé. Je voudrais simplement m’attarder sur un point : la capacité numérique. L’émergence de l’intelligence artificielle est en train de tout changer. Une compétition mondiale est en cours, au point que les États-Unis et la Chine la suivent de mois en mois, avec des indicateurs chiffrés précis, pour savoir qui est en avance dans l’usage de l’intelligence artificielle, et de combien de mois l’autre est en retard. L’enjeu est immense. Nous n’en mesurons peut-être pas encore pleinement les conséquences, mais l’intelligence artificielle transforme le monde du travail, la structure de l’économie, les soins de santé, les transports, la stratégie militaire et même l’administration publique. Que nous y croyions ou non. On peut en plaisanter en disant que nous ne voulons pas conquérir l’intelligence artificielle, mais l’intelligence naturelle, mais la vérité, c’est que tout ce qui peut être optimisé par calcul, par algorithme, par analyse de données, le sera. Ce travail, nous devons le mener nous-mêmes, dans un cadre national, parce que l’Union européenne, dans cette course, ne vaut rien. Si nous attendons l’Union européenne pour développer nos capacités hongroises en matière d’intelligence artificielle, nous n’irons nulle part. Il nous faut donc nous préparer à entrer dans cette course de manière autonome, à devenir un acteur régional de premier plan, et à coopérer avec les autres pays de la région.
Le quatrième pilier, ou quatrième condition pour rester en dehors de la guerre, c’est la supériorité en ressources humaines. Ce qu’on appelait autrefois, dans la pensée de Klebelsberg, la « supériorité culturelle ». Il est important de rappeler qu’aujourd’hui, en Europe, la Hongrie est le pays qui consacre la plus grande part de son produit national brut à l’éducation, en ce qui concerne l’enseignement supérieur, c’est certain ! Nous faisons partie de l’élite européenne en matière de formation professionnelle. Trois universités hongroises figurent parmi les 2 % les mieux classées au monde, et neuf parmi les 5 % premières.
Le cinquième pilier et condition pour rester en dehors de la guerre, c’est un plan à long terme, un plan qui assure la stabilité politique nécessaire pour ne pas être entraînés dans la guerre. Un plan qui dépasse les cycles électoraux et, si possible, les générations elles-mêmes. Au cœur de ce plan, nous devrions établir un consensus national en Hongrie autour de l’idée suivante : nous ne devons nous enfermer dans aucun bloc. Nous faisons partie de l’alliance occidentale, mais nous devons aussi avoir notre place dans l’économie orientale. Ce n’est pas une question d’ouverture, c’est une question d’équilibre. La politique étrangère hongroise et la stratégie nationale hongroise doivent viser à maintenir l’équilibre, si nous voulons survivre comme nation, comme nation hongroise, dans les décennies à venir.
Après avoir parlé du risque de guerre mondiale, revenons à l’Europe. Y aura-t-il une guerre européenne ? L’ombre menaçante d’une guerre mondiale se profile, mais quant à l’Europe, la guerre n’est pas à venir : elle est une réalité. Il n’y aura pas de guerre européenne : il y a une guerre européenne. La guerre russo-ukrainienne est une guerre européenne. En réalité, l’Europe joue avec le feu – ou, pour mieux dire, avec l’enfer – depuis 2014, depuis le conflit en Crimée, si vous vous en souvenez. Le conflit russo-ukrainien est présenté par les politiques occidentales comme un affrontement entre démocratie et régime autoritaire. Je ne sais pas s’ils y croient vraiment ou si ce n’est qu’un discours, mais une chose est sûre : cela n’a aucun rapport avec la réalité ; ou, si cela en a un, ce n’est en tout cas pas pertinent dans le contexte de cette guerre. Car ce qui est réellement en jeu ici, ce n’est pas la démocratie, mais l’idée que l’Ukraine puisse appartenir à l’Occident ; et cette idée signifie, de fait, un bouleversement de l’équilibre des forces entre l’Occident et la Russie. Lorsqu’un équilibre des forces est rompu, surtout s’il est de nature militaire, comme c’est le cas avec la perspective d’une adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, cela devient une crise existentielle pour les puissances impliquées. Et elles réagissent en conséquence. L’Occident n’a pas compris cela, et en voulant attirer l’Ukraine dans son orbite, ou, pour être plus indulgent, en acceptant l’aspiration de l’Ukraine à s’en rapprocher, il a déclenché une spirale de guerre. Il est important de nous rappeler que, bien sûr, il semble naturel pour une nation de vouloir appartenir à un ensemble comme l’Occident. Et il semble tout aussi naturel que cet ensemble, l’Union européenne ou l’OTAN, par exemple, lui réponde : « Bienvenue ! » Mais seuls les amateurs pensent ainsi. En effet, tout mouvement de ce type rompt l’équilibre des forces, et cela entraîne mécaniquement, parce que c’est une question existentielle, une question de sécurité, une réaction immédiate de la partie adverse. La leçon que l’Occident devrait en tirer, c’est qu’une guerre peut naître même de la bonne volonté, si cette bonne volonté se manifeste au mauvais endroit et de la mauvaise manière. Ouvrons ici une parenthèse pour saluer le génie de Helmut Kohl, qui a su mener à bien la réunification allemande, l’un des événements les plus décisifs des trente dernières années. Il a su porter cette bonne cause, au bon moment, au bon endroit, de la bonne façon. En revanche, l’aspiration à attirer l’Ukraine vers l’Occident a été portée au mauvais moment, au mauvais endroit, par les mauvais moyens, et cela a fini en guerre.
Autrement dit, Mesdames et Messieurs, je dois dire que cette guerre, la guerre européenne, n’a pas été une décision. Et si une guerre mondiale devait éclater, ce ne serait pas non plus une décision claire, identifiable, mais bien un aboutissement. Le système mondial est fragile. Dans notre métier, c’est un lieu commun de dire que celui qui a inventé l’ordre mondial a aussi inventé son effondrement. De la même manière que celui qui invente le train invente aussi l’accident de train. C’est exactement le cas ici. Et si l’ordre mondial s’effondre, alors il ne restera que des zones régionales de survie. La vraie question est alors la suivante : à quoi ressemblera la zone de survie européenne, c’est-à-dire l’Union européenne, dans cinq ou dix ans, alors que nous nous sommes autant impliqués dans la guerre en Ukraine ? Ce que je peux vous dire repose sur l’expérience directe que j’ai acquise lors des derniers sommets des chefs de gouvernement européens. Elle a décidé que même si les États-Unis se retirent, elle poursuivra le soutien à l’Ukraine. Et cela, pour moi, est une immense déception, car l’Union européenne, fondée comme projet de paix, est en train de se transformer en un projet de guerre. La Hongrie, elle, a décidé qu’elle n’ira pas à la guerre. L’Union européenne, elle, a décidé que la Hongrie devait aller à la guerre. Et pour que la Hongrie entre en guerre, l’Union européenne a également décidé qu’il fallait à Budapest un gouvernement pro-ukrainien et pro-Bruxelles. Voilà la matrice actuelle de la politique intérieure hongroise. Et nous, nous avons décidé que ni le Tisza, ni la DK ne formeront de gouvernement, parce que nous voulons un gouvernement hongrois national et partisan de la paix.
Cela nous amène à un autre point : l’Union européenne a publié le projet de son budget pour les sept prochaines années. Un vrai pavé. Ceux qui s’y plongent constateront une chose : c’est un budget de guerre. Chaque ligne est rédigée selon la logique de la guerre. 20 % des fonds sont destinés à l’Ukraine. Et ce qu’il en reste ne sera pas consacré au développement, à l’agriculture ou aux agriculteurs, mais à la préparation de la guerre. Ce budget nous parle d’une Union européenne en guerre avec la Russie, qui mène cette guerre sur le territoire de l’Ukraine. C’est le budget d’une Union européenne qui veut vaincre la Russie sur le territoire de l’Ukraine, dans l’espoir qu’une défaite militaire secoue le système politique russe, ouvre la voie à un changement de régime, je cite le président Biden : « Putin must fail », fin de citation, et permette ensuite le retour d’une politique libérale, des temps de Ieltsine, et que les affaires puissent reprendre. Voilà, en résumé, la réponse à la question « pourquoi ? ». Mais la Hongrie n’a aucun intérêt à un budget de guerre. Nous avons besoin d’un budget au service de la paix et du développement. C’est pourquoi nous ne reconnaissons même pas comme base de négociation le projet présenté. Il en faut un autre. Cela dit, les choses sont facilitées par le fait que, d’ici aux élections, personne ne semble vouloir vraiment négocier avec nous. Et après, nous verrons bien, étant donné qu’il faut compter au moins deux ans de discussions. Je voudrais faire une parenthèse sur les fonds européens : qui les rapatrie, et à quel prix ? Nous avons déjà rapatrié la moitié de l’argent qui nous est dû, 12 milliards d’euros, ils sont sur notre compte, et l’économie hongroise les utilise déjà. Mais il faut aussi faire revenir l’autre moitié. Et nous y parviendrons, car le nouveau budget de sept ans ne peut être adopté que par unanimité. Et tant que nous n’aurons pas reçu les fonds qui nous reviennent, il n’y aura pas de nouveau budget européen. Nous les ramènerons, sans faire la moindre concession sur notre souveraineté. La vérité, c’est que le parti Tisza, la DK, et leur tandem aussi ramèneraient cet argent. Je suis même convaincu qu’ils ont déjà un accord avec Bruxelles. Ils recevront les fonds, à condition de soutenir la guerre en Ukraine, d’approuver l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, de mettre en œuvre le pacte migratoire, d’abroger la loi de protection de l’enfance, de supprimer les taxes sur les multinationales, et d’annuler la politique de plafonnement des prix de l’énergie. Autrement dit : ils auront l’argent, en échange de notre souveraineté. C’est leur voie. Moi, je dis : rapatrions l’argent nous-mêmes.
Je dois aussi dire quelques mots sur ce que fait l’Europe et pourquoi elle le fait. Aujourd’hui, l’Europe agit ainsi – les sommets successifs des chefs de gouvernement en ont décidé ainsi : l’Union européenne assume désormais à l’échelle mondiale le rôle de soutien de l’idéologie que l’on peut appeler progressiste ou woke, et contre laquelle le président Trump a mené combat aux États-Unis, l’a emporté, et est en train de la démanteler. L’Union européenne s’est ainsi laissée enfermer dans un rôle où, pour l’administration présidentielle américaine, elle n’est plus une organisation internationale avec laquelle on est en désaccord, mais un adversaire politique. C’est pour cette raison, et je vous le dis à l’aune des litiges douaniers en cours, que l’Union européenne actuelle conclura toujours avec les États-Unis ses accords en dernier, et dans les pires conditions. La direction actuelle de l’Union a placé l’Europe sur une trajectoire imposée, et ce chemin nous mène vers une guerre commerciale, que nous ne pouvons pas gagner. Un changement de direction est nécessaire à la tête de l’Union européenne. Les dirigeants européens pensaient aussi que, en s’opposant aux Chinois aux côtés des États-Unis, cela nous rapprocherait des Américains. Mais cette attente de Mme von der Leyen et des siens s’est soldée par une déception. Résultat : non seulement les relations entre l’UE et la Chine se sont détériorées, mais en parallèle, les États-Unis se désengagent progressivement de la guerre russo-ukrainienne. Leur ultime offre généreuse, pour l’instant, a été la suivante : les Européens peuvent acheter des armes américaines et les transmettre aux Ukrainiens. Voilà où nous en sommes. Cela signifie que Bruxelles, refusant toujours le cessez-le-feu et la paix, entend combler le vide économique, financier et militaire laissé par le retrait des États-Unis. Et ce choix rend impossible toute normalisation des relations avec la Russie. Autrement dit, la situation européenne actuelle se présente ainsi : Bruxelles se prépare à une guerre commerciale, ou froide, avec les États-Unis et la Chine, tout en étant déjà engagée dans une guerre chaude avec la Russie, et elle cherche par ailleurs à pérenniser et intensifier sa participation militaire en Ukraine. Telle est la situation.
Un esprit sain ne peut s’empêcher de poser la question : mais pourquoi ? Quel est le sens de tout cela ? Surtout si, comme nous en sommes convaincus, cela va à l’encontre des intérêts des États membres, et qu’une majorité croissante d’Européens ne soutient plus cette politique. Pourquoi alors persistent-ils dans cette voie ? Je ne peux, bien entendu, offrir que des pistes de réflexion. Le document secret qui apporterait la réponse à cette question n’a pas encore été mis au jour par les « ateliers Rogán ». Nous n’avons donc que nos capacités d’analyse intellectuelle pour nous orienter. Premièrement, il existe un grand dessein fédéraliste. À Bruxelles, la Commission européenne considère chaque crise – qu’elle soit financière, migratoire, sanitaire comme le Covid, ou désormais militaire – comme une opportunité pour avancer vers la construction d’une Europe fédérale, vers les États-Unis d’Europe. À chaque nouvelle crise, la réponse est toujours la même : accroître les compétences de Bruxelles, et rogner davantage celles des États-nations. Chaque crise devient le corps porteur, la fusée d’un nouveau transfert de souveraineté, et la guerre ne fait pas exception.
Deuxièmement, il faut dire la vérité : le système budgétaire de l’Union européenne ne tient plus qu’à coup de finances de guerre et d’emprunts militaires, parce qu’elle a perdu sa compétitivité.
Et troisièmement, on peut aussi envisager que l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne permettrait de garantir les intérêts économiques de certains acteurs dans la région, en y créant un État membre pilotable à distance. C’est en tout cas ce que laisse clairement apparaître le bras de fer actuel entre Zelensky et la Commission européenne. Je veux simplement vous dire ceci : au cours des dix dernières années, nous avons laissé sortir l’Angleterre, et nous voulons faire entrer l’Ukraine. C’est une absurdité sur le plan économique, mais une absurdité qui suit une certaine logique. Pourquoi ? Parce que l’Angleterre est souverainiste, et n’aurait jamais accepté une Europe fédérale, une sorte d’États-Unis d’Europe. L’Ukraine, en revanche, dirait oui. Sortir l’Angleterre, faire entrer l’Ukraine ? C’est insensé, mais ça suit un plan.
Mesdames et Messieurs,
J’aurais long à dire sur ce que nous pouvons faire face à cela, mais, sur l’insistance de Zsolt, je vais laisser cela entre parenthèses pour aujourd’hui. En revanche, je dois encore aborder deux choses importantes. La première, c’est la grande stratégie hongroise. Puisque Zsolt m’a imposé une limite de temps, je n’aurai pas l’occasion ici de l’exposer en détail, de manière sophistiquée ou nuancée. Pour cela, je vous invite plutôt à aller en discuter dans les tentes, dans le cadre de débats sectoriels. Ici, je vais me contenter de vous livrer une synthèse.
Qu’est-ce qu’on entend par grande stratégie hongroise ? Je vais vous le dire dans nos mots à nous, ici, entre nous. Ne vous inquiétez pas, je pourrais le dire de manière bien plus élégante, et en langage bruxellois aussi, si besoin. La grande stratégie hongroise part du fait que nous avons été vaincus en 1920. C’est alors qu’a été entérinée, que s’est scellée notre défaite. Nos ennemis ont alors décidé de notre sort. Et ce qu’ils ont décidé, c’est que la Hongrie serait petite et pauvre. C’est ça, notre sort. Mais nous sommes engagés en politique pour changer ce sort. Et au cœur de notre stratégie nationale, il y a une conviction : la Hongrie sera forte et prospère. C’est le cœur de la stratégie nationale hongroise. Avant que nos voisins ne se précipitent pour rédiger une nouvelle note de protestation diplomatique, je fais une suggestion aux traducteurs : lorsqu’ils arrivent à la phrase « la Hongrie sera grande », qu’ils utilisent le mot great, comme dans la devise du président des États-Unis :² « Make America Great Again! » Surtout pas big, pour éviter les malentendus.
Alors, à quelles questions une grande stratégie hongroise doit-elle répondre ? La première question : d’où viendront les gens ? La deuxième : d’où viendront les matières premières et l’énergie ? La troisième : d’où viendra le capital ? La quatrième : d’où viendra le savoir ? La cinquième : comment serons-nous capables d’assurer notre défense ? Et la sixième : comment faire pour ne pas être exclus des grandes décisions internationales ? Tout cela mériterait un exposé à part entière, que je mets aussi entre parenthèses sur demande de Zsolt, mais je tiens à préciser une chose : nous n’avons pas l’intention d’importer des êtres humains. Nous avons besoin d’une nation soucieuse des familles. En hongrois, le terme ‘soucieuse des familles’ s’écrit en un seul mot, encore un casse-tête pour les linguistes… Ce dont donc nous avons besoin : famille et nation. Ne croyez pas les statistiques de l’Union européenne qui affirment aujourd’hui que la politique hongroise de soutien aux familles se situerait dans le peloton de queue des États membres. Ces évaluations ne prennent en compte que les aides directes, en numéraire. La réalité, c’est que, en intégrant les exonérations fiscales, l’aide au logement, et toutes les mesures existantes, c’est la Hongrie qui consacre le plus d’argent au soutien des familles dans toute l’Union européenne. En ce moment, il se passe en Hongrie quelque chose d’absolument unique à l’échelle du continent – non seulement ça ne se produit pas ailleurs, mais c’est même impensable. Quand j’en parle, je dois souvent répéter, et ce n’est pas à cause de mon anglais approximatif, mais parce que mes interlocuteurs pensent avoir mal entendu. En Hongrie, une femme qui donne naissance à au moins deux enfants est exonérée à vie de l’impôt sur le revenu, quel que soit l’âge de ses enfants. Nulle part ailleurs au monde cela n’existe ! Et aujourd’hui, nous allons proposer aux jeunes une nouvelle possibilité de réaliser une avancée décisive. Vous avez certainement entendu parler du prêt à taux fixe de 3 % pour l’achat d’un logement en Hongrie. Si ce n’est pas le cas, vous en entendrez parler quand la campagne d’information démarrera. Cela signifie que tout jeune Hongrois qui atteint l’âge de 18 ans, donc l’âge adulte, et décide qu’il veut appartenir à la nation, non seulement culturellement ou par attachement aux traditions, mais aussi comme propriétaire, aura la possibilité d’acquérir son propre logement. Les mensualités de ce prêt ne seront pas plus élevées, voire inférieures, au prix d’un loyer ou d’une location. Nous offrons donc une opportunité exceptionnelle aux jeunes. C’est leur chance de devenir partie prenante de la nation, pas seulement en esprit, mais aussi en patrimoine. En un mot, c’est un programme qui renforce les familles, soutient la jeunesse, et consolide la nation. Il démarre maintenant, et j’ai bon espoir qu’il sera un vrai succès.
Et maintenant – on m’y pousse ! – je voudrais aborder un dernier point : pourquoi l’avenir appartient à l’Europe centrale. Et cela, chers Amis, à cause de la migration. Il vaut la peine de se poser la question suivante : pourquoi l’Europe de l’Ouest n’a-t-elle pas su se défendre contre la migration, alors que l’Europe centrale y est parvenue ? Quelques faits pour illustrer la gravité de la situation : en Allemagne, 42 % des élèves sont issus de l’immigration. En France, 40 % des enfants de moins de quatre sont issus de l’immigration. À Vienne, 41,2 % des élèves sont de confession musulmane, contre 34,5 % de confession chrétienne. Voilà ce qui se passe à Vienne, à seulement 230 kilomètres de Budapest. Ces données, et bien d’autres, montrent qu’à l’ouest de chez nous, les pays sont devenus irréversiblement des sociétés mixtes, avec une part croissante de population musulmane. Dans un avenir proche, les grandes villes auront une majorité musulmane, un remplacement démographique s’y opérera. L’Europe restera une destination migratoire. Des communautés d’accueil bien établies sont déjà sur place. Ceux qui viennent en Europe ne viennent pas dans le vide, ils viennent retrouver quelqu’un, quelqu’un qui s’occupera d’eux. Et lorsque l’Afrique se mettra réellement en mouvement, ce qui est devant nous, alors l’Occident, avec un tel degré d’imprégnation migratoire, ne pourra plus se défendre. Il faut le dire : d’ici une dizaine d’années, une des tâches majeures du Premier ministre, du gouvernement majoritaire, de la patrie d’alors, sera de défendre nos frontières occidentales contre la migration. Pas seulement nos frontières du Sud, mais aussi celles de l’Ouest ! Ne lâchons pas cette question, car il n’y a guère d’endroit ailleurs qu’une université d’été, cher Zsolt, où l’on puisse en parler librement : mais pourquoi n’ont-ils pas pu se défendre ? En effet, c’est peut-être la leçon la plus importante pour nous : quel est l’erreur à ne surtout pas commettre ? L’eau chauffe lentement dans la casserole, la grenouille cligne encore des yeux, mais elle n’est déjà plus capable de sauter. Pourquoi n’a-t-elle pas sauté plus tôt ?
En 732 après J.-C., à Poitiers, s’est déroulé le dernier conflit, sur l’axe franco-allemand et au nord de celui-ci (laissons ici de côté les Espagnols et les Italiens du Sud), où la survie d’une nation s’est jouée en lien direct avec la préservation du christianisme. Cela s’est produit il y a 1 300 ans. Depuis 1 300 ans, l’Occident n’a plus fait l’expérience de ce lien existentiel entre foi chrétienne et existence nationale. Si vous perdez le christianisme, nous ne savons pas exactement comment, mais tôt ou tard, vous perdrez aussi votre existence nationale. Ce réflexe ne fait plus partie de leur instinct national. À l’inverse, notre Constitution est très claire : elle reconnaît le rôle du christianisme dans le maintien de la nation. Lorsque je prononce cette phrase en Occident, ce qui m’arrive, ils ne la comprennent pas. Tout simplement, cette phrase n’avait jusqu’à présent aucun sens pour eux… Ils commencent à comprendre, mais il est trop tard ! L’alarme n’a pas sonné dans leur tête, ce réflexe est absent de leur instinct national. Résultat : leur ancien pays, qu’ils connaissaient bien, n’existe plus. La vraie question est : le christianisme peut-il encore nous porter, nous, dans la pression migratoire permanente, et croissante, que nous subissons ?
Je l’ai évoqué : entre 1990 et 2020, la population impliquée dans les mouvements migratoires mondiaux a doublé pour atteindre 300 millions. Si l’on regarde vers l’Afrique, on comprend aisément ce qui se prépare là-bas, et quelle épreuve attend l’Europe. Je réfléchis souvent à la relation entre christianisme et politique, dans le contexte de la migration. Je vous épargne une conférence entière, mais je dirai ceci : il existe selon moi trois états fondamentaux dans cette relation. Il y eut un moment, au passé, où la majorité des nations européennes possédait une foi vivante. Pas une religiosité de façade, ni un simple vernis culturel : une foi vécue. C’est ce que j’appelle le christianisme de foi. La sécularisation l’a peu à peu étouffé. Le deuxième état, je l’appellerais christianisme culturel. La foi vivante recule, mais la culture issue du christianisme sert encore de système de repères à nos peuples. Elle nous dit ce qui est bien ou mal, ce qu’il faut penser des relations hommes-femmes, de la famille, des enfants, des parents, de la responsabilité, du prochain, de soi-même, de la faute, de la vertu, de la punition, du pardon. C’est à partir de la culture chrétienne, issue de la foi vivante, que nous apportons une réponse à ces questions essentielles. C’est là que nous nous trouvons aujourd’hui, en Europe centrale. Ce qui vient ensuite, c’est l’état zéro de la foi, l’absence totale de christianisme, que je peux même appeler « le vide chrétien ». C’est l’état où le christianisme en tant que culture ne sert plus de code ou de système de repères, où il disparaît de la vie publique. Il existe un point de bascule, un moment de renoncement culturel, qui, selon moi, survient lorsqu’un pays accepte et légalise le mariage entre personnes de même sexe. C’est ce point de bascule. Ce choix nie les fondements mêmes de la vie commune selon les principes chrétiens. Voilà où en est aujourd’hui l’Occident. Et c’est dans cet état qu’il a été confronté à une migration de masse, ce qui l’a rendu incapable de se défendre. Auraient-ils encore plus bas à tomber ? Et nous, parviendrons-nous à tenir bon ? Ou pourrons-nous remonter vers le monde porté par la foi vécue ? À ces questions, je ne connais pas la réponse. Mais je sais une chose : cela ne dépend que de nous, et de nos jeunes, de nos enfants, que nous avons nous-mêmes élevés. Les avons-nous préparés à comprendre que, s’ils sont Hongrois, ils ont une mission ? Cette mission, c’est de préserver ce que nous avons, d’acquérir ce qui nous manque, et de refuser ce dont nous n’avons pas besoin. Le moment est venu de découvrir quel genre de parents nous avons été.
Merci pour votre attention.
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